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LE NUMÉRO TROMPE-LA-MORT

Des momies bien chaudes

Dans la jungle de Papouasie Nouvelle-Guinée, sur les îles de Morobe, la tribu Anga observe une méthode centenaire de préservation de ses morts : elle les cuit.

Dans la jungle de Papouasie Nouvelle-Guinée, sur les îles de Morobe, la tribu Anga observe une méthode centenaire de préservation de ses morts : elle les cuit. Le processus de momification est minutieux et très ritualisé – outre une façon de rendre hommage à la mémoire des parents ou amis décédés, c’est également une cérémonie ravigotante, même si macabre, pour ceux qui restent.

On incise d’abord les genoux, coudes et pieds du cadavre pour le drainer de sa graisse, de la même manière qu’on éviscérerait et énerverait un porc dans un abattoir, excepté qu’ensuite on insère des tiges de bambou évidées dans les intestins pour en récolter les fluides graisseux et en enduire généreusement les cheveux et la peau des parents proches, dans l’espoir de transférer la force du mort dans le vivant. Le jus de momie restant s’utilise comme huile à frire. Mais vous allez voir, ça s’arrange. Ou au contraire ça se dégrade. Tout dépend de quel bois vous vous chauffez.

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Les Mélanésiens qui embaument à l’ancienne cousent la bouche, les yeux et l’anus de la momie afin de minimiser le contact avec l’air et contrer le processus de pourriture de la chair. La méticulosité avec laquelle ils scellent les orifices est précisément ce qui explique la grande forme de ces individus, deux cents ans après qu’ils ont mordu la poussière pour de bon.

Les Anga émincent la langue, les paumes des mains et les plantes des pieds et les offrent au conjoint survivant. Ce qui reste du cadavre est jeté dans un foyer communal et fumé. Quand le corps est à point, on l’enveloppe d’argile et d’ocre rouge pour le protéger de la décomposition et des chiens charognards.

Les Anga construisent de grands bûchers funéraires, et invitent ensuite leurs amis autour d’un grand feu de joie pour casser la glace en se descendant des verres de jus de jungle. C’est comme un barbecue entre voisins, sauf que vous y faites cuire votre mère. Notez que même les bébés momies sont parfaitement intacts.

Tout ça, ce sont les pratiques standard, à en croire la gardienne des momies, une concierge austère dont on n’a pas réussi à retranscrire le nom. Désignant un guerrier desséché de la Seconde Guerre mondiale, elle affirme qu’il s’est pris un coup de baïonnette japonaise, et que comme il venait d’une tribu, on l’a conservé pour que ses aînés puissent ensuite le prendre en charge. On l’a ficelé avec de la corde prélevée sur son arc et ses flèches, et son piercing au nez kunda est encore bien visible. Un peu plus tard, nous avons appris que l’embaumement avait été mis hors la loi au moment de l’indépendance de la Papouasie Nouvelle-Guinée, en 1975. Aujourd’hui, la norme, c’est les enterrements chrétiens. Dans des poches isolées comme celle-ci, ­cependant, vous pouvez encore trouver des traces de l’art ancien et fumeux de préserver les morts.