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La Menace du pénis fantôme

De nombreux mecs amputés de leur sexe ont toujours l'impression qu'il est là, entre leurs jambes.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Le mois dernier, Brian s'est réveillé au beau milieu de la nuit, sentant sa bite durcir dans son caleçon. Sa femme dormait à côté de lui, paisiblement. Il s'est aussitôt demandé s'il était en train de rêver. Son optimisme a rapidement disparu.

« J'ai soulevé mon bassin en espérant apercevoir une bosse, raconte-t-il, mais, bien sûr, mon pénis manquait à l'appel. »

Il y a un an, Brian a subi une pénectomie – l'ablation chirurgicale du pénis. Ce trentenaire s'était rendu chez son médecin pour traiter ce qu'il pensait être une verrue génitale. Après avoir rencontré plusieurs spécialistes, il a compris qu'il était porteur d'un carcinome épidermoïde en phase terminale – une forme de cancer de la peau. Les médecins lui ont logiquement recommandé la pénectomie. « Ça a été une très mauvaise journée », me précise-t-il au téléphone.

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Depuis cette opération, il a parfois la sensation que son pénis est toujours présent. Pendant des décennies, les patients qui manifestaient ce syndrome de « membre fantôme » entendaient dire que c'était « dans leur tête ». De récentes études ont démontré que 80 % des personnes amputées d'un bras ou d'une jambe ressentent encore des sensations provenant de leur membre disparu. Il en va de même pour les hommes qui ont subi une pénectomie.

Ce syndrome de pénis fantôme a été rapporté pour la première fois par un médecin irlandais à la fin du XVIIIe siècle. Au début du XIXe siècle, un chirurgien écossais, Andrew Marshal, évoque le cas d'un homme ayant perdu son sexe. « Le pénis de W. Scott a été emporté par un coup de feu. Son moignon a retrouvé la sensibilité particulière du gland », écrit-il dans ses notes publiées deux ans après sa mort. Un autre chirurgien écossais, John Hunter, décrit dès 1786 plusieurs exemples de vits fantômes dans son livre Observations on Certain Parts of the Animal Oeconomy – dont celui d'un homme qui réussissait à éjaculer via son moignon après avoir masturbé son pénis fantôme.

Contrairement aux membres fantômes, connus pour être douloureux, les pénis fantômes semblent souvent associés au plaisir. Pourtant, Wayne Earle, un Australien âgé de 48 ans, prétend que son chibre fantôme ne lui procure aucun bonheur. Il a fondé CheckYourTackle, un site qui soutient les victimes de cancers masculins. Lui-même a subi une pénectomie complète en 2014 afin de stopper la propagation d'un carcinome épidermoïde.

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« Il m'arrive parfois d'avoir une érection quand j'embrasse ma femme, me raconte-t-il sur Facebook. J'ai fait une dépression à cause de ça. J'éprouve des besoins sexuels comme n'importe quel homme et je produis toujours de la testostérone. Mon corps s'adapte, mais j'ai toujours des érections fantômes. Je ne vois pas quel plaisir je peux en tirer. »

Earle a ressenti la présence d'un pénis fantôme tous les jours pendant les six mois qui ont suivi l'opération. « C'est un sujet qui n'est pas vraiment abordé avec le médecin pendant le diagnostic », déclare-t-il. Pour lui, ce phénomène est douloureux mentalement, physiquement et émotionnellement. Il ajoute que c'est, de loin, la pire conséquence de son cancer.

« Ça s'est calmé avec le temps, écrit-il. Je ne le sens plus à présent, quelque chose le bloque. »

En 1950, un chirurgien de Boston nommé A. Price Heusner publiait un article dans la revue Transactions of the American Neurological Association concernant un vieil homme dont le pénis avait été « accidentellement amputé » et qui ressentait la présence « d'un pénis fantôme indolore mais toujours en érection ». L'homme en question devait souvent s'assurer que son sexe était toujours manquant.

Un an après, Alfred Crone-Münzebrock publiait une étude centrée sur 12 survivants d'un cancer ayant choisi l'ablation. Sept d'entre eux évoquaient la présence d'un pénis fantôme après l'intervention. Chez deux patients, le phénomène était douloureux.

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En 1999, le Docteur C Miller Fisher, neurobiologiste de Boston, publiait une étude de cas centrée sur un homme d'affaires de 44 ans atteint d'un cancer de la peau du pénis – qui prend la forme d'une plaie douloureuse sur le sexe. La pénectomie était inévitable. Après l'intervention, il rapportait des cas d'érections fantômes douloureuses, résultant souvent d'une stimulation érotique.

Les théories quant aux causes des phallus fantômes évoluent sans cesse. En 2008, V.S Ramachandran, neuroscientifique à l'université de San Diego, a abordé ce phénomène sous un nouvel angle. Il a découvert que les femmes transsexuelles ayant subi une intervention pour changer de sexe ressentaient la présence d'un pénis fantôme à un moindre taux que les hommes ayant subi une pénectomie.

Il a également interviewé 29 hommes transsexuels. 18 d'entre eux déclaraient avoir fait l'expérience de la présence d'un pénis fantôme, bien qu'ils n'aient jamais eu de pénis ! Matt, étudiant trans de 18 ans, affirme avoir ressenti l'existence d'un sexe fantôme avant sa puberté.

« À l'époque, je ne comprenais pas ce que c'était – je sentais quelque chose qui n'était pas là, écrit-il dans un mail. Ensuite, j'en ai appris plus sur le sexe. Au cours de ma puberté, j'ai commencé à faire l'idiot avec cette histoire de pénis fantôme. J'ai compris que si je prétendais me masturber comme un mec, je pouvais le sentir. »

S'il n'a jamais pu atteindre l'orgasme, son « pénis fantôme » reste très présent. Il n'a pas de forme vraiment définie, mais fait près de « 13 centimètres » selon ses dires. « Je n'arrive pas vraiment à différencier les différentes parties du pénis. Heureusement, la sensation de posséder des testicules fantômes est assez rare. Elles apparaissent seulement quand j'y pense et que j'essaie de les sentir. »

Pour Matt, qui a commencé à prendre de la testostérone il y a quelques semaines, les conséquences de ce phénomène sont mitigées. « Le phénomène de sexe fantôme conforte ma dimension masculine, mais me frustre, déclare-t-il. C'est rassurant dans le sens où je sais que je suis un mec, et que mon corps le sait aussi. D'un autre côté, il est frustrant de sentir que l'on a une bite et, quand on regarde dans un miroir, de ne voir rien d'autre qu'un manque. »

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