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Musique

Siriusmo ne reprend plus les Doors

Je suis un producteur, pas un DJ.

Siriusmo est un mec tellement timide que même sa page Wikipédia précise qu'il déteste donner des interviews et jouer devant des gens. En le rejoignant sur le balcon des locaux de Monkey Town Records, je m'attendais donc à trouver un type à lunettes de taille moyenne, avec des cheveux blonds mi-longs derrière lesquels il demi-cacherait son visage pâle et mal à l'aise. Oh tiens, c'est exactement ce sur quoi que je suis tombée. Aussi, il n'est pas si timide ; au bout de 20 minutes de discussion il s'est mis à me regarder dans les yeux, et au bout de 40 minutes il a commencé à faire quelques blagues. Et si vous vous demandez ce qu'il a fait de ses épaules rentrées et de ses mains qui bougent toutes seules :  les chaises enfants sur lesquelles on a été contraints de s'asseoir et le fait de rouler 7 clopes en une heure lui ont été de bonnes excuses.

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Vice : T'as vraiment une tête différente, avec et sans lunettes.
Siriusmo : Merde. J'ai l'air plus avenant sans ? Tu veux que je les enlève ? Si tu veux, je les enlève.

Non, c'est cool. Dis-moi plutôt d'où ça vient, « Siriusmo ».
À l'époque où j'avais un groupe, on avait récupéré un vieil orgue et dessus, il y avait un sticker « Sirius ». On a tous trouvé que ça sonnait bien, alors c'est comme ça qu'on a appelé notre groupe de jeunes fumeurs de cigarettes roulés. À un moment j'en ai eu marre de faire des reprises de « L.A Woman », et je me suis barré du groupe.

Dérobant avec toi le préfixe « Sirius ».
Oh, les autres s'en foutaient. J'ai fini par rajouter -mo pour Moritz, mon prénom.

Tout le monde s'accorde à dire que parmi tous ces gens a) connus, b) qui font « de la musique électronique », t'es le moins prétentieux. T'en penses quoi ?
Je suppose que c'est parce que je ne ressens pas le besoin de la ramener. Je veux dire, je suis peu actif sur Internet, je ne cherche pas à voir ce qui se dit de moi, et je ne cherche pas à parler de moi non plus.

Ah ouais ?
Je suis un producteur, pas un DJ. Je ne cherche pas à avoir une réputation de mec cool. Je ne pose pas pour des photos, les bras croisés et le regard faussement fuyant, l'air blasé. Je crois que je ne suis pas assez légitime pour ça.

T'as déjà pensé à devenir cet horrible truc : DJ ?
Honnêtement, c'était dans mes plans il y a cinq ou six ans. Je comptais me faire connaître un peu, puis me mettre à mixer. J'ai largement changé d'avis depuis.

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Ça a un rapport avec ta phobie de la foule ?
Je crois que oui. Quand je monte sur scène, je suis figé. Je ne pourrais pas être DJ, sérieux. Y'a que dans mon studio que je danse sur de la musique. Sur scène, je suis debout comme un piquet, à moitié en stress devant le public.

J'ai lu quelque part que tu disais « ne pas être le genre de mecs à faire du son sur un Mac, debout devant une table en verre ».
Je n'arrive à travailler que dans mon bordel. J'ai mes habitudes de travail, c'est comme ça que je fonctionne. Je dois m'isoler. Genre, je déteste travailler avec quelqu'un à côté de moi. J'ai besoin d'être seul, dans mon propre bordel. Et tous ces vieux trucs que j'ai accumulé dans mon studio me font me sentir chez moi. J'aime ce qui est crade.

Comme la photo de la pochette de Mosaik ?
Oui, justement, l'histoire de cette pochette est toute bête : j'ai fait un espèce de monticule des trucs qui traînaient par terre dans mon studio. Et ça a donné ça. Hé, t'as quoi à la main ? C'est une brûlure ?

Je me suis fait ça en sortant un crumble de légumes de mon four.
Moi aussi, j'ai une trace sur la main. Je l'ai depuis genre 3 ans. J'ai ça depuis qu'une énorme goutte d'huile bouillante m'a éclaboussé. Regarde.

Je vois rien.
Ouais, elle apparaît qu'au soleil, en fait.

Il paraît que tu ne vis pas que de la musique. Tu vis de la peinture, en fait.
Oui. Je réponds à des commandes, ça me rapporte des thunes. En fait, les gens me voient comme « un mec qui fait du son », mais la vérité, c'est que je me sens aussi bien avec des pinceaux à la main dans une cour que devant mes synthés dans mon studio. J'y consacre autant de temps.

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T'as fait des illustrations pour manuels scolaires. C'était pour quelle matière ?
Ah, ah, comment tu sais ça ? Le dernier en date, c'était un livre d'anglais. Tu visualises le genre de conneries ? « Hello John ! What time is it ? » ; « Hi Betty ! Where are you going ? » ; « I have a small cat and it's sunny outside ! ». Bah c'est moi qui faisais les dessins à côté.

C'est très mignon ce que tu me racontes là. T'étais comment d'ailleurs, à l'école ?
J'écoutais du rap. D'ailleurs, je garde toujours cet état d'esprit un peu rap dans ma façon de digger les sons que j'utilise dans mes morceaux. Je passe des heures à chercher, puis je classe tout, je conserve, je trie. Je finis toujours par m'enthousiasmer pour le même type de sons ; quelque soit le matériel avec lequel je travaille. Je ne suis pas forcément à l'aise avec la modernité. Elle m'attire, mais je ne la gère pas.

J'ai jamais su dire si ta musique me faisait penser à celle d'un hyperactif insomniaque sous café ou celle d'un nerd caractériel qui met son réveil à 5h du matin le dimanche pour bosser.
C'est exactement les deux. Quand je suis inspiré, j'abandonne mon rythme de vie traditionnel ; je peux me coucher tard comme me lever super tôt. Je vis au milieu de mes disques de techno, et puis de temps en temps, je me réveille et travaille comme un fou.

J'ai vu une vidéo de toi en train de faire du son avec un gant de main de Mickey. C'est bizarre mais il y a un côté, « c'est pas du tout toi ».
J'aime bien ce gant. Il me fait marrer. Mais attention, je me suis jamais dit « oh tiens, je vais poser avec ce gant, comme ça, aux yeux des gens, je serais "le mec avec la main de Mickey", le fameux ! » Comme pour tout ce que je fais, j'ai juste fait ça comme ça, pour déconner, sans arrière pensée. Ouais, c'est débile, mais c'est mon ex qui m'a offert cette main de Mickey.

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À voir ton expression, on peut déduire que c'était une conne cette ex.
Bah en fait, on s'entend encore bien. C'est Dana, la fille qui chante sur mes morceaux. On bosse ensemble, maintenant.

Au fait, c'est toi qui as produit le morceau horrible de Yelle « La Musique » alors ? J'ai rien compris.
Putain, non ! Pourquoi tout le monde pense ça ? C'est le genre de trucs qui m'agace, tu vois. D'habitude j'en ai rien à foutre de ces histoires, mais pour le coup, non, j'ai jamais produit ce morceau. J'ai juste balancé quelques conseils à un mec de son label que j'ai rencontré dans une soirée ici à Berlin. Il s'est un peu inspiré de ce que je lui ai dit, mais il a fait le son à sa manière après. Concrètement, si j'avais eu à produire ce morceau, il ne ressemblerait pas du tout à ce qu'il est aujourd'hui. Je sais pas pourquoi tout le monde dit sur Internet que c'est moi qui l'ai produit.

Ça a l'air de te faire chier d'être associé à Yelle.
Je ne suis pas en train de dire que je l'aime pas. Mais je comprend pas le français, donc concrètement, je ne comprends pas ce qu'elle dit. Je suis juste pas très dans le délire « pop-fashion-je vais en soirée pour serrer des mains et élargir mon réseau ». Hé, ça me fait penser que j'adore ce que vous mangez en France ! La bouffe que tu achètes dans la rue est dix fois meilleure.

Peut-être, mais on a rien à envier à vos kebabs berlinois deux fois plus garnis qui coûtent un euro.
Ouais, Paris est probablement plus cher que Berlin. Mais on se nourrit mieux chez vous. Et vous êtes mieux habillés. Quand j'ai joué au Rex la dernière fois,  les gens étaient tellement sappés que j'avais l'impression d'être un naze. Ouais, c'est exactement ça : dans les rues de Paris, j'ai l'impression d'être un labrador mouillé.

L'album Mosaik de Siriusmo est sorti cette semaine en France chez Monkeytown Recordings.