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Sexe

Le tout premier sex-toy pour transsexuels est disponible

Destiné aux personnes en cours de transition, le Buck-OFF est un manchon de masturbation en passe de conquérir le monde.

L'industrie du sex-toy a considérablement explosé au cours de la dernière décennie. Elle constitue actuellement un marché de près de 15 milliards de dollars et on estime qu'elle atteindra les 50 milliards d'ici 2020. Il existe aujourd'hui de nombreux sex-toys très variés, dont chacun a pour mission de répondre à une demande particulière. Mais comme l'a souligné le militant transsexuel et infatigable entrepreneur Buck Angel, il est particulièrement étonnant « qu'il n'y ait jamais eu de sex-toy destiné aux hommes transsexuels. »

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Les choses ont changé en septembre dernier avec l'arrivée d'un nouveau jouet dans les sex-shops : le Buck-OFF, une assistance à la masturbation pour les personnes qui ont changé ou sont en train de changer de sexe. Le produit est distribué par le fabricant de sex-toys pour hommes PerfectFit et a été inventé par Buck Angel. Il lui a fallu cinq ans pour développer ce qui représente une avancée considérable sur le marché du sex-toy – une entrée susceptible de pousser les investisseurs et les fabricants à élargir leurs horizons au-delà des boules de geisha et des harnais.

Le Buck-OFF a été créé pour les gens qui prennent ou ont pris de la testostérone dans le cadre de leur transition female-to-male, qui entraîne souvent un élargissement des parties génitales. Même s'il ressemble à n'importe quel autre sex-toy, le Buck OFF présente deux différences majeures : il est plus petit et plus large que les autres sex-toys et a la capacité de créer une succion qui facilite la masturbation masculine. Ainsi, il leur permet d'amoindrir les possibles effets d'une dysphorie de genre, laquelle est susceptible de se produire avec l'utilisation d'autres sex-toys.

« Nombre de personnes qui font – ou ont déjà fait – une transition du sexe féminin vers le sexe masculin "ne veulent plus toucher leur sexe" », me confie Buck. « Ils sont vraiment dissociés de leur vagin car il représente tout ce qu'ils veulent oublier, à savoir la féminité. Lorsque vous êtes en pleine transition, vous voulez avoir un pénis, vous sentir homme, alors vous ne touchez pas nécessairement votre vagin. Le Buck-OFF vous permet de vous masturber sans y toucher. »

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Comment se fait-il que les hommes transsexuels aient pendant longtemps échappé aux radars de l'industrie lubrique ? Alex Iantaffi, thérapeute et éducateur sexuel dans le Minneapolis, travaille en étroite collaboration avec la communauté transsexuelle et pense que les racines du problème résident dans notre vision des transsexuels. Selon lui, les corps des transsexuels sont trop souvent perçus par le prisme de la pensée cisgenre, et peu de gens les considèrent comme des personnes ayant leurs propres besoins et droits sexuels.

Si vous pensez que la possibilité d'exploiter ce marché inexploité a pu séduire les investisseurs, Marina Adshade – professeure à la Vancouver School of Economics et auteure d'un livre sur le sexe et l'économie – a montré grâce à ses recherches que ces derniers n'étaient pas les calculateurs rationnels que l'on pouvait imaginer. Les préjugés dictent malheureusement souvent leurs décisions, au même titre que la recherche du profit. « Le développement des sex-toys est très coûteux, c'est pourquoi beaucoup d'entreprises se tournent vers Kickstarter. Les investisseurs craignaient sans doute que des sex toys pour transsexuels ne se vendent pas assez. Ils cherchent simplement à gagner le plus d'argent possible. »

Buck comprend la frilosité des investisseurs : « On en revient toujours au profit. Personne ne veut être le premier à se lancer », estime-t-il. Il pense aussi que la taille du marché a été sous-estimée : « D'une certaine manière, c'est une situation similaire à la commercialisation du premier ordinateur. Il faut être le premier à se présenter devant d'autres personnes et leur dire ''Mes amis, croyez-moi, ça va marcher''. »

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Wyatt Riot travaille au She Bop, un sex-shop de Portland spécialisé dans les sex-toys féminins, queer et trans. Il m'a expliqué que la boutique préparait un stock important du produit de Buck. « Il y a assurément un marché pour les produits comme celui-là. On a toujours des clients qui nous demandent des choses de ce type », a-t-il déclaré, avant de préciser qu'il aimerait voir davantage de produits similaires sur les étagères des sex-shops. « Les transsexuels doivent souvent modifier leurs sex-toys pour qu'ils s'adaptent à leurs corps. » Il mentionne alors le Bro Sleeve, un manchon de masturbation que les hommes ont modifié pour la masturbation et qui a donné lieu à des critiques mitigées.

Alex Iantaffi encourage ce mouvement visant à reconnaître les besoins sexuels des transsexuels. Il affirme qu'il est essentiel que ces gens aient un accès équivalent à des aides sexuelles pour combler leurs besoins – selon lui, cela ne peut se faire que s'ils « peuvent explorer leur corps et leur sexualité en profondeur ». Cependant, il émet des doutes quant à la communication faite autour du Buck-OFF. « Promouvoir et vendre des sex-toys à des transsexuels est encore un autre moyen de monétiser nos corps. Je pense que lorsque ces produits se retrouveront sur les étalages des sex-shops, ils renforceront encore l'idée selon laquelle les transsexuels ne sont pas dans la norme – celle des cisgenre et des cissexuels. J'aimerais que l'on vende ces produits par rapport à leur fonction première et non pas par rapport à un genre quelconque. On retrouve systématiquement une opposition binaire entre les transsexuels et les cissexuels, ce qui implique une dissociation précise entre deux sexes. »

Pour Buck Angel, le Buck-OFF peut aider à confirmer l'identité des transsexuels masculins. Il voudrait qu'il devienne un outil utilisé par les thérapeutes et les éducateurs sexuels, afin d'aider les transsexuels masculins à se réapproprier leur corps – des objectifs tout à fait louables. Il aura fallu une semaine sur le marché pour que les consommateurs et les commerçants s'enthousiasment de la sortie du produit. « Il est commercialisé dans le monde entier », dit-il.

« J'ai vraiment tout essayé pour me masturber, rien n'y faisait, je n'y arrivais pas. Maintenant, je me sens enfin comme un homme, merci beaucoup », peut-on lire parmi les premières critiques du produit. « Je vous aime de tout mon cœur Buck. Vous me donnez tous les jours de la force et vous me permettez de donner le meilleur de moi-même. »

Neil McArthur est le directeur du Centre for Professionel and Applied Ethics à l'université de Manitoba, où il concentre son travail sur l'éthique sexuelle et la philophie de la sexualité. Il est sur Twitter.