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LE NUMÉRO TOUT CE QU'IL Y A DE PLUS PERSONNEL

Vers la fin de la street-credibility dans le rap français

Après avoir fait les malins pendant deux décennies, les mecs du rap s'en foutent enfin.

Cet article est extrait du numéro « Tout ce qu'il y a de plus personnel »

La street-credibility est un phénomène importé des États-Unis qui implique que le rappeur doit être un dur s'il veut être pris au sérieux. C'est évidemment idiot – un bon rappeur étant de fait un bon rappeur –, mais le concept a connu son heure de gloire ces quinze dernières années avec le phénomène dit du rap de rue : sourcils froncés, accent caillera surjoué, thèmes gangstas à n'en plus finir, etc. Le truc, c'est que ces temps-ci, l'heure n'est plus à ce genre d'ambiance – même si soit, elle subsiste quand même toujours un peu chez certains.

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En premier lieu, tout le monde a commencé à se lasser sérieusement de la chose. Rappeurs comme auditeurs, sans même parler des radios, lesquelles ont toujours avancé à reculons sur la question. Les incarcérations à répétition de certaines têtes d'affiche incapables de retenir leurs pulsions (Rohff) ou carrément rattrapées par leur passé (Rohff) ont gâché des carrières et pourri la promo d'albums pourtant bons. Les limites des clashs à répétition sont également apparues comme évidentes (Rohff).

C'est pourquoi même les rappeurs qui ont un discours, une attitude ou des textes dits durs ne misent plus du tout là-dessus en priorité. Ils préfèrent l'ouverture.

Il a toujours existé un rap léger et inoffensif, mais jusqu'à récemment, les deux mondes ne se mélangeaient pas. Question de standing. Cette époque est aujourd'hui révolue. Gradur, chantre du rap caillera, est manifestement content de rapper avec des gentils bonhommes tels que Nekfeu ou Black M, sans souci du qu'en-dira-t-on. L'autre gros changement, c'est que les jeunes n'ont plus que ça à foutre d'adopter perpétuellement une posture de gros teigneux. De fait, ils rejettent la panoplie qui va avec ; cela se constate aussi bien chez Jul, issu d'une cité marseillaise, jusqu'à la MZ, originaires du 13e arrondissement parisien.

Même les gangsters du fond de la classe se sont remis à sourire dans leurs clips, et arborent désormais les mêmes dégaines que la jeunesse dorée de Paris ouest. Prenez un mec comme SCH par exemple : quoiqu'à l'origine de lyrics on ne peut plus crapuleux, niveau look, le type est hors de contrôle. Pour ceux qui comme moi, ont eu la malchance de tomber sur son Skyblog d'époque, il est passé du traditionnel ensemble jogging-gel dans les cheveux, à petit jean, cheveux longs et veste chic. Ce qui donne un résultat tout aussi étrange. Il n'empêche que l'évolution est là : il y a quelques années, un look comme ça vous classait automatiquement dans la case des bouffons. Autre temps, autres mœurs.

Objectivement, le rap pour enfants, qu'il soit pratiqué par des jeunes (Big Flo & Oli) ou des adultes (Gims, Soprano) vend plus que le rap caillera, en perte de vitesse chez le public. À cela s'ajoute l'irruption de rappeurs qui revendiquent avant tout une identité de fans de rap. Des crews entiers, comme L'Entourage, ont construit leur image autour de l'amour qu'ils possèdent pour le hip-hop, et cela a convaincu : les auditeurs se sentent proches d'eux.

Bien sûr, la fascination pour l'imagerie gangsta demeure présente. Néanmoins, que le MC soit un vrai de vrai ou pas n'est plus la préoccupation principale. À l'arrivée, la musique revient au centre du débat, et ce n'est pas plus mal. Même si cela s'accompagne de l'arrivée d'un bon paquet de bouffons.