Fin février, une chaîne de télé de San Francisco rapportait avec indignation les événements survenus lors d'une soirée d'ados dans une boîte de nuit du coin. Ceux-ci dansaient en effet en « simulant des rapports sexuels ». Le journaliste s'était dit « outré » de voir une boîte de nuit remplie de kids en train de baiser tout habillés, rapportant que ces mouvements étaient « dangereux pour la jeunesse » et qu'il trouvait tout ça « absurde et vulgaire ». Le journaliste parlait en réalité du « twerkin' », ou plus précisément du « twerking » avec un G, comme il a pris plaisir à le prononcer. C'est donc par cet événement journalistique qu'aujourd'hui, tous les parents de Californie connaissent le twerk et son dérivé salace, le « pussy poppin' » (littéralement, « remuer de la chatte »).
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LES PRO-TWERKEURS, LE GO-GO ET LES GROSSES FESSES DE KEESHALa première étape de ce cours d'histoire est – et c'est tout à fait arbitraire – une vidéo de Spike Lee de 1988. Yep. Il y a longtemps, le même gars qui aujourd'hui s'emporte contre Django Unchained a tourné le clip d'un morceau de Experience Unlimited, « Da Butt ». Vous avez déjà dû entendre « Da Butt » : c'est un hymne aux fesses aussi inoffensif et catchy que « Baby Got Back » de Sir Mix-A-Lot, dans lequel ne subsiste plus le moindre vestige de sexualité. Ce morceau aussi paraît débile aujourd'hui : on pourrait la passer dans un mariage que ça ne choquerait personne.
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2 LIVE CREW – LES MARTYRS DU TWERKNous voici en 1991 et 2 Live Crew entrent en scène. Le groupe parle essentiellement du fait de baiser des p'tites louloutes sur des plages de Miami. On les catalogue comme « obscènes », les membres du groupe se font sucer sur scène, arrêter puis envoyer devant la Cour Suprême – et ils ne sont pas condamnés, Dieu soit loué. 2 Live Crew prennent alors la tête de la scène Miami Bass. Comme Miami a une plage de dingue, les filles sont en bikini et comme les filles sont en bikini, les chansons parlent de baiser après avoir enlevé leur bikini.
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LA MARRAINE DU P-POPPIN'Toute discussion sur le fait de remuer ostensiblement ses fesses de façon coordonnée doit obligatoirement s'attarder sur la culture caribéenne. De la même manière qu'en Asie, on sait donner des coups de pied, aux Caraïbes, on sait hypnotiser le spectateur avec des mouvements de hanches et des fesses qui bougent indépendamment l'une de l'autre. Quand Patra a sorti son premier album Queen of the Pack en 1993, celui-ci s'est bien vendu, et pour cause : on aurait dit du dancehall jamaïcain mélangé à de la trance albanaise.Patra se distinguait de la majorité de ses contemporains pour cette raison : c'était une femme. Le clip de « Queen of the Pack » affichait Patra et ses amies, winant tous azimuts dans des shorts ras-la-teuch et exécutant des mouvements très banals pour n'importe quel caribéen de moins de 40 ans. On retrouve les germes de Beyonce, Ciara et Rihanna dans les déhanchés de miss Patra. De même, il est facile de faire le lien entre les mouvements giratoires du twerk d'aujourd'hui et la culture ragga des années 1990.
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« AFTER YOU BACK IT UP, THEN STOP… AND DROP IT LIKE IT'S HOT »La Nouvelle-Orléans est aussi importante que les Caraïbes dans l'expansion du booty shake sur le continent américain. N'oubliez pas que Juvenile a écrit « Back That Azz Up », « Slow Motion » et « She Get It From Her Mama », autant de morceaux qui incitaient les auditrices à baisser leur cul et à le remuer – lentement, puis rapidement, puis lentement à nouveau – dans tous les sens. Dans le bounce, style de musique originaire de La Nouvelle-Orléans, il est exclusivement question de remuer les fesses aussi énergiquement, violemment et acrobatiquement que possible, et cette tradition s'est perpétuée dans tous les styles musicaux du coin, mais surtout dans le rap des labels No Limit et Ca$h Money. Avec des titres comme « Back That Azz Up », classique instantané de 1998, et le « Wobble Wobble » des 504 Boyz de Master P, les fesses cajuns qui remuaient à 200 à l'heure se sont retrouvées partout sur MTV et donc, dans chaque chambre d'ado du pays.
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L'ASCENSION D'ATLANTAAu même moment, on a assisté à l'émergence de la culture stripclub d'Atlanta par l'intermédiaire du BET's Uncut, une émission du début des années 2000 diffusée entre 23h et 3h du mat' qui refusait de censurer quoique ce soit. Des morceaux comme « Tip Drill » de Nelly (un classique de l'émission, bien que Nelly soit originaire de St Louis) introduisaient les strippers et leur manière distincte de remuer les fesses en ouvrant et fermant leur orifice vaginal. La version non-censurée de « Tip Drill » (encore plus abusée) atteignait un niveau de cinéma-vérité jamais vu depuis les débuts du mouvement Dogme95. Rien qu'en regardant la vidéo, vous pouviez presque sentir l'arôme caractéristique des stripclubs américains (ce mélange de parfum bon marché, de talc, de sueur et de capitalisme décadent). Mais niveau cours accélérés sur les techniques contemporaines de twerk, il y a eu bien pire que « Tip Drill » – notamment les clips de « Pussy Poppin' » de Ludacris ou de « Get Low » de Lil' Jon. À ce stade, le twerk faisait partie intégrante de la culture américaine, même s'il n'avait toujours pas de nom.
LE PROBLÈME DE NOMMER CETTE PRATIQUEQuand 2003 est arrivé, l'influence du twerk est devenue si palpable que vous pouviez en apprendre les bases même en habitant quelque part dans les grandes plaines kazakhs ou en plein désert de Gobi. Le seul problème : vous ne pouviez pas nommer ce que vous faisiez.
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