Photo d'ouverture : En 1995, Daniel Hostic, alors âgé de douze ans, est envoyé à l'hôpital pour une ablation du rein. Personne à l'orphelinat n'a donné son accord pour la procédure – il a été victime de passeurs d'organes. Daniel loue désormais une maison dans le village de Popricani, où il a travaillé à l'orphelinat pendant plusieurs années. Il a perdu son emploi en 2014, quand l'orphelinat est devenu un centre pour adultes handicapés. Toutes les photos sont publiées avec l'aimable autorisation d'Elisabeth Blanchet.
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Nicolae Ceausescu a été le premier et dernier président de la République socialiste de Roumanie. Si on a pu lire ici et là qu'il était une personne tout à fait adorable – offrant des maisons aux personnes qui ont trimé toute leur vie et leur enseignant la vertu de la patience à travers l'art de la file d'attente – on ne prend pas vraiment de risques en le qualifiant de dictateur. Surtout que certaines de ses initiatives ont dé truit les vies de plusieurs géné rations, et ce, même après la chute de son régime communiste.On peut notamment citer le décret 770, p romulgué en 1966 et abrogé en 1989, qui a marqué l'interdiction de l'avortement – le gouvernement souhaitait relancer la natalité. Suite à cette mesure, environ 10 000 femmes (le chiffre est officieux) sont mortes en ayant eu recours à des avortements illégaux. Par conséquent, près de deux millions d'enfants sont nés à cette période et sont depuis connus sous le nom de « Génération décret ». Beaucoup d'entre eux ont été abandonnés.En 1993, la photographe Elisabeth Blanchet s'est rendue dans un orphelinat du village de Popricani et a documenté la vie des enfants. Elle a tissé des liens très forts avec eux et leur a rendu visite à plusieurs reprises. En 2006, elle est retournée en Roumanie pour retrouver les anciens de l'orphelinat afin de les reprendre en photo une fois adultes. Je lui ai posé quelques questions sur sa série.
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VICE : Comment vous est venue l 'idée de ce projet ?
Elisabeth Blanchet : Dans les années 1990, j'ai co-fondé l'association humanitaire Action Orphelins avec un ami. Nous nous rendions souvent dans un orphelinat de la ville de Popricani, près de Iași – on y allait trois à quatre fois par an, entre 1993 et 1998. Nous voulions améliorer un peu les conditions de vie des orphelins. Nous nettoyions leurs chambres, réparions l'eau chaude et les douches – des trucs comme ça. Nous avons également payé des gens pour qu'ils retrouvent les proches des enfants dans des institutions similaires. J'ai pris beaucoup de portraits des enfants sur cette période, notamment parce que je tenais à eux. La plupart des photos étaient en noir et blanc et sur pellicule.En 2006, je travaillais pour Time Out. Les rédacteurs et moi cherchions à faire quelque chose de positif sur la Roumanie, qui s'apprêtait alors à rejoindre l'Union européenne. Nous avions prévu de suivre une personne qui venait chercher du travail au Royaume-Uni. J'ai contacté mon ami Dan, lui-même orphelin, qui était gardien à l'orphelinat de Popricani. Je lui ai demandé de m'aider à trouver des personnages.
Elisabeth Blanchet : Dans les années 1990, j'ai co-fondé l'association humanitaire Action Orphelins avec un ami. Nous nous rendions souvent dans un orphelinat de la ville de Popricani, près de Iași – on y allait trois à quatre fois par an, entre 1993 et 1998. Nous voulions améliorer un peu les conditions de vie des orphelins. Nous nettoyions leurs chambres, réparions l'eau chaude et les douches – des trucs comme ça. Nous avons également payé des gens pour qu'ils retrouvent les proches des enfants dans des institutions similaires. J'ai pris beaucoup de portraits des enfants sur cette période, notamment parce que je tenais à eux. La plupart des photos étaient en noir et blanc et sur pellicule.En 2006, je travaillais pour Time Out. Les rédacteurs et moi cherchions à faire quelque chose de positif sur la Roumanie, qui s'apprêtait alors à rejoindre l'Union européenne. Nous avions prévu de suivre une personne qui venait chercher du travail au Royaume-Uni. J'ai contacté mon ami Dan, lui-même orphelin, qui était gardien à l'orphelinat de Popricani. Je lui ai demandé de m'aider à trouver des personnages.
Comment se sont passées les retrouvailles avec Dan ?
C'était très émouvant. C'était en décembre 2006, sept ou huit ans après notre dernière rencontre. Il m'a montré un dictionnaire que je lui avais donné à l'époque et qu'il avait conservé. Après ces retrouvailles, je me suis demandé ce qu'avaient pu devenir les autres enfants. Ils représentent une période importante de ma vie. C'est pourquoi j'ai décidé de les retrouver et de les photographier à nouveau.
C'était très émouvant. C'était en décembre 2006, sept ou huit ans après notre dernière rencontre. Il m'a montré un dictionnaire que je lui avais donné à l'époque et qu'il avait conservé. Après ces retrouvailles, je me suis demandé ce qu'avaient pu devenir les autres enfants. Ils représentent une période importante de ma vie. C'est pourquoi j'ai décidé de les retrouver et de les photographier à nouveau.
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Comment les avez-vous retrouvés ?
J'aimerais remercier Dan pour cela. Nous sommes partis d'une personne et nous avons fait passer le message. La plupart était toujours en contact, ce qui a beaucoup aidé.Quelle a été votre expérience des orphelinats ?
Je viens d'un pays privilégié et j'ai été choquée par le manque d'affection que ces enfants enduraient. Ils dormaient dans des dortoirs immenses et dégoûtants qui sentaient l'urine. Il arrivait que trois d'entre eux se partagent un seul lit. Les plus petits étaient brutalisés par les plus grands. C'était dur.
J'aimerais remercier Dan pour cela. Nous sommes partis d'une personne et nous avons fait passer le message. La plupart était toujours en contact, ce qui a beaucoup aidé.Quelle a été votre expérience des orphelinats ?
Je viens d'un pays privilégié et j'ai été choquée par le manque d'affection que ces enfants enduraient. Ils dormaient dans des dortoirs immenses et dégoûtants qui sentaient l'urine. Il arrivait que trois d'entre eux se partagent un seul lit. Les plus petits étaient brutalisés par les plus grands. C'était dur.
Était-ce compliqué d'avoir affaire aux institutions roumaines à l'époque ?
N'importe quel projet était difficile à réaliser. Il y avait beaucoup de compétition entre les orphelinats, car certains recevaient plus d'argent que d'autres. Il était difficile de faire bouger les choses – tout était très politisé.
N'importe quel projet était difficile à réaliser. Il y avait beaucoup de compétition entre les orphelinats, car certains recevaient plus d'argent que d'autres. Il était difficile de faire bouger les choses – tout était très politisé.
Quelles réactions a suscité votre projet ?
Les gens ont été touchés par leurs histoires. Je pense que ce travail peut vraiment avoir un sens pour les plus jeunes générations, qui ne connaissent peut-être pas le régime de Ceausescu et ne savent pas combien de vies il a détruites. Ce projet attire l'attention sur l'obsession de Ceausescu, qui était d'augmenter la natalité, et peut permettre aussi bien aux étrangers qu'aux Roumains de comprendre ce passé sombre.
Les gens ont été touchés par leurs histoires. Je pense que ce travail peut vraiment avoir un sens pour les plus jeunes générations, qui ne connaissent peut-être pas le régime de Ceausescu et ne savent pas combien de vies il a détruites. Ce projet attire l'attention sur l'obsession de Ceausescu, qui était d'augmenter la natalité, et peut permettre aussi bien aux étrangers qu'aux Roumains de comprendre ce passé sombre.