Qui regarde les suicides en direct sur les réseaux sociaux ?
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Qui regarde les suicides en direct sur les réseaux sociaux ?

Depuis l'avènement de Periscope et Facebook Live, des centaines de personnes assistent à ces drames, mais peu d'entre elles interviennent.

En 2008, Abraham Biggs, un étudiant de 19 ans originaire de Floride, s'est connecté sur la plate-forme de livecam Justin.tv (aujourd'hui disparue) et a ingéré, en direct, une dose mortelle d'opiacés et de benzodiazépines. Douze heures plus tard, un membre du site a regardé la vidéo, a localisé Abraham et a appelé la police – que l'on voit débarquer dans la chambre de ce dernier alors que la caméra filme encore.

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L'avènement des services de live streaming tels que Facebook Live et Periscope a permis au monde entier de partager et consommer le quotidien d'inconnus encore plus facilement que par le passé. Mais, tout comme la vie est diffusée via nos écrans d'ordinateurs, la mort et la violence passent également par ce portail. Depuis l'émergence des nouvelles technologies, des gens violent, tuent et se suicident en direct.

En mai dernier, Océane, 19 ans, s'est jetée sous une rame du RER C à Égly, dans l'Essonne. Elle a filmé son geste sur l'application Periscope. Plus dérangeant encore, ces broadcasts (en particulier les suicides) semblent susciter une curiosité malsaine ; les internautes ont accès aux vidéos, mais ne font rien pour intervenir – pire encore, ils encouragent la violence.

Le suicide de Briggs a attiré l'attention car il s'est produit en direct – ce qui, à l'époque, était nouveau. Reste qu'un autre aspect de cette affaire a dérangé sa famille et la presse : la plupart des internautes anonymes ayant assisté à ses dernières heures l'ont encouragé à continuer. Wendy Crane, chercheuse au County Medical Examiner's Office (BCMEO), a déclaré à ABC News que des internautes commentaient : « Vas-y, fais-le, tapette ! »

Huit ans plus tard, de tels incidents – des meurtres, des agressions et autres actes de violence – semblent de plus en plus fréquents, déchaînant les médias et incitant les fournisseurs de services de streaming à prendre leurs dispositions. En avril dernier, une adolescente américaine âgée de 18 ans, Marina Lonina, a été accusée d'enlèvement, de viol et d'abus sexuel sur une mineure – elle a diffusé sur Periscope le viol d'une amie de 17 ans par Raymond Gates, 29 ans. Selon le New York Times, les accusations à son encontre étaient « presque aussi graves » que celles à l'encontre de Gates. Et le procureur de décrire la séquence : « La majeure partie du temps, elle filme la scène sur Periscope en gloussant et en se marrant. »

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À en juger par les histoires qui ont circulé ces dernières années, les suicides en streaming semblent nourrir les pires instincts des spectateurs. En 2007, Kevin Whitrick, 42 ans, s'est pendu devant près de 60 personnes – dont certaines l'avaient encouragé, a rapporté la BBC. En 2010, un Japonais de 24 ans a diffusé sa pendaison via le service Ustream et, selon CNN, il aurait lui aussi été poussé par les internautes.

Connu sous le pseudo « CandyJunkie », Abraham se rendait régulièrement sur le forum « Miscellaneous » (Misc.) du site bodybuilding.com, où il faisait part de ses pensées suicidaires et de ses « troubles et doutes ». Si les modérateurs du site n'ont pas souhaité commenter cette affaire, les utilisateurs du forum ont beaucoup évoqué Abraham au cours des années qui ont suivi sa mort. « J'ai avoué que j'avais regardé la vidéo et on m'a demandé pourquoi je n'avais rien fait », écrit SDFlip en décembre 2008. « Mais que pouvais-je faire ? », poursuit-il, ajoutant qu'il se trouvait en Angleterre au moment des faits. « Ce soir-là, quand les flics ont débarqué devant la caméra, j'ai cru que mon cœur allait s'arrêter », écrit un autre utilisateur trois ans plus tard. « C'est le truc le plus dingue que j'ai jamais vu. »

« J'espère qu'ils vivront avec ça sur la conscience pendant longtemps. Une personne malade s'est donnée la mort après avoir lu leurs commentaires. »

Le Dr Becky Lois est spécialiste de la prévention du suicide et psychologue au Montefiore Medical Center, à New York. Elle affirme que quiconque entre en contact virtuel avec une personne suicidaire a pour responsabilité d'aider ladite personne. « Ce genre de chose est à prendre très au sérieux, même si la personne semble seulement chercher à se donner en spectacle ou à communiquer sa détresse », déclare-t-elle.

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Un an avant sa mort, Abraham affirmait que les membres de bodybuilding.com étaient devenus « une famille » pour lui. Selon Lois, c'est une erreur de supposer que les personnes à qui vous parlez sur Internet se préoccupent de vous ou ont un « lien avec vous ».

« Dans ces relations, une confiance excessive peut être dangereuse, m'a-t-elle dit. Vous ne connaissez pas ces gens. »

Beaucoup d'utilisateurs de bodybuilding.com affirment qu'ils ne pensaient pas qu'Abraham – qui souffrait de dépression et de troubles bipolaires – était sérieux. Il avait pourtant publié plusieurs posts suicidaires avant ça. D'après une capture d'écran postée par l'utilisateur socalsocal, un modérateur du forum avait été prévenu de la menace de suicide d'Abraham et de sa diffusion. Un utilisateur du forum avait en effet demandé au modérateur de retracer son adresse IP afin d'alerter la police. Ce à quoi le modérateur a répondu : « Il a un besoin pathétique d'attention. Vous verriez le nombre de threads qu'il crée et qu'il supprime. » Ce manque de compassion est partagé par de nombreux utilisateurs, qui semblent penser qu'Abraham ne pouvait pas être pris au sérieux étant donné qu'il avait crié au secours maintes fois auparavant.

D'un point de vue psychologique, ces opinions sont faussées. L'American Association of Suicidology considère que le discours suicidaire est un signe de « risque aigu » ; et pour le National Institute of Mental Health, le fait de « menacer de se blesser ou de se tuer, ou parler de la volonté de se blesser ou de se tuer » est le premier signe avant-coureur du suicide. Lois est d'avis que toute personne qui parle de se tuer présente un « très haut » niveau de risque. « Nous devons prendre ce type de commentaires très au sérieux et nous assurer que la personne en question reçoit de l'aide », dit-elle.

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D'autres utilisateurs du forum ont critiqué les gens ayant encouragé Abraham. « Ils devraient se sentir coupables d'avoir incité une personne mentalement instable et manifestement en détresse à se tuer », a écrit l'utilisateur swoleplaya peu après le drame. « J'espère qu'ils vivront avec ça sur la conscience pendant longtemps. Une personne malade s'est donnée la mort après avoir lu leurs commentaires. »

Alors que nous nous plaisons à croire que les humains sont généralement des êtres compatissants, l'indifférence de groupe envers la souffrance individuelle est un phénomène bien documenté. Quand Kitty Genovese fut sauvagement attaquée devant son immeuble à New York en 1964, le New York Times a rapporté que « 38 citoyens honnêtes et respectables ont regardé un tueur suivre et poignarder une femme ». Selon le Times, de nombreux voisins ont entendu ses cris et ses appels au secours – « il m'a poignardée ». Ils ont regardé l'attaque depuis leur fenêtre. Un homme qui habitait l'immeuble a crié en direction de l'agresseur et ce dernier a pris la fuite. Mais, une fois les fenêtres fermées, il s'est empressé de retrouver Kitty pour lui assener de nouveaux coups de couteau. Elle a continué à hurler devant une audience silencieuse. Kitty sera finalement violée et assassinée.

Du moins, c'est l'histoire qui a captivé et horrifié le public. Cette version populaire sera remise en cause par la suite. Quand le meurtrier – Winston Moseley – est décédé en prison en mars 2016, le Times est revenu sur les inexactitudes de son propre article de 1964 : « L'article [sur le meurtre de Kitty Genovese] a manifestement exagéré le nombre des témoins et ce qu'ils ont vu. Personne n'a vu l'attaque dans son intégralité. » La plupart des personnes qui ont « entr'aperçu » la scène n'ont pas compris la nature des cris de Genovese, précise le Times – beaucoup ont cru à une querelle d'amoureux ou à une bagarre d'ivrognes.

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Néanmoins, cette affaire a eu un impact important. Cinq ans après le meurtre de Genovese, les chercheurs ont appelé « effet du témoin » le phénomène qui veut que la probabilité de secourir une personne en détresse diminue quand l'intervenant se trouve en présence d'autres personnes. Le Dr Vincent Hendricks est professeur à l'Université de Copenhague. Il a étudié la façon dont l'effet du témoin a pris forme au XXIe siècle. Il avance qu'Internet permet aux gens de garder l'anonymat et d'exprimer leurs opinions sans subir de conséquences sur le plan personnel – faisant malheureusement du world wide web le terrain le plus propice au développement de cet effet spectateur.

Selon lui, cela a à voir avec la façon dont les normes sociales sont établies dans des environnements différents. Si « les commentaires et les likes individuels sont insignifiants », ceux qui s'accumulent produisent des valeurs et des comportements auxquels le groupe adhère ensuite. Ceux-ci peuvent inclure le clic passif sur une vidéo dans laquelle une personne dit vouloir mourir, le silence, ou encore « l'incitation des individus à procéder à un acte autodestructeur ». Il peut alors devenir normal de faire douter, de se moquer, de critiquer, ou d'encourager une personne malade à l'écran. En 2003, Brandon Veda, 21 ans, est décédé à la suite d'une surdose de différents médicaments alors qu'il était en train de se filmer avec sa webcam. Bien qu'il eût fait part de son projet d'ingérer une grande quantité d'antidépresseurs et d'alcool, il avait également demandé à des membres du site de l'appeler sur son portable. Au lieu de ça, les internautes l'ont incité à en « manger plus » pour voir s'il allait « survivre ou juste s'évanouir ». Son dernier message avant de mourir, le 12 janvier 2003, était : « Je vous avais bien dit que j'étais hardcore ».

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Hendricks explique que l'anonymat sur Internet exacerbe les attitudes négatives. Regarder quelqu'un mourir sur un écran n'est pas tellement différent que de regarder des films violents. « Regarder [sans agir] devient rapidement la norme, car cela n'a pas de conséquences », déclare Hendricks.

Pourtant, le système de valeurs d'une personne ne disparaît pas totalement à l'intérieur d'un groupe. Vous pouvez observer passivement la violence même si, en tant qu'individu, vous vous opposez à cela.

« Ce phénomène – à savoir souscrire collectivement à une norme que vous rejetez en privé – est connu dans la littérature sous le terme d'ignorance pluraliste », explique Hendricks. Cela fait juste partie de la nature humaine.

« Menacer de se suicider sur Internet ne vise pas seulement à communiquer sa détresse, mais également à obtenir des commentaires, a ajouté Lois. Ces personnes essaient de savoir si quelqu'un se soucie assez d'eux pour intervenir. »

En effet, l'« appel au secours » est une rengaine célèbre. En 2010, un utilisateur de Misc., paulx022, a écrit au sujet d'Abraham : « Ce pauvre gosse était manifestement paumé. Il devait se sentir seul au monde et voulait sans doute qu'au moins une personne, parmi les milliers qui l'ont regardé mourir, se sente assez concernée pour appeler les flics. »

Après plus d'une décennie de suicides en direct, beaucoup pensent que les fournisseurs d'accès devraient empêcher la diffusion des comportements dangereux ou violents. Après la mort de son fils, le père d'Abraham est intervenu sur ABC News et les a violemment critiqués. « Malheureusement, ils ont laissé cela se produire en toute impunité », a-t-il déclaré.

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Justin.tv n'existe plus à présent. Si vous tentez d'y accéder, vous serez redirigé vers Twitch. En 2008, Justin.tv a publié une annonce après le décès d'Abraham : « Nous regrettons ce triste événement et souhaitons respecter la vie privée du broadcaster et de sa famille en cette période difficile. »

Selon Lois, les plateformes de live streaming telles que Periscope et Facebook Live devraient superviser leur contenu. « La technologie a toujours un pas d'avance sur la morale », déclare-t-elle, soulignant qu'un drame a souvent lieu avant que des dispositions ne soient mises en œuvre. Facebook a mis en place de nouveaux outils de prévention du suicide la semaine dernière et collabore actuellement, selon certaines sources, avec les autorités françaises suite au meurtre d'un policier et de sa femme diffusé en direct sur Facebook Live à Paris.

Lorsque l'on a interrogé Facebook sur le problème des suicides, des viols et des meurtres diffusés en direct, la société nous a fourni le même communiqué qu'à toutes les autres rédactions :

La grande majorité des gens utilisent le direct pour partager leurs expériences avec leurs amis et leur famille. Or, si quelqu'un viole nos normes communautaires en utilisant le direct, nous nous engageons à interrompre la diffusion le plus rapidement possible après signalement. Pour ce faire, nous avons donné aux internautes un moyen de signaler une violation lors d'une diffusion en direct.

Nous comprenons et reconnaissons que le direct pose des défis uniques en matière de contenu et de sécurité. C'est une lourde responsabilité et nous travaillons dur pour trouver le juste équilibre entre la liberté d'expression et l'expérience sécurisée.

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En 2010, llriginalized, un utilisateur de Misc. qui venait tout juste d'entendre parler du suicide de Biggs, écrivait qu'il était choqué par le manque de compassion des autres membres de bodybuilding.com. Selon lui, quiconque a incité Biggs à se tuer devrait faire l'objet de poursuites pénales. « À partir de maintenant, si je vois quelqu'un faire ça, je vais faire tout ce qu'il faut pour localiser ce membre et appeler les autorités compétentes, de préférence le FBI », écrivait-il.

Jeff Banglid est détective pour l'unité de cybercriminalité de la police de Toronto. Il explique qu'au Canada « est coupable d'un acte criminel et passible d'emprisonnement quiconque conseille à une personne de se donner la mort, ou encourage quelqu'un à se donner la mort, que le suicide s'ensuive ou non ».

Aux États-Unis, la situation est un peu plus compliquée. Selon le Patient Rights Council, 40 États ont des lois qui interdisent, à des degrés divers, d'aider, d'encourager ou de fournir à une personne les moyens physiques pour se suicider. En 2015, VICE a évoqué la mort de Conrad Roy III, un jeune homme de 18 ans originaire du Massachusetts, poussé au suicide par des centaines de textos rédigés par Michelle Carter, sa petite amie de 17 ans. Selon un article du New York Magazine, Carter lui aurait conseillé de procéder à une intoxication au monoxyde de carbone. « Quand tu reviendras de la plage, il faudra le faire. Tu es prêt. Tu es déterminé. C'est le bon moment », lui a-t-elle écrit. Elle a ensuite été inculpée pour homicide involontaire. En avril 2016, MassLive a rapporté que la Cour suprême du Massachusetts réexaminait les charges contre Carter.

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Pour le moment, le Massachusetts est l'un des rares États à ne pas avoir de loi spécifique interdisant d'aider ou d'encourager virtuellement le suicide. Selon des documents judiciaires acquis par MassLive, les procureurs ont décrit avec précision l'implication de Carter dans le suicide de Roy : « Carter a joué un rôle clé : elle l'a rassuré en lui affirmant que sa famille comprendrait son acte. Elle l'a poussé à cesser de tergiverser et à passer à autre chose, se moquant de son hésitation et menaçant de l'aider s'il ne menait pas son projet à bien ». Pourtant, la défense a jugé qu'il n'y avait pas de charge valable contre elle, étant donné que dire à quelqu'un de se tuer n'est pas illégal dans le Massachusetts.

En 2011, William F. Melchert-Dinkel, un infirmier du Minnesota, a encouragé virtuellement deux personnes suicidaires à se pendre en direct. Il a été reconnu coupable d'avoir encouragé ces actes. La Cour suprême du Minnesota a annulé sa décision en 2014, estimant que la loi contre l'encouragement du suicide constituait une violation de la liberté d'expression – mais la loi a finalement été maintenue.

De son côté, si Banglid n'a encore jamais été alerté au sujet d'un suicide en direct, il a travaillé sur des cas de violence sur Internet. De tels cas doivent être traités dans l'urgence, explique-t-il. « C'est comme témoigner d'une infraction qui a lieu juste en face de vous », dit-il, en ajoutant que les tentatives de suicide en direct ou les crimes violents peuvent être plus difficiles à prévenir parce que « vous êtes séparé par une connexion Internet ». Les enquêteurs retracent une adresse IP quand ils le peuvent, et examinent les détails à l'écran pouvant permettre de définir l'emplacement de la diffusion. Banglid et son équipe de cybercriminalité travaillent au quotidien avec les réseaux sociaux. « Rien que ce week-end, nous avons empêché un suicide grâce à la coopération avec des entreprises privées », explique-t-il.

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L'unité de cybercriminalité de Toronto n'existe que depuis 2014. Si les activités obscures sur Internet sont souvent associées au « dark web », Banglid explique que son travail « se focalise sur ce que le public est normalement supposé voir ». Il est trop tôt pour dire si oui ou non la diffusion des suicides ou des crimes violents constitue une tendance, mais la hausse apparente de ces cas est alarmante. « De tels actes de violence n'ont pas à être vus », a-t-il dit.

Ceux qui se tournent vers leur webcam durant les moments les plus sombres et les plus désespérés de leur vie doivent avoir besoin que quelqu'un témoigne pour eux. « Le suicide est toujours un acte interpersonnel », déclare le Dr Henry Seiden, psychologue clinicien spécialiste du suicide et de ses effets dévastateurs sur les proches. « C'est un récit, une histoire. » Seiden explique que diffuser sa mort à l'âge d'or de l'avancée technologique relève simplement de la nature humaine. « L'homme au sommet de la montagne s'imagine que Dieu est son témoin, ajoute-t-il. La technologie est juste le dernier outil. »

Reste qu'il est impossible de généraliser les actions ou les motivations des personnes suicidaires. « Il y a autant de raisons qu'il y a d'histoires, déclare Seiden. Mais peu importe ce que cela signifie pour la personne qui commet l'acte, le fait d'être regardé est certainement l'une de [ces raisons]. »

« Peut-être que cela veut dire "Sauvez-moi", ajoute-t-il. Peut-être que cela veut dire "Essayez donc de me sauver, mais vous n'y arriverez pas". »

Aux yeux de Seiden, il n'est pas étonnant de constater que les internautes se servent du numérique pour documenter leur détresse. « Il n'y a pas d'accident sans une foule rassemblée autour de la victime, debout sur la pointe des pieds afin de regarder la personne allongée sur le sol, dit-il. La violence et la destruction sont partout dans la société, de l'actualité jusqu'à l'industrie du divertissement. Il y a une fascination pour la douleur d'autrui, car elle est un exutoire à notre propre douleur. Nous pourrions être la personne allongée sur le trottoir. Nous pourrions être la personne qui se tue. »

« La probabilité que quelqu'un intervienne au bon moment, avant que quelque chose d'horrible ne se produise est incroyablement faible », déclare Lois. Facebook, Periscope et les autres applications de live streaming sont en première ligne lors de ces drames ; elles vont devoir être d'autant plus vigilantes afin de développer des modes d'intervention plus efficaces et plus rapides. Mais cela ne suffira pas à s'attaquer au cœur du problème. « Si quelqu'un veut commettre un suicide, il le fera, que ce soit en ligne ou pas. »

Cette idée peut, en outre, limiter le sens des responsabilités des internautes. « À certains égards, on se dit qu'on ne connaît pas cette personne, qu'elle ne nous connaît pas et que personne ne sait que l'on regarde », explique Lois.

La police peut essayer d'empêcher cela, mais ses moyens sont limités. « Nous ne pouvons pas voir tous les posts qui sont créés », déclare Banglid. À ses yeux, il est donc essentiel que le public considère les actes d'autodestruction et de violence en ligne comme des situations d'urgence réelle. « Le plus tôt nous serons prévenus, le plus tôt nous pourrons arrêter ça », poursuit Banglid.

Peu après la mort d'Abraham Biggs, le père de ce dernier a déclaré que les personnes au courant des actes de son fils sur Justin.tv étaient en tort. « En tant qu'être humain, vous ne pouvez pas juste rester assis devant votre écran et regarder une personne en difficulté», a-t-il déploré.