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LE NUMÉRO MODE 2013

Sadek s'habille quartiers

Sadek a trop de style. On a glandé dans son quartier pour discuter des Américains, du son de Vitry et des survêtements Lacoste.

Photo : Nicolas Poillot

Dans 90% des clips de Sadek, il est question de lever des bécanes de cross, tirer des freins à main en Clio Sport ou faire des conneries avec les scooters de livraison de sushis. Quand ces éléments ne sont pas réunis, il y a quand même toujours une dizaine de kids à vélo, roulant à côté de quelques gamos conduits par les grands. C’est normal : Sadek, rappeur de 22 ans originaire de Neuilly-Plaisance dans le 93, adore les engins. Je m’en suis rendu compte quand il nous a emmenés juste avant l’interview faire un tour en caisse dans la cité des Cahouettes, à 180 km/h en ligne droite. Mais outre les véhicules motorisés, un autre truc passionne Sadek depuis son adolescence – les fringues. Je l’avais déjà capté dans la vidéo de l’excellent morceau « Bénef » avec Zesau, dans laquelle il arborait un sweat à capuche Champion USA triple XL gris, signe d’un goût vestimentaire sûr. Arrivé à Neuilly-Plaisance, j’en ai eu la confirmation ; Sadek, Wayfarer sur les yeux, portait une large chemise vichy d’inspiration Dickies portée à la cholo sur un polo rayé gris et bleu. Trop de style. Après l’avoir mis en confiance en lui montrant une interview de Cassidy des X-Men dans le mag, on a glandé dans son quartier pour discuter des Américains, du son de Vitry et des survêtements Lacoste. VICE : T’as grandi ici ?
Sadek : Oui, t’as dû reconnaître le décor du clip de « Bénef » – il a été tourné derrière, à la cité. J’ai vu que tu portais un hoodie Champion USA dedans.
Ouais, j’aime bien, et surtout plus personne n’en porte. Sweat Champion en hiver, polo Ralph Lauren en été ; je reste bloqué sur une seule marque, il faut que je la saigne. Champion sortent de bonnes lignes et je vais pas te mentir, ce sont les seuls à faire des sapes à ma taille. Il faut l’habiller, l’animal. Ça fait longtemps que t’en portes ?
Oui. Quand on était jeunes, on avait tous ces joggings Champion USA que tu pouvais détacher sur le côté. C’était cool. T’en avais ?

Non, j’étais trop jeune.
Ah, OK. Pour moi le style c’est pas Louis Vuitton, Gucci et compagnie : ça nous correspond pas. C’est rien de plus que de la pseudo-réussite. Je respecte à mort les quartiers où les mecs mettent encore du Lacoste, du Redskins, des jeans 501 – classique. Même si je n’en mets pas – ça me va pas –, j’ai toujours respecté cette idée : « OK on vient des quartiers de France, on a notre propre style, notre propre personnalité. » C’est comme avec les Nike requins, quoi. En effet, j’ai l’impression que la France est le seul pays où l’on porte cette paire.
Ouais, c’est la vraie basket du jeune de quartier français. C’est par Hostile, ton nouveau label, que t’as eu le featuring avec Jae Millz sur tadernière tape ?
Non, avant je traînais pas mal dans les boîtes parisiennes, j’ai mes contacts. Quand ces mecs-là viennent en France, on sait comment les attraper. Des potes à moi s’occupaient de le faire tourner et il leur a demandé qui était lourd en France. Ils lui ont répondu : « On connaît Sadek. » Le morceau est bien, on dirait une prod pour Cam’Ron.
C’est une prod de Richie Beats. C’est un sample du groupe de chicanos, là… Cypress Hill ?
Oui voilà, c’est un sample de « Latin Thugs » de Cypress Hill. Richie Beats est de Harlem et je voulais vraiment amener cet esprit, ce son Dipset que j’aime. Ça change de tous les mecs qui rappent sur des imitations de trap.
Oui, je ne veux surtout pas me mettre dans ce courant, la trap, c’est quelque chose qui appartient aux Américains. Le seul qui ait apporté quelque chose en France musicalement, c’est DJ Mehdi. Quand tu l’écoutes, tu te dis : « Ça, c’est le son de Vitry, le son de DJ Mehdi. » C’est le son de ces quartiers-là. C’est comme quand t’écoutes Mobb Deep – tu te dis : « Ça, c’est le son de Queensbridge. » Sadek sort son premier album Les Frontières du réel sur Hostile Records au mois de mars.