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LE NUMÉRO MODE 2008

Des petits chats bottés

Vous connaissez sûrement Cat Prin : Tailleur pour Chats. C'est un site Internet où l'on peut acheter les habits pour chats les plus ridicules et les plus adorables qui soient. Ils portent des noms comme « Ensemble Transformation en Grenouille...

Vous connaissez sûrement Cat Prin : Tailleur pour Chats. C’est un site Internet où l’on peut acheter les habits pour chats les plus ridicules et les plus adorables qui soient. Ils portent des noms comme « Ensemble Transformation en Grenouille », « Blouse de jeune fille » et « Châle d’un Lapin ». Sur le site, on trouve des tas de photos de deux petits chats Scottish Fold portant tous ces costumes rigolos et qui vous regardent droit dans les yeux, l’air légèrement parti. C’est l’un de ces liens qu’on se forwarde sans répit, avec un objet dans le genre : « troooooop mignon !!!!!! » D’ailleurs, la fille qui fabrique «

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The Cute Show

» pour VICE dit qu’on le lui envoie au moins une fois par jour, encore plus souvent que le site

catsthatlooklikehitler.com

.

Il y a eu une période où tout le monde mettait des photos de Cat Prin dans son icône MySpace. On en voyait partout, mais comme le site est en japonais, il gardait son mystère. Était-ce vraiment une boutique ? Et si c’était le cas, qui était le dingue qui fabriquait ces trucs ? Les quelques phrases en anglais rencontrées sur le site n’aidaient pas vraiment. On pouvait y lire des choses comme : « Il faut habiller le chat. Et vous direz au chat ensemble avec une famille : “Ça n’a changé que pour un moment, tu vas passer un temps plaisant.” » Et : « Je suis le sentiment qui est devenu une fille. » Ah. C’est génial, poétique et tout, mais on ne comprend toujours pas. Heureusement, nos potes de Vice Japon ont réussi à contacter la seule et unique styliste pour chats, Takako Iwase, qui répond à toutes nos interrogations sur ses merveilleuses créations de mode féline.

Raconte-nous comment tu as créé le plus beau magasin d’habits pour chats au monde.

Takako Iwase :

En août 2000, j’ai entendu une voix puissante résonner au-dessus de ma tête, elle disait : «

Fais quelque chose cette année !

» J’ai paniqué, je ne savais pas quoi faire. Je l’entendais me hurler dessus quand je marchais dans la rue : «

Fais quelque chose cette année !

» Je regardais autour de moi pour voir qui me parlait mais personne autour de moi n’avait l’air de se rendre compte. C’est là que j’ai compris que j’étais la seule à l’entendre. Elle était si forte, exactement au-dessus de ma tête ! Je ne sais pas comment l’expliquer, mais j’ai réalisé que ça devait être une révélation divine ! Je l’ai acceptée en tant que telle. Bien que ça m’ait un peu effrayée, j’ai lancé le site de vente en ligne Cat Prin le 10 décembre de cette année-là. J’ai été soulagée de respecter la date limite que Dieu m’avait fixée.

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J’imagine ! Penses-tu que certains événements ont pu t’amener à entendre Dieu t’ordonner de faire des habits pour chats ?

Non, c’était inattendu. En fait, à l’époque, ça faisait huit ans que je souffrais d’une maladie grave et je commençais à me demander quel boulot j’allais pouvoir faire à la maison vu qu’il ne m’était plus possible de sortir. Et puis un jour, j’ai vu un reportage sur une jeune fille de 16 ans vivant dans la campagne japonaise, et qui avait monté un commerce. Elle avait débuté en vendant des tee-shirts qu’elle achetait en gros sur le Net, et quand elle a épuisé son stock, elle a emprunté de l’argent à son père pour ouvrir sa propre boutique dans son village. Elle prenait le bus de nuit jusqu’à Tokyo le week-end pour acheter des vêtements, et dès qu’elle les présentait dans sa boutique, les gens se les arrachaient. Elle n’a que 16 ans mais aujourd’hui, elle est à la tête de sa propre société. Quand je l’ai vue, j’ai compris à quel point le Japon est un pays merveilleux. C’est un pays où, si quelqu’un a quelque chose à vendre et si quelqu’un d’autre veut l’acheter, on considère qu’il s’agit d’un commerce tout ce qu’il y a de légitime. Je surfais sur le Net avec mon ordinateur, la seule chose que je m’étais achetée avec l’argent de ma pension, et j’ai compris que c’était ça que je devais faire. Il y a aussi le fait que ma mère est une très bonne couturière et qu’elle venait de coudre une petite cape pour ma chatte, Prin, qui était justement couchée devant moi. Un ordinateur, des habits pour chats et le Japon, un pays où n’importe qui peut se lancer dans les affaires ! Et c’est arrivé exactement au même moment où j’ai entendu cette voix me dire de « faire quelque chose ».

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C’est une histoire édifiante. Tu pensais qu’il y aurait un gros marché pour la mode féline ?

Ma foi, je suis sûre que les gens fabriquaient déjà des habits pour leurs chats avant, mais en privé. Je n’ai jamais rencontré quiconque se présentant en tant que styliste pour chat. Ce n’était pas exactement un tabou, plutôt quelque chose que les gens dénigraient : «

Des vêtements pour chat ? Ridicule !

» Mais après avoir ouvert la boutique, j’ai vu qu’il y avait une forte demande. Les clients me disaient : «

Ça fait tellement longtemps que j’ai envie de mettre des costumes à mon chat, avant que vous n’arriviez, je me fournissais dans les boutiques pour chiens,

» comme s’ils attendaient ça depuis une éternité. Même avant de me lancer, je me suis mis en tête, allez savoir pourquoi, qu’il y aurait de toute façon au moins cinq personnes au Japon qui adoreraient mes habits. Je ne sais pas pourquoi. Bref. J’ai décidé de faire de mon mieux, même si ce n’était que pour ces cinq personnes-là. Et si les autres n’avaient pas aimé, j’aurais arrêté, car ça aurait voulu dire que je n’évoluais pas au même tempo que le reste de l’univers.

Mais, en fin de compte, l’univers et toi étiez en phase.

Oui, à ma grande surprise, je n’ai eu aucune critique, uniquement des clients heureux qui me confortaient : «

C’est exactement le magasin que j’attendais.

» C’est peut-être parce qu’il y avait déjà des magasins de ce genre pour les chiens. Il semblerait que les vendeurs d’habits pour chiens ont eu des difficultés à leurs débuts. Maintenant que c’est entré dans les mœurs, nous sommes dans une ère où le choix est possible, entre ceux qui ne veulent pas du tout habiller leur chat et ceux qui veulent le déguiser de la tête aux pattes. Au départ, je n’avais prévu de fabriquer que quelques objets simples, des colliers et des cols de chemises plutôt que des costumes complets, mais ça a peu à peu évolué. Je trouve mes produits très à la mode. Ce ne sont pas des costumes pour transformer votre chat en quelque chose d’autre. Ça tient plus de la recherche esthétique.

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Une fois que tu as eu l’idée, ça a été dur de lancer l’affaire ?

Oui, j’ai fait beaucoup d’erreurs au début. Je ne pouvais demander conseil à personne puisque j’étais la première à faire ça. Les premiers temps, quelques boutiques pour animaux ont accepté de vendre mes produits mais même elles ont dit : «

Vous devriez faire des articles pour chiens, c’est là qu’il y a de l’argent.

» Après ça, j’ai décidé de ne plus écouter personne à part les voyantes et les gens avec des pouvoirs mystiques, et ils m’ont tous prévu les deux mêmes choses, ce qui m’a énormément rassurée. La première, c’était : «

Vous allez réussir

» et la deuxième : «

Vous allez devoir supporter votre maladie pour le restant de vos jours.

» Ils ont tous dit que c’étaient des vérités absolues.

Ça fait beaucoup de vérités. Tous tes habits sont faits main ? En général, oui. Il m’arrive de demander à deux dames du quartier de me donner un coup de main. Si j’ai besoin d’une pièce en quantité importante, je demande à une usine, mais là encore, il ne s’agit jamais que de deux personnes qui cousent tout à la main. Un chien, c’est assez gros, donc on peut presque tout faire à la machine, mais pour un chat, tout est fabriqué à la main car il y a très peu de tissu. Au début, je ne savais pas me servir d’une aiguille, du coup, je ne savais pas qu’il n’était pas nécessaire que chaque point soit parfait, surtout dans une partie non visible. On m’a beaucoup répété d’arrêter de stresser sur chaque point. Que ça se vende ou pas, en revanche, ça ne me préoccupait pas trop car ce que je voulais avant tout, c’est que mon chat soit mignon.

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Prin est le Scottish Fold blanc qui présente certains des modèles ? Oui. J’avais envie d’un Scottish Fold tout blanc et c’était assez rare, à l’époque. Puis, un jour, en feuilletant un magazine, j’ai lu ces quelques mots : « Les anges blancs sont arrivés. » Je n’ai même pas réfléchi, j’ai appelé et je me suis rendue chez l’éleveur. Côté santé, ça allait très mal et je n’en reviens pas d’avoir réussi à y aller, pourtant je l’ai fait et j’y ai découvert sept chatons. Ils étaient les uns sur les autres et jouaient ensemble. Je les ai regardés pendant deux heures mais je n’ai pas réussi à bien voir leur face, en plus j’étais malade et je ne savais pas quoi faire. Finalement, ce petit chaton au nez tout rouge est venu vers moi et j’ai décidé de le prendre et de l’appeler Prin. Quand j’y repense, je me dis que c’est elle qui m’a choisie, que c’était censé se passer comme ça. Elle a eu neuf ans en mars. C’est un chat très étrange. Elle ne me réveillait jamais pour que je lui donne son petit-déjeuner, quand j’étais malade, et lorsque je me réveillais, je trouvais une souris en peluche à côté de mon oreiller. Elle faisait attention à moi et restait dans mon champ de vision pour jouer quand j’étais clouée au lit. Même aujourd’hui, elle ne me réveille pas même si elle est morte de faim.

Elle est si jolie, elle a l’air très douce. Mon chat ne me laisserait jamais lui mettre tous ces chapeaux et ces capes.

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Effectivement, je ne recommande mes créations qu’aux chats qui acceptent de porter au moins un collier. S’ils n’acceptent même pas ça, il n’y a aucune chance qu’ils portent mes habits. C’est pareil avec les chats un peu sauvages. Quand on voit Prin dans ces vêtements, on se dit : «

Oh, peut-être que mon chat aussi pourrait porter ça.

» Mais ce n’est pas aussi simple. Par exemple, les chapeaux dans le style « casque », les chats n’aiment pas en porter car ils doivent avoir les oreilles pliées dessous. C’est pour ça que j’ai divisé mes produits en trois catégories : niveau avancé, niveau moyen et niveau débutant. Les produits pour débutants sont surtout des choses qu’on place autour du cou. J’utilise du velcro sur la plupart des vêtements pour qu’ils soient faciles à fermer, c’est ceux que je recommande aux chats qui arrivent à porter des colliers. Les habits niveau moyen sont ceux qui ont des choses qui pendouillent sur le devant. Les chats semblent vraiment détester ça. Beaucoup ne peuvent pas porter l’uniforme d’écolier « petit marin » à cause du pendant doré qu’il y a sur le devant. Les chapeaux et les capes, c’est le niveau avancé. Nous avons aussi un niveau nature pour les chats qui ne peuvent rien porter, et qui signifie, en gros : « Vous n’avez pas besoin de lui faire porter quoi que ce soit, promenez-vous sur le site et appréciez les photos ! »

Haha. Qui sont tes clients ?

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Beaucoup sont des habitués. Il y a quelques passionnés qui achètent toujours mes nouveaux costumes. J’ai environ 1500 clients en ce moment.

Tu as eu des demandes bizarres ?

Oui, surtout de la part d’hommes. En général, c’est quelque chose du style : «

Je veux habiller mon chat en lapin, et je voudrais aussi avoir des oreilles de lapin, pouvez-vous nous fabriquer des costumes assortis ?

» Ce à quoi je réponds : «

Désolée, mais je ne travaille que pour les chats

. » Beaucoup d’hommes m’ont demandé de leur faire des costumes assortis à ceux de leurs chats, mais jamais de femmes. Intéressant, non ?

Tu as des trucs pour convaincre un chat de s’habiller ?

Il faut toujours prendre en compte la personnalité du chat et ne pas lui imposer le costume. Essayez de le faire quand il est de bonne humeur et encouragez-le par la parole. Les chats adorent qu’on les complimente. Vous ne pouvez pas faire ça à moitié, il faut y aller à fond : «

Oh, mon Dieu ! Tu es tellement BEAU, tu es le plus beau chat DE LA TERRE ENTIÈRE !

» Il va sentir le sens de vos paroles et va apprécier de mettre des vêtements. Faites des compliments à votre chat et il saura de mieux en mieux porter des habits.

Quelle est ta création préférée ?

Je les aime toutes. Elles sont comme mes enfants. Mais je crois que je trouve la série « Versailles » particulièrement aboutie. Quand j’ai découvert la matière de la perruque blonde, j’ai été subjuguée. J’étais allée acheter une tiare chez un grossiste qui a des tas de barrettes et d’autres accessoires pour les cheveux, et c’est là que j’ai trouvé ces perruques. Les chapeaux sont tellement plus beaux avec des cheveux ! Prin est superbe avec des cheveux blonds, en plus. Je suis arrivée à un degré de sophistication sur ce costume qui m’a moi-même épatée.

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Tu as même créé un costume Hello Kitty officiel pour chat.

Oui, la première coiffe Hello Kitty qui ait jamais existé. En général, mes costumes n’ont que deux côtés, mais celui-ci est réellement en trois dimensions. C’était intéressant de voir comment on peut donner du relief à des objets plats, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à vraiment apprécier tout l’aspect artisanal de la chose. Il nous a fallu six mois et vingt-deux prototypes pour parvenir au résultat final. J’étais au bord de la crise de nerfs. Toutes les broderies Hello Kitty étaient passées au crible et Sanrio les critiquait : «

Le nez est raté, les yeux sont ratés…

» Il y a eu tant de problèmes que j’ai failli lâcher l’affaire ! Mais le Hello Kitty de ce costume porte une blouse et c’est un modèle unique à la fois de Sanrio et de Cat Prin, ce qui lui donne beaucoup de valeur. On ne peut le trouver nulle part ailleurs. Au sujet de sa forme, je dois dire que ça a été très compliqué de rendre l’aspect rond de la tête de Hello Kitty, car la tête d’un chat est ovale, en fait.

Quel costume rêverais-tu de confectionner ?

En ce moment, je m’intéresse à l’Angleterre, aux vêtements que portaient les ladies et les lords anglais aux XVIIIe et XIXe siècles. Les gilets, les cravates, les chapeaux dans le genre de ceux que porte Peter Rabbit, les jupes longues très larges, ce genre de choses. À ce jour, j’ai fabriqué dans les 150 costumes. J’ai toujours pensé qu’un jour, je n’aurais plus assez de souffle pour continuer car je ne suis pas une créatrice, mais en fait l’inspiration me vient toujours. J’ai en permanence une nouvelle idée en tête pour un costume. Je crois que plus j’en fabrique, plus je suis inspirée. Ça, et la découverte de nouvelles matières.

Dis-nous quels sont tes plans d’avenir.

À vrai dire, je ne crois pas être née uniquement pour réaliser Cat Prin. Je pense que je suis encore en route vers mon vrai destin. Mon grand rêve, c’est d’écrire du fantastique. J’écris terriblement mal, mais j’ai l’impression que j’arriverais à écrire sur des choses qui n’existent pas dans ce monde-ci. Ça fait un peu de temps aujourd’hui, mais il y a deux ans, un titre de livre m’est venu à l’esprit :

Les Enfants de Christina.

C’est une trilogie et j’ai déjà une idée assez précise de l’histoire. Mais je pense que je ne pourrais pas m’y mettre avant un an ou deux, étant donné que je suis déjà très prise ailleurs. Ce serait bien d’arriver à le faire, et peut-être aussi qu’il y ait un film hollywoodien basé dessus. Si ça ne marche pas, ce ne sera pas grave. Il serait plus réaliste de tabler sur une série télé japonaise. Je discute souvent avec mes amis des acteurs que je voudrais voir incarner mes personnages. Ce sont les moments où je me sens le plus heureuse.