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LE NUMÉRO CRIME

Quatre ans de ma vie avec le meurtrier d’Amityville

Daniel Genis parle de son temps à la prison de Green Haven et de ses débats sur la pizza avec l'assassin Ronald DeFeo Jr.

Tous les matins avant le petit déjeuner, on faisait la queue pour prendre nos médocs et juste devant moi, se tenait Ronald DeFeo Jr. Du fait de mon addiction à l'héroïne, j'étais passé de mon bureau dans une maison d'édition à la rue, jusqu'à ce que je rejoigne finalement cette file de détenus à Green Haven, une prison de haute sécurité de l'État de New York. DeFeo était la nouvelle vedette du coin. David « Son of Sam » Berkowitz avait atterri dans une prison près de Fallsburg, et Robert Chambers avait été libéré l'année d'avant. Le tout premier jour, un détenu m'avait prévenu qu'il s'agissait du DeFeo de l'affaire Amityville. Du fait de la proximité de nos initiales dans l'ordre alphabétique, je m'apprêtais à passer les heures de promenades de mes quatre prochaines années en sa compagnie.

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J'étais sans doute le seul mec de cette prison à avoir visité l'ancienne demeure de la famille DeFeo à Amityville, une petite bourgade de Long Island. J'avais un sujet de conversation tout prêt : mes grands-parents y avaient vécu vingt ans. Ils avaient emménagé là-bas au début des années 1980, presque une décennie après le massacre : il n'empêche que cette histoire sordide avait durablement marqué les esprits. Elle avait commencé par un bouquin de Jay Anson intitulé L'Horreur d'Amityville, une histoire vraie, qui avait engendré de nombreux remakes et adaptations. Bien que la plupart des résidents d'Amityville possèdent le livre, l'auteur n'évoque que très brièvement la tuerie perpétrée par Ronald pour se concentrer sur les phénomènes étranges qu'ont vécus les Lutz, la famille qui a emménagé juste après au 112 Ocean Avenue. Ils avaient acquis la maison pour une somme dérisoire, les meubles des DeFeo inclus, et avaient prétendu qu'ils avaient été « forcés » de quitter les lieux en pleine nuit afin d'échapper aux forces maléfiques de la maison. Selon le livre, le rez-de-chaussée se trouvait envahi par un orchestre fantôme dès que les Lutz montaient se coucher, et la cadette, Missy, alors âgée de 5 ans, avait écopé d'un cochon démoniaque, Jodie, en guise d'amie.

N'importe quel gamin de 13 ans aurait adoré cette histoire, surtout un soir d'Halloween, et encore plus si le gamin en question connaissait un moyen d'accéder à ladite demeure hantée. Un soir de 1991, avec deux amis, on a donc pris un canot pneumatique pour remonter le canal jusqu'à l'embarcadère derrière la propriété. On s'est faufilés à l'intérieur de la maison vide, puis on a cherché la pièce cachée avec les murs peints en rouge, là où le diable était censé habiter. On ne l'a pas trouvée. Ronnie me confirmera treize ans plus tard que le diable n'avait jamais vécu dans cette maison.

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Chaque matin, Ronnie prenait son gobelet d'OxyContin. Une fois le médicament ingurgité, il devenait plus loquace. Lors de notre première conversation, nous avons débattu des meilleures pizzerias d'Amityville, et parlé de ce bar, toujours ouvert, dans lequel il avait donné l'alerte en cette nuit du 13 novembre 1974, annonçant que quelqu'un avait assassiné sa famille. J'avais mis Ronnie suffisamment en confiance.

Au gré des conversations, nous sommes devenus plus intimes et un jour, il s'est mis à revenir sur les meurtres. La première fois, il m'a sorti une histoire tout droit tirée des Affranchis. Il soutenait que son grand-oncle Peter DeFeo était un lieutenant de la famille Genovese. Après une dispute à propos de l'argent, la mafia avait envoyé des tueurs à gages liquider tout le monde, sauf Ronnie – qui avait, disait-il, réussi à s'échapper grâce à une aide extérieure. J'ai acquiescé poliment. Il m'a aussi parlé du « baiser de la mort », des soldats aux ordres des capos, de la réunion d'Apalachin avec Joe the Barber, où son oncle avait été intronisé. Mais ça, c'était avant que Ronnie ne se décide à me livrer la vraie version.

Une année et beaucoup d'analgésiques plus tard, il m'a avoué avoir inventé de toutes pièces cette histoire de règlement de comptes. En fait, c'était sa soeur Dawn qui avait pété les plombs. Elle avait toujours été instable, elle détestait sa famille, c'est pourquoi elle les avait tous tués à la carabine. Au moment où sa colère allait s'abattre sur Ronnie, il s'était jeté sur elle pour lui prendre le fusil des mains et lui tirer dessus. Une nouvelle fois, j'ai hoché la tête poliment.

Puis encore un an a passé, la dose d'opiacés de Ronnie augmentant une nouvelle fois, et il me considérait à présent comme son ami. La vérité allait éclater.

Un jour, il s'est tourné vers moi et m'a lancé un regard glaçant, marmonnant que ses parents étaient des monstres. De tous ses frères et sœurs, il était le pestiféré. En somme, ils l'avaient bien cherché. Lors du dernier hiver de mon séjour carcéral, il s'est réveillé un matin vers 6 h 30 et m'a confié qu'ils avaient mérité ce qui leur était arrivé et que s'il avait l'occasion de le refaire, il presserait la détente une nouvelle fois, six fois de suite.

Et bien sûr, je n'ai jamais aperçu le moindre cochon là-bas.

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