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Vice Blog

Où étiez-vous quand ça s’est passé ?

Une collection de nos souvenirs du 13 novembre 2015, à partir de 21 h 20.
Paul Douard
Paris, FR

La semaine dernière, je vous racontais mon funeste week-end d'abrutissement face aux images macabres fournies par les diverses chaînes d'information en continu, commentant en direct les attaques perpétrées par des soldats de Daesh sur Paris. Lors des attentats, j'étais en effet devant la télévision, une main au fond d'un paquet de chips, l'autre sur mon téléphone. Concrètement, je ne foutais rien. Et de fait, c'est la raison pour laquelle j'ai passé les 48 heures suivantes là où j'étais au moment où j'ai appris les attaques : sur mon canapé, prostré, dans un état semi-comateux.

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Le bilan final : 130 morts et plus de 350 blessés. Des types en blouse blanche qui nettoient des flaques de sang devant des terrasses de bar et nombre de familles brisées. L'horreur dans laquelle la France vit depuis vendredi 13 novembre semble à présent presque banale, malheureusement. Mercredi dernier encore, une femme se faisait sauter dans un appartement de Saint-Denis lors d'un assaut du RAID sur une cellule terroriste liée aux attentats, tandis qu'un pauvre chien y passait aussi, connaissant une heure de gloire post-mortem sur Facebook et Twitter.

En discutant de toute cette merde avec mon entourage, je me suis rendu compte à quel point chacun d'entre nous avait vécu ces attaques d'une manière différente. Même si la plupart d'entre nous étions en train de faire des choses normales en ce sinistre vendredi 13 au soir, chacun l'a vécu avec sa propre émotion. D'aucuns diraient sa propre peur. C'est pourquoi j'ai demandé à une vingtaine de Français, d'origines, de sexes et d'âges différents, résidant en France ou à l'étranger, de me raconter ce qu'ils étaient en train de faire au moment où ils ont appris qu'une vague de haine s'abattait à nouveau sur la capitale française.

Photo via Flickr.

Charline, Paris IIe arrondissement
« J'étais en baby-sitting à Sentier. Je gardais Marisa et Gabriella, des jumelles de 9 ans, et Anouchka, 4 ans et demi. Les parents étaient partis à 19 h 30. Ils devaient aller voir le dernier James Bond, puis dîner avec des amis. On avait regardé un film avec les filles, je m'apprêtais à coucher la petite et j'ai reçu le 1er texto de ma sœur : "Tout va bien ? Bouge pas, il y a des fusillades dans Paris." Premier réflexe, la rassurer. Puis Twitter, où j'ai compris lentement ce qu'il était en train de se passer. J'ai demandé aux deux grandes de se coucher en même temps qu'Anouchka, et j'ai lu La Belle et le clochard en tentant de ne rien laisser paraître aux filles. Une fois les trois couchées, j'ai allumé iTélé, échangé SMS et appels avec mes proches, puis attendu nerveusement des nouvelles des parents.

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Ces derniers m'ont appelé à 23 h 30. Ils sortaient du ciné et découvraient ce qui se passait. Ils sont rentrés, et je suis restée avec eux, zappant entre I-Télé et BFM, jusqu'à ce que ça paraisse assez safe pour qu'ils m'appellent un taxi vers 2 heures.

L'espace d'un instant, je me suis imaginé "et si les parents étaient dedans, j'aurais fait quoi ?" Je m'imaginais presque devoir gérer le réveil de trois petites filles orphelines… »

Alexandre, quelque part au Vietnam
« Je dormais, ici c'était la nuit. Mon collègue Vietnamien m'a envoyé un message sur mon téléphone : "De tout cœur avec les Français". J'ai reçu ça vers 8 heures du matin. Résultat, je me suis demandé pourquoi il me disait ça. J'ai mis France Info, qui m'a tout dit. »

Il est 21 h 41 et je pense qu'il s'agit d'un pote bourré ou d'un mec qui fait une mauvaise blague. Et puis, on entend. On entend à la fenêtre des coups sourds, des balles tirées. Des putains de balles tirées à Paris.

Jérémy, Groslay, Val-d'Oise
« J'étais chez une copine en banlieue, à l'abri. C'était une grosse soirée et j'avais pour but – entre autres – de finir mon pochon de weed. Ça tenait à trois joints, selon les estimations. On allume le premier. Plein de SMS de proches paniqués qui me demandent si "ça va". Réaction normale : j'allume la télé. Et là, le nombre de victimes croissait d'heure en heure… Des images horribles. Bref, on mate la télé, toutes les chaînes, non-stop, médusés, sans un mot, jusqu'à 2 heures du matin. Ce faisant, on vide des bouteilles. Après deux heures, on coupe tout. On décide de profiter pour eux, pour les victimes. On finit ma weed, on enchaîne beer-pongs sur beer-pongs, et on finit par une minute de silence. Puis une Marseillaise hurlée à tue-tête. 6 heures du mat, tout le monde est au lit, défoncé, bourré. Et triste. »

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Quentin, Paris Xe arrondissement
« J'étais au restaurant, tranquillement en train de dîner quand on a appris pour ce que les médias ont d'abord relayé comme étant des "grenades" au Stade de France, entraînant l'évacuation immédiate de François Hollande. On s'est immédiatement tous bougé chez un pote. En allumant la télévision, on a appris le reste des événements. On était dévastés. »

Guillaume, dans un train pour la Bretagne
« J'étais dans le TGV pour Vannes. Je partais en week-end avec des amis. Tous les passagers du train l'ont su en même temps. Dès qu'on a eu du réseau, nous avons tous reçu une notification type pop-up. On s'est tous regardé, histoire de savoir si tout ça était bien réel. Ça l'était. »

David Cameron et François Hollande déposent des fleurs à Paris au lendemain des attaques du vendredi 13 novembre. Photo via Flickr.

Julie-Sophie, Paris XVIe arrondissement
« À la mi-temps du match, une amie voit sur Twitter qu'une explosion vient d'avoir lieu au Stade de France. Tout le monde rigole, n'y croit pas, et parle d'un "jeu de mot" pour le but que la France vient de marquer. La soirée continue, mais ne dure pas. Vingt minutes plus tard, on voit sur Twitter à nouveau qu'il y a eu une fusillade rue de Charonne. On est tous sur nos téléphones pour vérifier les infos, et on voit qu'en réalité il y a eu deux explosions au Stade de France, puis plusieurs fusillades et une prise d'otage au Bataclan… Un vent de panique souffle sur tout le monde, qui cherche à joindre ses proches parisiens, ceux qui habitent ou sortent dans ces quartiers. Très léger soulagement momentané après avoir réussi à joindre nos proches. Mais arrive l'incompréhension, et le choc avec ce qu'on lit sur Twitter et le nombre de morts qui augmente. La fin du match arrive, et l'édition spéciale démarre. Les chaînes d'informations se décident enfin à parler du drame. Nous restons devant la télé à regarder ces images horribles en boucle jusqu'à 2 heures du matin environ. Les gens souhaitent tous ensuite rentrer chez eux mais leur départ est difficile, entre peur et difficulté de trouver un moyen de transport. Finalement tout le monde rentre sain et sauf.

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Personne n'a perdu de proche, mais on connaît tous quelqu'un qui a perdu quelqu'un. »

On branche I-Télé et on découvre le truc : le Carillon. Grosse suée, c'est notre QG en temps normal. Mon pote qui habite rue Bichat, soit à 200 m du Carillon, était là, avec nous. Il est parti de chez lui 10 minutes avant que ça commence.

Lola, Drancy, Seine-Saint-Denis
« J'étais chez moi en banlieue avec deux de mes colocataires, et mon mec. On buvait du vin et on jouait au Taboo parce qu'on avait la flemme de sortir. La mère de mon coloc' l'a appelé en larmes. Elle lui demandait où il était. Par réflexe on a tous regardé nos téléphones ; on avait tous trois tonnes de messages et de notifications. On a allumé la télé, rangé le Taboo et sorti la vodka et le gin. À la télé on voyait la rue de mon mec – il vit rue de la Fontaine au Roi, dans le Xième. J'ai pleuré de soulagement d'avoir opté pour une soirée chez moi. »

Louis, Chengdu, Chine
«La veille des attentats, je me suis réveillé doucement de ma soirée. Vivant en Chine, les événements se sont passés durant la nuit pour moi. Je n'étais pas au courant le lendemain quand j'ai débarqué dans le salon. Tous mes colocs étaient déjà réveillés – chose rare. Gueules d'enterrement, faces blafardes, je mets de la musique pour me réveiller. IAM, La fin de leur monde. Mon coloc' me dit que c'est "plutôt bien choisi". Je le questionne et il m'explique, des sanglots dans la voix. La journée qui a suivi n'a consisté qu'à prendre des nouvelles de mes proches en France. »

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Sophie, Paris Xe arrondissement
« Je suis dans le métro, je reçois un SMS d'une amie. "Sophie fais gaffe, y'a une fusillade rue Bichat." Je dois faire mon changement à Strasbourg-Saint-Denis. Je consulte la carte à la station de métro. Je commence à réfléchir, à essayer de peser les infos qui m'arrivent au compte-gouttes, alors que je monte dans le métro, ligne 8. Et là, j'observe les visages des inconnus de la rame. Ceux qui n'ont pas leur téléphone dans les mains ne savent rien. Les autres commencent à recevoir des appels, des textos. On se regarde tous. Une femme rentre dans le métro, à l'arrêt Filles du Calvaire, près de République. Elle s'adresse immédiatement à un inconnu assis à côté d'elle. "Ils ont tiré partout. J'étais dans le bus, le chauffeur nous a dit de nous enfuir de partir loin, de prendre le métro." J'arrive à Bastille, sortie rue de la Roquette. C'est blindé, les terrasses sont pleines. Mon amie me réécrit : "Sophie, dépêche-toi d'arriver." Je presse le pas. Cinq minutes plus tard j'arrive chez mon pote, la télé est allumée, les visages sont graves. Je commence à comprendre. »

Bryan, Lille
« Je mangeais des moules-frites tranquillement chez mes beaux-parents. Le téléphone de ma copine a sonné et on a vu qu'il y avait eu une fusillade dans Paris. On a mis les infos. »

Romain, Paris XVIIIe arrondissement
« L'objectif c'était de se pinter la gueule avant de sortir en boîte. On achète nos places pour une soirée. 15 minutes après, je reçois un texto de ma mère : "J'espère que t'es pas dans le Xe." C'est elle qui nous alerte, en fait. Tout de suite on éteint la musique, on branche I-Télé et on découvre le truc : le Carillon. Grosse suée, c'est notre QG en temps normal. On aurait très bien pu y être ce soir-là. Mon pote qui habite rue Bichat, soit à 200 m du Carillon, était là. Il est parti de chez lui 10 minutes avant que ça commence. Y'a un autre pote qui devait aller au Bataclan ce soir-là – mais c'était sold-out. »

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Le lendemain des attaques, devant le Petit Cambodge et le Carillon, Paris X e. Photo via Flickr.

Thibaud, qui était avec Romain, Paris XVIIIe arrondissement
« On comptait sortir au Rex. Mon coloc' a reçu un texto de sa mère et on a tout de suite foncé sur Internet. Le Monde : rien. Libé, un direct. Puis on a mis I-Télé. On s'est rué sur nos smartphones : qui habite dans le Xième ? Qui pouvait être au Carillon ? Avec nos potes, on va souvent au Carillon. Enfin souvent, deux fois par mois peut-être ?

Ce que je retiens de ce moment, c'est l'écran de mon téléphone et la sueur de mes doigts. Les potes qui te disent qu'ils sont "bloqués dans un bar" et ceux qui ne répondent pas. On était si près et si loin d'eux à la fois : à l'abri dans notre appart du XVIIIe, au 6e étage, avec des bières pour dix et du gin pour quinze. Des insultes ont fusé, évidemment : "quelle bande de fils de putes !" Mais au fond, on s'y attendait tous, on l'avait dit depuis janvier : là où ça va chier, c'est quand ils commenceront à dézinguer dans les lieux publics, au hasard. Bah voilà, on y est. Finalement, personne de nos proches n'a été touché, mais on sait que le couperet n'est pas passé loin. Peut-être qu'on sera au mauvais endroit la prochaine fois.

Pour la première fois de ma vie, je me suis posé la question de sortir de chez moi le lendemain. J'avais cette petite boule au ventre dans l'escalier. Puis, une fois dehors, plus du tout. La vie continue, même si on n'oubliera jamais. »

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Alexis, Xième arrondissement.

« J'étais chez ma copine, rue de Nemours, à Paris dans le Xième arrondissement, aux alentours du Bataclan. Un ami poste un statut, saccadé, presque comme un télégramme : "Coups de feu. Rue Marie et Louise. Je crois qu'il y a plusieurs décès. Les mecs sont passés en voiture. Ils ont mitraillé une terrasse de bar et un restaurant." Il est 21 h 41 et je pense qu'il s'agit d'un pote bourré ou d'un mec qui fait une mauvaise blague. Et puis, on entend. On entend à la fenêtre des coups sourds, des balles tirées. Des putains de balles tirées à Paris. Les voisins sortent tous à la fenêtre, on se regarde tétanisés. On regarde les chaînes d'infos en continu, et là on commence à saisir l'ampleur de l'horreur. On entend des détonations. On comprendra plus tard qu'il s'agissait de ceintures d'explosifs. »

Alexandre, Sydney, Australie
« À mon réveil, le 14 novembre au matin j'ai entendu : "Alex, réveille-toi… Il se passe un truc à Paris… Appelle tes proches !" J'allume mon portable, et les premiers messages tombent déjà. Les notifications aussi. Ma première réaction : "c'est pas possible."

Une fois arrivé dans le réfectoire du campus, j'aperçois les visages peinés des étudiants étrangers, ajoutés aux diverses marques d'affection et autres "je suis désolé" qui me font prendre conscience de ce qu'il se passe.

Puis je vois les premières images à la télévision. Là sont réunis de nombreux étudiants, les Français en première ligne. Certains fondent en larmes devant cette horreur. Vivre ce genre d'événements à 17 000 km de chez soi est assez particulier – on ne veut pas forcément rentrer chez soi devant un tel degré d'insécurité, mais d'un autre côté, notre première envie est de vivre ça avec nos proches. La journée fut poussive, et s'est conclue par un rassemblement de ressortissants français à Sydney, de longues minutes de silence, puis une Marseillaise. À un moment, ils ont illuminé l'Opéra aux couleurs du drapeau français. »

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Cédric, Toulouse
« J'étais au cinéma pour le dernier James Bond. C'est en sortant, vers une heure du matin, que j'ai senti mon portable vibrer. C'était ma sœur, qui me pensait sur Paris. Sur le moment, je n'ai pas vraiment compris. »

Devant le Petit Cambodge, Paris Xe. Photo via Flickr.

Léo, Paris, Vème arrondissement
« Un France-Allemagne un vendredi soir, avec quatre potes et des bières, tu te dis forcément que tu vas passer une bonne soirée. On lâche quelques vannes sur le commentateur Christian Jean-Pierre, les Allemands, la technique balle aux pieds de Blaise Matuidi, la pelouse digne d'un terrain de DH. On se marre bien quoi, pendant 90 minutes. Enfin presque. Avant même le coup de sifflet final, nos portables commencent à sonner tous en même temps, avec le même message : "T'es ou ? Tout va bien ? Rentre vite !" Là, on prend conscience qu'il y a un truc qui va pas. C'est peu de le dire, les mots qui suivent sont tous aussi flippants : "attentats", "explosions", "fusillades". L'inquiétude te gagne assez rapidement. J'avais mon meilleur pote au Stade de France, et d'autres [ami(e)s] là où ont eu lieu les attentats. Puis, tu réalises que tout ça est bien vrai, que le nombre de morts n'arrête pas de grimper. On est restés tous ensemble une bonne partie de la nuit, à se dire à quel point tout ça était surréaliste. Ç'aurait dû être une belle soirée, putain. »

Alice, Paris XVIIIe arrondissement
« Je glandais au chaud avec mon copain. Au moment où il a reçu le texto d'un de ses amis à proximité d'un des bars visés, j'ai reçu une notification du Parisien sur mon téléphone : "fusillade". Puis la télé. On est subitement sortis de notre léthargie. J'ai passé la soirée entre Twitter, Messenger, les chaînes d'infos en continu, les appels et les SMS échangés avec mes amis. Je fumais compulsivement, dans un état d'angoisse et de tristesse absolu. C'était l'horreur. J'ai appelé mon frère qui jouait en ligne sur son ordi et n'était au courant de rien. J'ai engueulé les proches qui ne me répondaient pas dans la minute. Le temps s'était arrêté. »

Arthur, Metz
« J'arrivais tout juste à Metz, ma ville d'origine, où je rentre tous les trois mois pour voir ma famille et des vieux potes. Je commence la soirée avec mon ami d'enfance autour de quelques bières et un pétard. Je lui propose de passer chez moi pour dîner et mater le match. Mon père est toujours ravi de cuisiner. L'après-midi se prolonge chez moi avec ma famille. Ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus, le match est un bon prétexte pour se retrouver le temps d'une soirée. L'ambiance monte d'un cran après le premier but de la France ; on parle fort, tout le monde a un verre de vin dans la main.

Arrive la 60e minute. Première alerte. Ma sœur reçoit un message sur son téléphone : "Tirs à Paris, plusieurs fusillades seraient en cours." On se regarde un peu interloqués, on se dit qu'on va jeter un coup d'œil sur BFM. Silence. Ça se confirme. On regarde sur Twitter, les sites d'info, on recherche l'état des lieux le plus précis. Les nouvelles s'aggravent. On a tous des copains à Paris, susceptibles d'être vers Oberkampf ou à un concert. On passe deux bonnes heures à rassurer nos potes parisiens et étrangers, et mes grands-mères qui me croyaient à Paris. Puis la pression retombe vers 1 heure. On est béats. On commence à réaliser. Et c'est ignoble – le sentiment d'être perdu. Plus vraiment envie de rire, et l'impression que les jours qui viennent vont être durs. »

Alvaro, Clermont-Ferrand
« J'étais assis à une terrasse à Clermont-Ferrand. Il y avait mon grand frère, un vieux copain et des connaissances à lui. On parlait de choses et d'autres, on était un peu high. J'ai commencé à recevoir des appels en panique de la part d'amis qui connaissent mon amour pour Eagles of Death Metal. Je me suis penché vers mon frère pour lui annoncer la nouvelle : "30 morts, j'ai dit. 30 morts au Bataclan". On a pris un air endeuillé quelques secondes puis on est passés à autre chose. Je n'ai rien dit aux autres parce que je ne voulais pas plomber l'ambiance. L'info n'a pas circulé. Les types se bourraient allègrement la gueule, à l'écart de la tempête. Très aimables, ils nous ont proposé de continuer la soirée dans un appartement, mais mon frère et moi on a préféré rentrer.

Dans la rue, un type manifestement sous l'emprise d'un stimulant nous a mis en garde contre "Daesh, au coin de la rue, ils vont vous buter !" Chez nous, on a trouvé mon père et mon petit frère devant la télé. C'est là que j'ai réalisé. Mon petit frère faisait déjà des blagues cyniques sur la situation, comme si c'était un mauvais film. Il n'a jamais vécu à Paris, il ne peut pas être touché de la même manière. Il n'a jamais descendu le boulevard Voltaire à pied, il n'est jamais allé au Bataclan, il s'est jamais fracassé la tête au Carillon. Je lui ai dit de la fermer. Mais je l'aime quand même. »

Ma mère, quelque part dans la campagne française
« Je ne l'ai appris que le samedi matin par des textos de tes oncles me demandant si "j'avais de tes nouvelles" suite à ce qui se passait à Paris.Je n'ai rien compris. Puis j'ai allumé la radio, la télé – mon sang n'a fait qu'un tour.Je t'ai appelé sur ton portable mais tu ne dormais donc pas de réponse j'ai finalement appelé sur ton fixe et tu m'as répondu. Ouf !Pendant tout ce temps, j'ai eu l'impression de ne plus respirer. C'était un trou noir alimenté par ce que je voyais à la télé.Tout le week-end, j'ai pensé à ces parents en train de chercher à joindre leurs enfants. Mais c'est Martin, ton oncle, qui m'a asséné le coup de grâce : il m'a dit qu'il avait essayé de prendre des places pour le concert mais que c'était complet ! »

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