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Pire que la poutine : le pizzaghetti, roi du Québec

Ces derniers mois, il a fait beau genre deux jours à Montréal. Le reste de l'année 2013 a vu le temps osciller entre un froid infernal et une pluie longue, lourde, sans fin.

Babe, tu es si jolie

Ces derniers mois, il a fait beau genre deux jours à Montréal. Le reste de l'année 2013 a vu le temps osciller entre un froid infernal et une pluie longue, lourde, sans fin. Un temps à rester à l'intérieur donc, comme les 50 000 dernières années sous la même latitude. Les quatre pauvres matins où j'ai réussi à me tirer du lit pour faire du sport, j'ai couru une minute avant d’avoir une pointe de côté, marcher puis ressentir de puissantes nausées pendant dix minutes. Ça m’a fait du bien. J'ai largement mérité ma récompense, c’est-à-dire, un truc contenant dix milliards de calories. Je sais que je ne devrais pas fourrer toutes sortes de merdes dans ma bouche, mais ici, c'est le Québec, et le Québec est le paradis des bons petits plats qui vous remontent le moral et vous font prendre 25 kilos tous les mois. D’ailleurs, salut à vous, le pizzaghetti.

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Le pizzaghetti existe au Québec depuis bien plus longtemps que moi. C'est une sorte de calzone locale, une dose rapide de féculents pouvant, à terme, entraîner votre mort. Le pizzaghetti est un truc aussi québécois que la poutine, les pets de sœur ou les oreilles de crisse. Bien sûr, les pâtes et la pizza sont des spécialités d’origine italienne n’ayant rien en commun, mais les Québécois ont pensé qu’il était pertinent de les servir ensemble, et ainsi les inscrire toutes deux dans la catégorie junk food cancérigène. Et quand je dis « les Québécois», je parle des entrepreneurs grecs à l’origine de la franchise Belle Province qui ont été les premier à la commercialiser.

Quand j’étais plus jeune, je me souviens que je rendais visite à mes grands-parents maternels à Hochelaga. Ces derniers ont élevé cinq gamins dans un deux-pièces. J’aimais bien ce quartier. Des dépanneurs (« épiceries » en québécois), quelques snacks et deux, trois bars – leurs devantures étaient décorées de peintures de grandes chopes de bières – entouraient le vieux duplex. Mais dès qu’on franchissait leur porte d’entrée, on oubliait où l’on était. Mon grand-père n’a jamais appris le français, ni l’anglais. Il portait un vieux pantalon de costar et un débardeur qui portait les séquelles de ses longues heures passées à jardiner. Ce que l’on remarquait le plus, c’était cette étrange odeur propagée par les cuisses de porc qui pendaient du plafond de la cave et qui, au bout d’un certain temps, se transformaient en prosciutto. On était également constamment tentés par les fromages et les saucisses faits maison. À l’époque, je ne savais pas que les pizzas et les pâtes fraîches de mes Italiens de grands-parents étaient un truc précieux. Jusqu’au jour où ils sont morts. « Putain, en fait toute la bouffe a un goût pourri », je me suis dit. Il fallait que j’apprenne à cuisiner. Il fallait d’abord que j’arpente les rues de la ville pour manger tout ce que je pouvais. Les combos de pizzaghetti sur lesquels je tombais étaient loin d’être aussi bons que les plats de mes grands-parents, mais ils avaient du goût, n’étaient pas chers et étaient assez « italiens » pour que j’y revienne cinq fois par semaine.

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Le pizzaghetti est devenu tellement populaire ici que la marque Kraft Dinner a, fut un temps, commercialisé des macaronis goût « pizza extrême ». Plus récemment, les dépanneurs Couche-Tard se sont mis à vendre des barbotines (des sortes de Mister Freeze encore plus glucidiques) goût pizzaghetti. En revanche, à ma grande surprise, j’ai compris que le reste du monde était horrifié par ce plat malin et calorique. Surtout les Européens et leur lifestyle raffiné.

En règle générale, plus on s’éloigne du centre de Montréal, plus le pizzaghetti sur lequel vous tomberez sera de qualité. Certains restaurants, implantés à 20 kilomètres de la ville, ont même réellement perfectionné la recette. Ça a du sens, vu que ce repas est tout sauf un truc de gourmet. C’est dégueulasse et ça vous fera vraisemblablement péter. Personne n’a (encore) osé le servir avec du foie gras. Personne n’en a donné aux joueurs des Canadiens de Montréal, ni à ceux du supper club fétiche de Saint-Laurent. Je suis presque sûre que j’en ai déjà mangé un dans une patinoire. Oh, et dans tous les endroits suivants aussi.

MIAMI DELI, 3090 rue Sherbrooke Est, Montréal
Ce méga-snack ouvert 24h/24 est peuplé de personnes âgées, toutes logées dans les maisons de retraite du coin. Les cuistots doivent utiliser des rouleaux compresseurs et des tuyaux d’arrosage pour pouvoir produire assez de pâtes et de sauce afin de ravir les papilles de toutes ces vieilles personnes affamées. Bien que le service soit rapide, on se retrouve souvent à contempler le décor, composé de palmiers, de requins et de crocodiles en plastique disposés çà et là – ils sont censés donner à l’endroit une authentique vibration floridienne. À chaque fois, c’est une expérience agréable et déprimante.

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SALONICA, 5621 Rue St-Denis, Montréal
Je me suis enfilé d’innombrables poutines tard dans la nuit sur les banquettes du Salonica, tout en chassant les mouches qui peuplent l’endroit et en suant le Johny Bootlegger que je venais de boire. La serveuse est toujours la même, constamment en train de se plaindre. Cet endroit possède un charme inexplicable qui vous attire à l’intérieur. Mais ensuite, on se souvient qu’ils foutent systématiquement de la cannelle dans leur sauce tomate. Donc, mmh, non.

MARCONI, 2224 Rue Beaubien Est, Montréal
Marconi a tout compris. Leur pizzaghetti est hors de prix et les serveurs vous filent  25cl de Pepsi pour l’accompagner. C’est naze, mais de temps en temps, ça vaut le coup. Il faut aussi comprendre qu’ils ne vous servent pas une pizza avec une assiette de spaghettis à côté. Ils vous servent des spaghettis sur une pizza. C’est ça. Enterrée sous une forteresse impénétrable de mozzarella fondue et de garnitures diverses, repose une portion de spaghettis parfaitement dosée. Chaque part est, bien évidemment, extrêmement bourrative.

RESTAURANT DE LA PLACE, 75 Boulevard St-Jean Baptiste, Châteauguay
À deux pas de l’autoroute, au milieu de nulle part, se trouve l’un des innombrables restaurants type « On a qu'à manger n’importe où… Ici… Arrêtons-nous là… Ah tiens, ça a l’air particulièrement dégueulasse ». Comme il y a peu de chances que vous vous laissiez tenter par le nombre conséquent de saloperies disponibles sur la carte, vous demanderez à la serveuse le plat de la maison, qui vous répondra, entre deux quintes de toux, « Moi j’aime la peetza getzi ». Bingo, chopez ça.

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Mais en réalité, peu importe l’endroit où vous vous trouverez au Québec – une ville rurale déserte ou un quartier d’une ville à chier – tout le monde sera potentiellement capable de se farcir un pizzaghetti, et pour cause : tout le monde aime ça. N’hésitez pas à me contacter si vous avez des restaurants à me recommander ou si vous voulez plus de suggestions. D’ici là, je vais attendre là, devant mon ordinateur, en m’enfilant, hilare, une énième part de pizzaghetti.

Melissa est sur Twitter : @pizzaghetti (ceci n’est pas une blague)

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