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LE NUMÉRO QUI COMPTE

Un lieu à la fois étrange et merveilleux

Bon, on va éviter le pire et ne pas vous raconter l’histoire de Twin Peaks pour la millième fois.

Quel mal y a-t-il à s’envelopper de sacs poubelles en se prenant pour une victime de meurtre de série télé ? En fait, c’est même très marrant. Tout le monde devrait essayer. Bon, on va éviter le pire et ne pas vous raconter l’histoire de Twin Peaks pour la millième fois. Si vous l’avez déjà vu et que vous aimez David Lynch, on est d’accord pour dire que c’est le summum en matière de série télévisée et de production artistique en général. Si vous ne l’avez jamais vu, votre dépucelage oculaire fera de nombreux envieux (et empressez-vous de le faire). Si vous avez réussi à choper quelques épisodes et que vous n’avez pas aimé, alors s’il vous plaît, passez votre chemin. On ne plaisante pas. Le festival Twin Peaks a eu lieu pour la première fois en 1993. Au début, c’était un petit événement organisé par quelques fans à North Bend, dans l’État de Washington, environ deux ans après la fin de la série télé et un an après le film Twin Peaks : Les Sept Derniers Jours de Laura Palmer. Cet événement annuel a progressivement attiré des fans venus du monde entier. Cette année, pour la première fois depuis l’existence du festival, tous les acteurs de la série étaient présents et c’était l’occasion de les rencontrer. Cet argument a été suffisant pour nous convaincre qu’il ne s’agissait pas seulement d’un rassemblement de gens déguisés avec des costumes moches et essayant d’imiter le langage des nains en parlant à l’envers. Alors on a acheté nos places et on s’est organisées pour aller à North Bend pendant la première semaine d’août. La plupart des prises de vues extérieures de la série ont été tournées à North Bend et dans la ville voisine de Snoqualmie, à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix. Depuis, les fans les plus enragés ne cessent d’affluer dans ces deux villes, et ce tout au long de l’année. De nombreux riverains n’avaient jamais entendu parler de la série avant. Ils ne comprenaient pas pourquoi tous ces gens étaient plantés au beau milieu de la rue et prenaient des photos d’un endroit censé être « le lieu de tournage de la scène du film dans laquelle Laura hurle sans raison apparente et trouve une minuscule pomme de pin ». Le festival dure trois jours et coûte 170 dollars (190, en comptant la visite en bus). Cette année, le festival a attiré 180 fans (le plus fort taux d’affluence depuis 2002, selon les organisateurs). On a passé une bonne partie du week-end à essayer de comprendre comment les organisateurs avaient pu dépenser tout l’argent récolté, hormis bien sûr les cachets pour les artistes – en tout cas, ils n’avaient certainement pas investi ce fric dans la sécurité ; quelques potes ont réussi à se faufiler dans le festival sans payer et sans se faire emmerder par quiconque. Avec le recul, le prix était raisonnable. On a quand même eu la possibilité de serrer la main de Sheryl Lee et de chier dans les toilettes du Roadhouse. En rentrant, on a rédigé un compte rendu du festival Twin Peaks 2011 en s’inspirant des critiques du site Yelp (mais en remplaçant les étoiles par les bûches de la Dame à la bûche).

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A. Wolfe, ici déguisée en Maddy Ferguson, et non pas en Laura Palmer contrairement à ce que la plupart des gens ont cru. Tocards ! Kelly McClure s’est déguisée en Johnny Horne « parce qu’il en a rien à foutre ».

Participation des célébrités : SHERYL LEE (LAURA PALMER)  Bien que le jury des célébrités ne m’ait pas fait gagner le concours du meilleur costume, j’ai été accostée par un organisateur plutôt haut en couleur qui m’a annoncé : « Vous êtes convoquée par la reine. Et la reine obtient toujours ce qu’elle veut. » Je n’ai pas compris ce que ça voulait dire. On s’est ensuite rencontrées et vous m’avez serré la main pendant cinq minutes, m’avez fait les yeux revolver, et je vous ai parlé pendant au moins dix minutes de l’importance des loups dans ma vie en évoquant les fables d’Ésope et en exhibant mes tatouages. Vous avez demandé à quelqu’un de photographier mes tatouages. Vous vouliez les regarder de plus près chez vous, plus tard. Vous m’avez demandé : « Vous connaissez celle sur les scorpions et les moines ? » Cet instant fut comme un voyage dans la Loge Blanche. A. WOLFE

RAY WISE (LELAND PALMER)  Pendant ma conversation intense avec Sheryl Lee, vous vous êtes penché sur moi et vous avez commenté mon costume de Maddy morte. Vous avez ajouté sur un ton extrêmement enthousiaste : « Je t’ai assassinée, alors je dois te serrer dans mes bras. » Vous avez fait abstraction du fait que j’étais quasiment à poil, et que je portais uniquement une bande de ruban adhésif transparent. Vous m’avez enlacée pendant dix secondes et j’ai failli avoir une attaque. C’était une prestation de qualité, et elle m’a convaincue de revenir l’année prochaine. A. WOLFE

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SHERILYN FENN (AUDREY HORNE)  Vous avez teint vos cheveux en blond, ça ne me plaît pas particulièrement mais j’imagine que vos cheveux ne pouvaient pas rester éternellement noirs. Aussi, vous ne pouviez pas continuer à mettre du rouge à lèvres vermillon et à porter des jupes écossaises toute votre vie. J’ai donc choisi de ne pas vous enlever de point à cause de ça. En revanche, vous aviez l’air d’avoir consommé cinquante pilules différentes avant la conférence de presse. Cela m’a dérangée. J’ai compris seulement un mot sur cinq, mais j’ai réussi à déchiffrer l’anecdote sur David Lynch qui résout tous les problèmes impliquant des capuccinos, et aussi que Lara Flynn Boyle était une « psychopathe ». J’ai failli vous enlever des points à cause de votre fils ; il m’a demandé si j’étais une fille ou un garçon au cours du pique-nique, le dernier jour du festival, mais au dernier moment je me suis rappelé que ce n’était pas du tout de votre faute. K. McCLURE Ambiance générale : SNOQUALMIE RIVER, CAMPING RV PARK  Notre budget ne nous permettait pas de louer une chambre d’hôtel. J’ai donc envoyé un mail aux organisateurs du festival pour leur demander s’ils avaient des campings à recommander. Ils m’ont donné les coordonnées d’un mystérieux « RV Park ». Après deux nuits passées là-bas, on a compris qu’il devait s’agir d’une histoire de pots-de-vin ; c’était vraiment un camping de merde. Je n’ai pas immédiatement pris conscience de la médiocrité du lieu jusqu’à ce que mes amis me fassent remarquer la grande originalité de ce camping : une allée boueuse avec vue panoramique sur l’autoroute. Ça ressemblait plus à un circuit de BMX bâti par des ados qu’à un endroit où l’on fait griller des marshmallows. Un autre truc : ma voisine de campement était chrétienne et bigote. Elle braillait « DIEU EST SI BON » sous sa douche. K. McCLURE LES CAMPEURS SOURDS  Vous êtes les meilleurs. Pendant que nos voisins crachaient leurs poumons autour du feu de camp, ivres, en essayant d’aligner trois mots, vous passiez avec votre lampe torche et leviez le pouce à chaque fois qu’on perçait une canette de bière pour l’engloutir. J’ai également un message spécial à faire passer à la lesbienne qui ressemblait un peu trop à La Roux : tes cigarettes de 15 cm font encore plus peur que tes cheveux. Tu es parfaite ou invincible ou un truc dans le genre. S’il te plaît, sors avec Kelly. A. WOOLFE D’après la rumeur, après l’incendie du Café Twede en 2000, un homme serait apparu pour repeindre le café en violet. Les gens l’ont arrêté, mais il a réussi à prendre la fuite. Il est revenu quelques semaines plus tard pour une nouvelle tentative de peinture improvisée. Cette fois, il s’est fait attraper. Selon ses dires, Dieu lui aurait demandé de « reconstruire le restaurant Twin Peaks ». LAST FRONTIER SALOON  Au propriétaire du saloon : vous avez apprécié mon costume de cadavre de Maddy, bien que vous croyiez que j’étais déguisée en « bébé éprouvette ». Merci en tout cas pour le verre. Si vous avez une minute, dites-moi ce que signifiait le sticker « Roulez-moi dans le miel pour que les lesbiennes me dévorent ». A. WOLFE FALL CITY ROADHOUSE & INN  Je n’aurais jamais cru qu’il s’agissait du décor du Roadhouse si les gens du coin ne me l’avaient pas confirmé. Apparemment, tout était à refaire ; l’original était délabré. Le toit menaçait de s’effondrer, et selon eux, le bonheur de quelques nerds passait après la sécurité de tous – foutaises ! C’est ici que j’ai essayé de faire mon premier popo du séjour, mais je n’ai pu y arriver ; j’étais dans les chiottes pour handicapés, une grosse dame attendait devant et elle semblait s’apprêter à défoncer la porte. « Hé, la grosse dame, votre obésité ne vous garantit pas l’accès prioritaire aux toilettes pour handicapés. Je suis sûre que vous attendiez avec impatience de libérer une quantité bien plus conséquente que moi, après deux jours d’alimentation à base de tarte à la ­cerise et de saucisses viennoises pas cuites, mais faites la queue comme tout le monde. » K. McCLURE LE CAFÉ TWEDE  La façade de ce boui-boui graisseux a servi de décor extérieur au Double R Diner. L’intérieur a été refait, probablement à cause de ces deux mecs qui l’avaient brûlé il y a dix ans pour dissimuler un cambriolage. Notre serveuse, qui travaillait dans ce café depuis dix-sept longues années, nous a confirmé que le feu n’avait pas dissuadé les fans, qui continuent à affluer. La bouffe est chère, mais ils ont 50 sortes de hamburgers. Aussi, ils semblent être les seuls à s’enorgueillir d’avoir prêté leurs locaux pour la série. Ils ont même peint la mention « Twin Peaks » sur la façade, à côté d’une part de tarte à la cerise ! Ici, on peut manger une authentique tarte à la cerise Twin Peaks, authentiquement délicieuse. K. McCLURE