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Des skins d'extrême droite viennent de déclencher un nouveau chaos en France

Clément Méric, un antifasciste de 18 ans, a été battu à mort par un groupe de neusks d'extrême droite, mercredi dans une rue de Paris.

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Interviews : Patrick Randall et Sylla Saint-Guilly

Comme vous le savez, Clément Méric, un jeune antifasciste de 18 ans, activiste de gauche, a été battu à mort par un groupe de neusks d'extrême droite, mercredi dans une rue de Paris. Cet horrible événement a suscité un étrange sentiment de colère, d’incompréhension et de grande tristesse à travers le pays. Des rassemblements ont été organisés partout en France pour rendre hommage à Clément, mais aussi pour manifester contre les groupes d'extrême droite type les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), dont les agresseurs feraient partie.

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L'incident s’est déroulé mercredi aux alentours de 18h, près de la gare Saint-Lazare. Comme lors de toute tragédie, le début de l’histoire est ridicule ; Clément sortait tout juste d'une vente privée Fred Perry, accompagné de quelques amis, lorsque ces derniers ont croisé trois skinheads faf qui se rendaient au même endroit. D'après des témoins, les trois skins, deux hommes et une femme, arboraient des croix gammées tatouées et portaient le traditionnel combo bombers / t-shirts sur lesquels on pouvait lire les mentions « White Power » et « Blood and Honour ».

Toujours d'après les témoins, suite à quelques minutes d'invectives et de provocations mutuelles, d'autres skins sont arrivés et l'altercation a vraiment commencé. Clément a été atteint par un coup de poing américain et sa tête a ensuite heurté un poteau avant que le jeune homme ne tombe à terre. Après que les assaillants aient fui les lieux, Clément a été conduit à l'hôpital puis déclaré en état de mort cérébrale dans la soirée.

La police a confirmé sa mort hier avant d'annoncer qu'elle avait arrêté quatre suspects dans la matinée. D'après l'annonce des forces de l'ordre, les suspects seraient âgés d'entre 20 et 30 ans. Trois autres agresseurs présumés appartenant également aux Jeunesses nationalistes révolutionnaires, et à d'autres groupes encore plus salés type Troisième Voie, ont été arrêtés dans la journée. Pendant ce temps, le fondateur et leader des deux groupes, Serge Ayoub, aka Batskin (surnom qu'il tient de sa prédilection pour les battes de base-ball lors de ses hauts faits d’armes dans les années 1980), a déclaré qu'ils n'appartenaient pas à son mouvement. Il a également assuré à l'AFP que les trois skinheads avaient été les premiers à subir une attaque et qu'ils ne cherchaient qu'à « fuir la scène ».

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En tant que membre de l'Action Antifasciste Paris-Banlieue, groupe de jeunes d'extrême gauche, Clément Méric était connu pour ses convictions et son activisme antifasciste. C'était aussi un supporteur du Red Star 93 de Saint-Ouen, terreau encore fertile de hools Antifa. Ces derniers mois, il avait lutté activement pour le mariage pour tous.

Je me suis rendu aux deux rassemblements organisés hier à Paris pour voir à quel point le pays était en colère après le meurtre de Clément ; j’avais aussi envie de voir si, pour les médias, les néonazis s’apprêtaient à devenir, une nouvelle fois, l'ennemi public numéro un.

Le premier rassemblement, à l’initiative du groupe antifasciste dont le jeune homme de 18 ans faisait partie, a débuté à 17h, rue Caumartin, lieu de l’affrontement. Devant les luxueux magasins qui peuplent le quartier, 300 personnes ont demeuré en silence pendant une heure autour du poteau que Clément avait percuté après avoir reçu le coup fatal, moins de 24 heures plus tôt.

La première chose que j’ai remarquée, c’est à quel point il était évident que la foule réunie ici était encore sous le choc. Des regards de colère et des larmes coulaient sur les visages de tout le monde. Sous le soleil printanier, les touristes avaient du mal à se frayer un chemin et ne comprenaient rien à ce qu’il se passait. Des dizaines de gens portaient des t-shirts rouges et noirs sur lesquels étaient écrit, « Clément, à jamais l’un des nôtres ».

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J’ai parlé à Arnaud, un antifasciste de 24 ans. Il m’a expliqué que, « comme tout le monde ici, je ressens de la haine et de la colère envers ceux qui ont commis ce crime. » Il a ajouté que « les agresseurs [devaient] récolter ce qu’ils méritent pour être des connards de fascistes. » J’ai tenté de parler avec les gens en t-shirts rouges et noirs, tous appartenant à différents groupes Antifa, mais ces derniers m’ont tous dit d’aller me faire foutre.

Le leader du mouvement, dont quelques membres avaient couvert leur visage, a prononcé un discours dans lequel il rappelait ce qu’il s’était passé la veille. Au moment où il a prononcé les derniers mots de son discours : « Clément, nous ne t’oublierons jamais », plusieurs personnes ont fondu en sanglots.

Après un long silence durant lequel des fleurs ont été déposées sur le sol, autour du poteau, et des points levés dans les airs, quelques slogans antifascistes « No Pasaran ! » ont émergé ici et là de la rue, suivis de « Paris antifasciste », et « le fascisme c’est la gangrène, tu le tue ou t’en meurs ».

Plusieurs magasins aux alentours du rassemblement avaient baissé leur grille et les CRS se sont mis à bloquer l’entrée de la rue. Pas la moindre violence n’était en vue. J’ai entendu quelques occasionnels « J’aimerais bien que des fascistes soient dans le coin pour leur péter la gueule », mais le rassemblement avait été organisé pour faire hommage à un jeune homme, certainement pas pour se venger.
J’ai demandé à Eric, un anarchiste de 56 ans venu au rassemblement avec un panneau sur lequel on pouvait lire « Valls complice ! », pourquoi il avait fait ça alors que le rassemblement était censé être apolitique. Cette mort est selon lui une conséquence directe de la politique du ministre de l’Intérieur, qui a installé en France « un climat social tendu tout au long de l’année. » Il a ajouté : « À cause de ce climat, les gens choisissent les extrêmes ; à vrai dire, de telles actions étaient prévisibles. »

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À 18h, le leader du groupe a demandé à tous les gens présents de se rendre à la station Saint-Michel, où le deuxième rassemblement était prévu. Des membres de groupes d’extrême gauche marchaient, scandant ça et là des « No Pasaran », alors que peu à peu, les touristes reprenaient possession de la rue.

Aux alentours de 18h30, l’atmosphère est devenue politisée. Des milliers de personnes rassemblées autour de la fontaine de la place Saint-Michel, agitaient des centaines de drapeaux aux couleurs de différents partis politiques de gauche et anarchistes. Le Front de gauche, le Nouveau parti anticapitaliste, le Parti pirate, la Confédération générale du travail et même quelques Anonymous étaient présents, se joignant aux « No Pasaran ! », qui à nouveau, émergeaient de la foule.

Alors que j’écoutais les discours des personnalités politiques présentes, une partie de la foule s’est mise à riposter avec des huées et des sifflements. « Nous sommes là pour Clément ! », « Pas de politique aujourd’hui », « Pas de récupération ». Les membres des groupes antifascistes étaient outrés que la mort tragique du jeune homme de 18 ans devienne une affaire politique. « Ces politiciens utilisent cet incident comme excuse pour critiquer le gouvernement et le Front National », m’a expliqué Marie, 34 ans. « Ça n’a pas de sens, Clément n’était impliqué dans aucun de ces partis ; c’était juste un Antifa » a-t-elle ajouté.

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Le rassemblement à Saint-Michel n’avait rien à voir avec celui de la rue Caumartin. Ici, les gens riaient, buvaient des bières et jouaient Manu Chao à la guitare. Des drapeaux Che Guevara flottaient dans la brise chaude du printemps et plusieurs mecs fumaient de la weed. Les membres d’Action Antifasciste Paris-Banlieue, qui avaient marché depuis la rue Caumartin en portant la bannière « Clément, à jamais l’un des nôtres », ont alors décidé de se retirer sur un pont à l’arrière de la foule, afin de faire leur deuil en paix.

J’ai demandé à Jean, 34 ans, qui prétend avoir fréquenté à la fois des groupes d’extrême gauche et d’extrême droite, s’il pensait que le meurtre de Clément était en mesure de déclencher des violences en France. « Je ne crois pas. Ce n’est pas quelque chose de nouveau, les fascistes et les antifascistes se mettent sur la gueule depuis un bon moment. Ils portent les mêmes vêtements et écoutent la même musique… Ce crime est en train de devenir quelque chose que les politiques s’approprient pour leurs propres programmes », a-t-il dit. « Mais le meurtre de Clément est survenu dans un contexte de crise économique et sociale grave, alors évidemment, cette tragédie va prendre une dimension politique. Si les fafs et antifas avaient un travail et assez d’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles, ça ne serait probablement jamais arrivé », a-t-il ajouté.

Après une heure de rassemblement, la foule s’est dispersée tandis que le soleil se couchait sur Paris. Le soir-même, alors que le débat sur la mort de Clément Méric se poursuivait partout dans la sphère médiatique, des groupes Antifa ont promis, sur Internet, des représailles à venir contre différents groupes d’extrême-droite.