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La Skateboard High School de Patrick O'Dell

« Quand je bosse pas pendant un jour, les doutes m'assaillent – je commence à me dire que tout ce que j'ai fait craint et que je suis un gros loser. »

Je suis désolé de vous le dire, mais j'aime Patrick O'Dell le photographe plus que Patrick O'Dell le créateur de l'émission star de VICE.com, Epicly Later’d. Ça devrait vous faire comprendre à quel point j'apprécie les photos de Patrick, parce que je suis un grand fan de cet émission. Le charme de ses photos agit bien parce que Patrick s'est toujours immergé à fond dans les tournées et aventures qu'il documentait.

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La photo de la destruction de ce pool d'Asbury Park figure dans Built to Grind, le livre-anniversaire des 25 ans d'Indy. Cette photo était en vente à la dernière foire de l'ASR. L'histoire qui suit est une des raisons pour lesquelles je n'irai plus jamais dans des foires.

Le business du skate contient tout un tas de têtes de cons, et les foires sont pleines de cette lie. Dès que j'ai vu que cette photo allait être mise en vente, je me suis dit qu'elle rentrerait dans le New Jersey avec moi. J'ai fait une offre à 200 $ et j'ai attendu. J'ai vraiment attendu juste à côté, en sirotant du vin et en essayant de dissuader les gens de l'acheter. Un temps, ça a marché. PErsonne n'a fait d'offre supérieure. Personne ne l'a même regardée. Puis une sorte de surf-bro qui avait vraiment une tête de con s'est pointé et a fait une proposition à 205 $. Je lui ai dit de se casser. J'ai fait une offre à 300 $.

« Ah ouais, mec ? », il a dit. « Je t'emmerde ! » Il a offert 1000 $. J'étais sur le cul.

« Mais tu fais quoi, là, mec ? » lui ai-je demandé.

« Tu gagneras pas. » Et il est monté à 2000 $.

« Pourquoi t'es si putain de con ? » lui ai-je demandé.

« Parce que je peux l'être. » Quel excrément. Je lui ai demandé si ce cliché avait une signification particulière pour lui. Il m'a dit que non, qu'il l'aimait bien, et qu'il aimait encore plus me faire chier. J'ai bien aimé cet argument, je pouvais m'identifier à ça. Ça m'a donné envie de lui sourire. Mais pas trop. Je me suis envoyé ma dernière gorgée de vin et je lui ai dit : « OK, écoute. Je vais rester là », lui ai-je dit en désignant le bar du doigt. « Je vais me mettre à boire. Beaucoup. Je ne te quitterai plus des yeux pour le reste de la soirée. Quand t'auras payé tes 2000 $, je vais te suivre dans le couloir, te foutre une raclée, et prendre cette putain de photo. T'as compris ?  » Il s'est marré. Je me suis marré. Ensuite, j'ai arrêté de me marrer et je me suis mis à boire. Pendant une heure, j'ai fixé ce crétin à sandales. Je me souviens même plus s'il avait un tee-shirt ou non. C'est devenu tellement inconfortable pour lui que tous les gens à qui il parlait lui demandaient qui était ce type qui essayait de le faire fondre avec ses yeux.

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À cinq minutes de la fin de la vente, il est venu me voir. À moitié pour plaisanter, et à moitié prudent, il m'a dit : « Ben quoi, mec ? Je me foutais juste de ta gueule. »

« Moi je me fous pas de ta gueule, mec. Paie la photo. Moi je la récupère. Je vais te mettre à l'amende devant tout le monde. » Il n'a pas répondu. Il est juste allé rayer son nom des enchères.

« Voilà », il m'a dit. « elle est à toi. »

« C'était déjà la mienne, gros crétin. »

Aujourd'hui, elle trône fièrement au-dessus de mon billard, dans ma cave, où beaucoup de gens l'ont vue et ont entendu l'histoire que je viens de vous raconter.

La vérité, c'est qui si cette photo avait été prise par tout autre photographe, ça ne m'aurait pas autant tenu à cœur de l'acheter. Il y a des milliers de façons de rater un tel cliché, notamment celle de le faire en fisheye ou de faire le focus sur la grue. Mais Patrick a ce don de vous faire partager un moment, il vous raconte toute une histoire en un seul cadre.

J'aimerais bien qu'il shoote plus (en plus de son site Epicly Later’d), ou plutôt, j'aimerais bien voir plus de ses photos dans des mags de skate. Sa façon de raconter des histoires me manque. J'aurais bien aimé pouvoir aller à Los Angeles, ce week-end, pour voir son expo Skateboard High School à la Known Gallery.

Au lieu de ça, j'ai dû me contenter du catalogue de l'expo, et je lui ai envoyé quelques questions par mail.

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VICE : T'as une expo intitulée Skateboard High School à la Known Gallery de L.A, en ce moment. Tu peux m’en dire plus ?
Patrick O’Dell : C’est surtout des tirages sélectionnés parmi ce que j’avais dans des cartons. J’ai aussi pris un tas de négatifs auxquels je n’avais pas jeté le moindre coup d’œil depuis l’époque où j’étais à l’école d’art de Costco.

Un de tes récents posts Instagram montrait une boîte de tirages qui t’avait été envoyée de ton sous-sol de l’Ohio à ton adresse à LA. T'avais une idée de ce que ces boîtes contiendraient ? Ou ça t’a surpris ?
C'est m’a sœur qui m'a expédié ces boîtes. Elle était embêtée parce qu’il y avait des tas de tirages et que je lui avais demandé de ne m’envoyer que ceux sur lesquels on voyait des skaters. J’ai lu que toutes les cellules de notre corps se régénèrent tous les sept ans. Ça veut dire que ces photos ont été prises par quelqu’un qui a le même nom que moi, mais deux générations plus tôt – et probablement en état d'ivresse. Je ne reconnais pas la majorité des gens sur ces photos, d’ailleurs. Beaucoup d’entre eux appartiennent au temps ou j’essayais de percer dans la photographie de skate. Je shootais des mecs comme Karl Watson, Lil’ Stevie et des pros comme Chad Knight, Josh Kasper et James Kelch. Beaucoup des images sont des photos de fêtes. J’étais immergé. Je me souvenais de la plupart de ces photos comme étant plutôt mauvaises, mais quand je les regarde, elles ont été prises il y a tellement longtemps, dans une époque tellement différente du skateboard d’aujourd’hui, qu’elles ont l’air cool avec le temps.

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T'as des bonnes histoires rattachées à ces photos ?
Un tas de trucs en rapport avec une maison dont laquelle on vivait pour le skate et la fête. C’était la Howard House. Je vivais là-bas avec John Trippe, Ocean Howell, Richard Hart et d’autres. Simon Evans aussi a vécu là, à un moment. C’était une époque étrange de ma vie, je menais une existence assez louche. Je buvais et fumais de la weed tout le temps donc je ne m’en souviens pas très bien. Je me souviens de ce qui me passait par la tête à ce moment-là et c’est plutôt embarrassant. Je suis sûr que dans quelques années je dirai la même chose de l’époque que je suis en train de vivre.

D’où est-ce que tu viens dans l’Ohio ?
De Colombus. Je n’ai pas vraiment grandi là-bas mais j’y suis allé au lycée donc je dis que je viens de là-bas. C’était hyper banlieusard – presque rural, en fait. Je vivais dans une grande ville avant ça, donc ça a été une transition difficile. Je suis né à St. Louis puis j'ai déménagé dans le Connecticut, puis Louisville, la Pennsylvanie, Cincinnati, Hong Kong et enfin Colombus. Ça a été un voyage, c’est probablement pour ça que je continue à beaucoup bouger.

L’expo s’appelle Skateboard High School. C'était comment tes années lycée ?
Les pires que j’ai vécues. Je me suis fait virer après avoir cassé la nuque de ma prof de maths et l’avoir envoyée à l’hôpital. J’avais tendance à me faire martyriser… en fait, j’ai été harcelé à peu près toute ma vie donc quand je suis arrivée au lycée, j’avais déjà abandonné toute idée d’avoir un jour des amis. J’avais des potes de skate et c’est tout. Je pense que je détestais l’école plus que la majorité des gens – je la détestais avec passion. Je pense ne jamais refoutre un pied dans une école de toute ma vie.

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En quoi penses-tu que l’expérience lycée est différente pour les skateboarders d’aujourd’hui comparée à celle de notre génération ? On était des parias à l’époque.
Je suis allé faire un tour en voiture près de mon ancien lycée, il y a quelque temps. Il y avait des gamins qui faisaient du skate sur le parking. C’est tellement différent maintenant. Parfois, je me dis que les skaters que j’ai rencontrés pour mon émission Epicly Later’d et ceux avec qui j’ai traînés sont hyper bizarres, qu’ils étaient des parias dont la seule échappatoire était le skate. Mais beaucoup de skaters aujourd’hui ne sont sans aucun doute pas à plaindre – ce sont les nouveaux quarterbacks. Mais pour être un pro, je pense que tu dois être assez chelou. Tu dois résister à la tentation de trop te laisser distraire par les filles et le fait d’être cool même si c’est clair que ces choses sont bien plus amusantes que d’apprendre des flip-in et des flip-outs. J’ai vu des skaters progresser jusqu’à ce qu’ils deviennent célèbres. Ensuite, ils n’ont plus rien appris.

T'as des centaines de milliers de gens qui suivent ton émission, Epicly Later’d, et on te propose sans arrêt des skaters à interviewer. Tu peux dire à tous les kids quels épisodes sont en préparation ?
Je pense que le prochain sera sur Ed Templeton. Il a accepté à contrecœur. Il m'a dit que ce serait sûrement très mauvais, mais qu'il le ferait quand même. Moi, je pense que ça va défoncer.

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Tu penses qu'on pourra avoir un épisode sur Kris Markovich ? Ça a toujours été un de mes skaters préférés. J'ai l'impression qu'il n'a pas la reconnaissance qu'il mérite.
C'est possible. Je ne crois pas l'avoir déjà croisé. Je l'ai vu dans une émission de téléréalité une fois. Je crois. Mon objectif, à long-terme, c'est de faire des épisodes sur tout le monde, peut-être pas des épisodes entiers, mais au moins une section.

VICE a ouvert des bureaux à Los Angeles, récemment. Ça veut dire que tu vas sortir plus d'épisodes ? Ça te facilité la vie ?
Ouais, j'espère qu'on pourra monter là-bas. Mais ce serait un peu triste parce que les monteurs de New York sont géniaux. Abby Ellis, Lauren Cynamon, Kelly Hudson et Eileen Kennedy font un putain de boulot. Je leur envoie des interviews qui vont dans tous les sens, et elles arrivent à en faire un épisode qui se tient.

La dernière fois qu'on s'est parlé, tu bossais sur un projet avec Richard Kern pour Altamont. C'était comment de bosser avec lui ?
Il est génial. On a utilisé des vieilles photos à lui, qui remontaient à sa période noir et blanc Sonic Youth – qui correspond au moment où j'ai découvert son travail. Il était parmi les derniers à avoir shooté GG Allin, donc on a mis ces photos-là sur des tee-shirts. Et il a shooté notre catalogue pour la saison. C'est pas encore sorti, désolé Altamont, mais c'est stylé. Même si les détaillants vont être un peu déstabilisés quand ils verront ces fringues sur des meufs à moitié à poil, vu qu'on fait pas de fringues pour femmes.

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C'était pas trop dur de cacher ton érection pendant les shootings ?
Je sais pas… T'sais, j'avais mis ma casquette professionnelle. J'ai filmé les coulisses du shooting, c'était intense.

Tu travailles sur quoi d'autre ?
Je suis en train de bosser sur un clip de Cass McCombs, et je devrais faire un truc sur Wade Speyer pour Vans, aussi. Toutes sortes de conneries. Si je sors pas toute mon énergie créative, je suis déprimé et autodestructeur. Quand je bosse pas pendant un jour, les doutes m'assaillent – je commence à me dire que tout ce que j'ai fait craint et que je suis un gros loser.

Ouais je connais ça.

Pour plus de photos de Patrick : http://www.epiclylaterd.com/

Pour acheter le catalogue de l'expo, c'est ici 

Et vous pourrez retrouver toute la série des Epicly Later'd ICI