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Se préparer à la vie dans l’anthropocène

Désextinction des mammouths et rétrécissement d'êtres humains : sept projets qui repoussent les frontières de la biologie.

Pendant des millénaires, les humains ont altéré la planète en défrichant des terres pour faire de la place à plus de terres cultivables et de villes, chassant les animaux et introduisant des espèces envahissantes dans des écosystèmes vulnérables. L'impact a été ressenti à l'échelle globale à travers le changement climatique et à l'échelle microscopique via la résistance aux antibiotiques.

Jusqu'à récemment, les scientifiques ont activement ignoré ces enchevêtrements entre l'homme et la nature. Mais avec l'avènement de l'anthropocène, il y a eu un basculement. Lors d'une récente conférence sur la biotechnologie, le spécialiste du capital-risque Steve Jurvetson a expliqué que l'on s'éloignait d'un « monde dessiné, contrôlé, où les choses font ce que vous voulez, pour aboutir à un futur adulte, organique et robuste, difficile à manœuvrer. » Aujourd'hui, les bioingénieurs et designers explorent les enchevêtrements de la biologie, de la technologie et de la politique, et imaginent de nouvelles formes de vie et de nouvelles façons d'interagir avec notre environnement. Certains des modèles suivants n'existent encore qu'à l'état de projet ou dans des galeries d'art, d'autres sont seulement des prototypes de laboratoire, et d'autres sont à divers stades de déploiement dans cette « nature » que nous avons créé pour nous.

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L'INCROYABLE HOMME QUI RÉTRÉCIT
Allons-nous mettre un terme à la refonte de la nature, ou les humains devront-ils eux-mêmes être redessinés pour l'anthropocène ? L'Incroyable Homme qui rétrécit est un projet de recherche au long cours qui explore les implications de rétrécir les hommes à une taille de 50 centimètres. Dans un plus petit corps, les humains prendraient moins de place, et demanderaient donc moins de ressources, soulageant ainsi l'environnement. Les philosophes S. Matthew Liao, Anders Sandberg, et Rebecca Roache ont néanmoins revu l'objectif de réduction de la taille de l'être humain à la baisse. Ils pensent que réduire la taille moyenne de 15 centimètres diminuerait déjà le métabolisme de l'homme de 15 à 18 % et réduirait ainsi de beaucoup la consommation alimentaire. Ce rétrécissement pourrait être réalisé en dépistant les embryons portant les gènes du « petit », en prenant des traitements hormonaux pendant l'enfance ou en administrant des médicaments à la mère pendant sa grossesse.

LA SIXIÈME EXTINCTION
La plupart des scientifiques cherchent à préserver les écosystèmes que nous avons ravagés, mais parfois, la préservation nécessite l'intervention. C'est ainsi que l'artiste Alexandra Daisy Ginsberg propose d'élever un ensemble d'espèces génétiquement interdépendantes qui pourraient se comporter comme certains organismes éteints et répondre aux problèmes posés par l'intervention humaine. Parmi ces espèces, on trouve une limace mutante qui neutralise la pollution des sols, ou un biofilm qui recouvre les feuilles des arbres afin de capter les polluants et de décontaminer l'air.

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LE CŒUR DES MOULES
Les scientifiques se reposent depuis peu sur de nouveaux capteurs, naturels, afin de distinguer les niveaux de pollution ou la qualité de l'air. Le Cœur des moules de Natalie Jeremijenko utilise ainsi « l'intelligence naturelle » des moules afin de mesurer la qualité de l'eau. Pour ce faire, elle a placé un aimant sur un côté du coquillage de la moule afin de détecter les fluctuations d'un champ magnétique à un autre. Alors que la moule s'ouvre et se ferme en réponse aux conditions environnementales, les aimants envoient un signal à un ordinateur, qui chante lorsque la moule s'ouvre. À l'inverse, la moule se ferme quand elle détecte du zinc ou du plomb dans l'eau, et reste ouverte tant que l'eau est bonne pour la santé. Jeremijenko a déclaré cette année à Method Quarterly : « J'ai plus confiance en une moule que dans les données ! Il n'y a pas d'erreurs décimales quand c'est leur vie qui est en jeu. »

L'OPENBIOME
Ces deux dernières années, les scientifiques ont compris que l'écosystème microbien du corps humain avait transformé les excréments en médicament. OpenBiome est une « banque de caca » qui collecte des selles en vue de « transplantations fécales ». Le microbiome de l'intestin héberge des milliards de cellules bactériennes essentielles à notre digestion et nos défenses immunitaires. Cependant, les antibiotiques peuvent détruire cet écosystème, et permettre à des espèces de s'accrocher, comme le clostridium difficile, infection très commune pouvant aboutir à des diarrhées aiguës. La transplantation de matières fécales riches en microbes d'une personne en bonne santé dans le ventre d'une autre atteinte de clostridium difficile a un taux de réussite de 90 % – un succès sans précédent pour une technologie médicale.

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LE LIVRE DE CUISINE DU NEW WEATHERMAN
Dans le livre de cuisine du New Weatherman, l'artiste David Benqué a offert une série de designs qui utilisent la biologie synthétique pour interrompre les industries nuisibles et promouvoir les changements environnementaux. Le New Weathermen est un groupe fictif d'ingénieurs génétiques conçu par Benqué, réunis dans l'espoir de parvenir à un « ordre mondial symbiotique » grâce à divers dispositifs de biotechnologie. Avec leur projet #PalmOPS, les New Weathermen proposent de contrecarrer l'industrie de l'huile de palme via une guérilla de pulvérisation d'agents divers. Le but est de concevoir des inhibiteurs de lipase, afin d'empêcher le corps humain de digérer l'huile, et faire en sorte que toute personne qui consomme ladite huile modifiée tombe malade – ce que Benqué nomme le #BIOLULZ.

LA DÉSEXTINCTION DES MAMMOUTHS
Le généticien George Church a récemment annoncé que les scientifiques de son laboratoire avaient reconstruit l'ADN de cellules d'éléphant avec les gènes du mammouth laineux, éteint depuis 4 000 ans – quoique, selon ses dires, il ne soit pas encore en mesure de « ressusciter » ledit mammouth. Les efforts pour faire revivre les espèces ayant disparu en mettant à profit le génie génétique font partie des projets de l'anthropocène, à cheval entre la technologie et la conservation. Cependant, l'idée que nous puissions réparer nos erreurs environnementales par des designs biologiques fait craindre à certains défenseurs de la planète que nous soyons encore plus cavaliers avec l'écosystème.

LES MOUSTIQUES OXITEC
Oxitec est une compagnie de biotechnologie anglaise qui vient de disperser des millions de moustiques génétiquement modifiés en Amérique latine. Lorsque les moustiques modifiés – tous des mâles – s'accouplent avec les femelles sauvages, ils engendrent une progéniture « autolimitée » qui meurt avant d'atteindre l'âge adulte, et provoque le déclin de cette population d'insectes, et de la maladie qu'ils propagent. Les efforts pour limiter la propagation des insectes qui transmettent les maladies, soit à travers la stérilisation, soit par modification génétique, soit avec des insecticides chimiques comme le DDT, sont un bon exemple de la biologie anthropocène. Comme l'a fait remarquer Alexandra Daisy Ginsberg, avec les moustiques Oxitec (et la biologie synthétique en général), c'est à la fois la vie et la mort que l'on est en train de programmer.