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Le DVD est décédé

Pride et Enemy sont (sûrement) les deux DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

Les mecs du Cinéma est mort chroniquent les DVD géniaux et nuls sortis ces dernières semaines.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-Ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-Ray qu'c'est pas la peine .

AVERTISSEMENT : Pour chroniquer les films qui sortent en vidéo au mois de janvier, il faut avoir le temps de les voir au mois de décembre – or, on ne l'a pas eu. Comme chaque année, entre Les 10 commandements, Beethoven, en passant par Les Goonies, la télévision française nous a fait l'honneur d'excellentes rediffusons. Et puis aussi, comme tout un chacun, on a trop bu et trop mangé donc on a eu la flemme de regarder les nouveautés vidéo pour vous en livrer notre compte rendu mensuel à la désormais légendaire et imparable objectivité.

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Mais comme on n'est pas des déserteurs non plus, on va quand même vous parler des sorties de janvier qu'on n'a pas vues mais sur lesquelles, en bons critiques de cinéma, on a plein de choses à dire. Ça ne changera pas des critiques d'à côté qui pourraient très bien ne pas avoir vu les films dont ils parlent – vu comment ils en parlent – et en plus ça vous évitera des tas de spoilers. Et à une époque où l'on peut très bien se prétendre fan d'un type sans avoir lu son bouquin, et tout de même tuer en son nom, on peut raisonnablement penser qu'on est libre de faire n'importe quoi.

Voilà donc une sélection de DVDs que l'on regardera ces prochaines semaines et d'autres que l'on ne regardera probablement jamais.

NYMPHOMANIAC DIRECTOR'S CUT
Réalisateur : Lars Von Trier
Éditeur : Potemkine, sortie le 6 janvier 2014

J'ai couru voir les Nymphomaniac de Lars Von Trier en salle. C'est peut-être l'un des derniers cinéastes authentiquement fous qui nous restent avec Werner Herzog, Mel Gibson ou Abdellatif Kechiche (mais ça, je suis un peu seul à le penser). Et comme la plupart, j'ai été un peu déçu de pas retrouver la viscéralité d' Antichrist. Trop d'autoréférences, trop de provocations de provocations, et surtout trop de foutage de gueule dans la littéralité de certaines mises en images de métaphores, toutes assez pauvres poétiquement. On a tout de même droit à un montage parallèle entre des images de pêche à la truite et une nymphomane draguant sa proie – il n'y a guère que Besson dans Lucy pour oser une telle comparaison animalière.

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Et pourtant dans l'énorme patchwork formé par ces deux films, certaines scènes restent durablement en mémoire. En tête, des scènes d'une perversité amusée inouïes et surtout la scène de Charlotte Gainsbourg vivant une sorte d'épiphanie auprès d'un arbre mort érigé vers les cieux. Deux extrêmes qui font la force de Lars Von Trier, cinéaste qui ne cesse de se réclamer de Tarkovski ou Bergman mais qui cesse de se rappeler, et de nous rappeler, qu'il vient après. Alors il fait son malin par impuissance, mais il arrive tout de même à m'émouvoir malgré tout. J'avais vraiment cru que cette histoire de version censurée était une blague de plus de Von Trier, mais Potemkine sort en vidéo la version intégrale du film de 3 h 25 et je suis sûr que ça va être génial. Et on saura enfin si dans cette version la réplique de Gainsbourg qui avoue s'être « enfilé assez de kilomètres de bites pour relier la Terre à la Lune » a eu droit, elle aussi, à sa mise en images.

PRIDE
Réalisateur : Matthew Warchus
Éditeur : Pathé, sortie le 21 janvier 2015

Pour la petite histoire (qui passionnera tout le monde), pour me payer le beurre qui va super bien avec les pâtes que me permet d'acheter le salaire de cette pige, je suis caissier à temps partiel dans un cinéma d'Art et Essai en province (comme on dit à Paris). Vous ne savez sûrement plus ce qu'est ce genre de Cinéma car vous n'êtes probablement ni prof, ni à la retraite, ni abonné à Télérama, et que de toute façon vous allez au cinéma dix fois par an voir les mêmes films que tout le monde. Le reste des films, vous les téléchargez.

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Parmi les genres de films qui cartonnent dans ce genre d'établissement, il y a le fameux film de gauche qui donne envie d'être de droite. Les meilleurs dans le genre sont évidemment les Anglais qui, régulièrement – et en plus du sempiternel nouveau Ken Loach – nous fournissent un énième remake de The Full Monty. À savoir, une Grande-Bretagne socialement dévastée par le thatchérisme mais illuminée par l'énergie du désespoir d'un individu ou d'un groupe d'individus. Celle-ci s'incarne dans la fanfare ( The Full Monty, donc), la danse (Billy Elliot), poser nu dans un calendrier des postes ( Calendar Girls), un féminisme de bon aloi ( We Want Sex Equality), ou bien faire de la radio libre (Good Morning England ). Et, toujours au menu : l'entourage des héros qui réprouve leurs comportements, ce qui met systématiquement en branle la même mécanique chez le spectateur : jouissance de voir des personnages choquer les bourgeois, petite larme de voir qu'ils ne sont pas acceptés par ces mêmes bourgeois. Même fin à chaque fois, leur entourage finit par approuver ces comportements déviants et tout le monde est content. Sauf les personnages des méchants patrons qui sont vraiment trop vilains car en bon entertainer, les réalisateurs de ces navets ne leur donnent jamais aucune épaisseur – il faut que le spectateur ait son grand méchant loup, et le récit sa morale à la con.

Cette année, c'était Pride. J'ai vendu des tickets pour ce film pendant 14 semaines, j'aurais donc pu aller le voir durant tout ce temps pendant mes heures de boulot, sauf que non. Vous croyez franchement que je vais me rattraper en vidéo ?

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ENEMY
Réalisateur : Denis Villeneuve
Éditeur : Condor Entertainment, sortie le 8 janvier 2015

Autant j'irai toujours voir les films de types comme Christopher Nolan, Darren Aronofsky ou P.T. Anderson, auteurs de films qui ont tout de la limousine avec des moteurs de deux chevaux, autant Denis Villeneuve, je ne ferai même plus l'effort de les télécharger. Les autres ont au moins pour eux une sorte de générosité formelle qui fait passer le morceau – ou plutôt l'absence de morceau –, à la différence de Villeneuve qui n'a rien à dire, rien à montrer, et le fait avec une lenteur et une pesanteur qui fait croire à certains qu'on tient là le nouveau Friedkin. Bah non. Villeneuve est juste un gros nullos qui a prouvé avec Prisoners qui lui fallait 2 h 30 pour torcher un scénario qui aurait fait une très bonne série B si ça existait encore, et qu'il lui fallait passer par plein de petites coquetteries de cinéma « moderne » pour raconter le gros mélo des familles à twist qu'était Incendies. S'il y a une raison pour laquelle je regarderai Enemy c'est à la rigueur Jake Gyllenhaal, qui s'évertue depuis quelques années à faire le job de façon assez brillante dans des films qui ont la particularité d'être toujours assez inutiles.

IMAGES
Réalisateur : Robert Altman
Éditeur : M6 Vidéo, sortie le 6 janvier 2015

Ça me réjouit de garder sous le coude des films de gens qui n'en feront plus, de savoir que j'ai encore de belles surprises à découvrir. Je me retiens de les regarder et j'attends le bon moment, celui où je sais que j'en profiterai un max. Il y a trop de films que j'ai vus trop tôt. Comment aurais-je pu apprécier Scènes de la vie conjugale ou une adaptation de Bernanos à 16 ans ? Ce sont des films qui n'appellent pas l'impatience comme le nouveau Mel Gibson. Aujourd'hui je sais attendre, un peu. Non seulement le bon moment, mais aussi la bonne copie. Tout est trop disponible, mais souvent dans un sale état – même s'il reste toujours des introuvables. On ne trouve pas tout à Los Angeles, la rareté et l'exceptionnel existent toujours, heureusement.

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Un type comme Robert Altman (mais il y en a d'autres, comme Sidney Lumet) a réalisé 40 ou 50 films. J'ai vu la plupart d'entre eux et j'ai envie de les voir tous, même si je sais qu'il y a à boire et à manger dans sa filmographie. Trop sont toujours invisibles, et certains vont juste attendre que je sois bien disposé. Mais je suis rassuré qu'ils soient là. Il a fait Images, qui vient de ressortir en DVD, entre John McCabe et Le Privé, soit une sacrée cuvée. C'est un film qui m'attend.

LES BRUITS DE RECIFE
Réalisateur : Kleber Mendonça Filho
Éditeur : Survivance, sortie le 6 janvier 2014

Dans ma pourtant grande ville de province, Les Bruits de Recife n'a été projeté dans aucune des deux salles Art et Essai – et c'est plutôt bon signe. Ici, ce qui marche, c'est les feel good movies de gauche molle (comme Pride, voir plus haut), les nouveaux films des grands noms du « cinéma d'auteur » (François Ozon fait encore des films, d'ailleurs) et le reste, pour aller vite, ce sont les films « connaissances du monde » d'origines diverses qui permettent aux vieux spectateurs d'Art et d'Essai de voir de beaux paysages en ayant le sentiment d'avoir encore une conscience sociale. Les Bruits de Recife, film brésilien, a l'air sur le papier de sortir un peu de ça. Le programmateur a donc dû se dire que le film était trop audacieux formellement, et que ça allait décontenancer son monde. Il faut dire qu'on nous vend un film qui explore en creux, par un usage de la bande-son, de la paranoïa et du non-dit, la violence policée d'une gated community brésilienne. Un film probablement plus proche de la chronique que d'un récit en bonne et due forme, mais à propos duquel on évoque une dimension fantastique quasi Carpenter-ienne que j'ai hâte de constater par moi-même plutôt que d'en parler dans le vide. Mais il y a aussi le risque que ces intentions, très belles sur le papier, ne s'incarnent jamais vraiment – le cinéaste étant malheureusement un ancien critique de Cinéma.

Antonin et Étienne fument des clopes. Ils sont sur Twitter.