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Culture

grandson n’a pas besoin de vos prières ou de vos pensées

Le montréalais d’adoption est devenu l’un des artistes les plus en vue aux États-Unis, grâce à ses chansons rap-rock à la fois accrocheuses et engagées.

Au début des années 2010, Jordan Benjamin se promenait chaque soir un peu partout sur la rue Saint-Laurent, à Montréal. Dans une même soirée, il pouvait faire un DJ set à un endroit, rapper à un autre et finir ça avec un jam dans le ghetto McGill. Puis, presque du jour au lendemain, il a disparu de la ville.

Aujourd’hui, Jordan habite à Los Angeles. Avec son nouveau projet solo, grandson, il fait le tour du continent et joue devant des salles combles. Mêlant habilement rap, rock et paroles juste assez engagées, il est devenu l’un des artistes les plus en vue des États-Unis. Malgré le fait qu’il reste relativement inconnu au Canada, il compte des millions d’écoutes en ligne et jouit d’un public extrêmement dévoué. Après des années d’absence, il revient au Québec jouer au festival Santa Teresa et passer quelques jours avec ses amis. On lui a lâché un coup de fil, histoire de prendre de ses nouvelles.

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VICE : Avant tout, il va falloir que tu m’expliques comment tu t’es ramassé à Los Angeles.
grandson : Quand j’habitais encore à Montréal, je faisais des vidéos et je les mettais sur YouTube. Un jour, un blogue local a publié une de mes vidéos, et un A&R [division d'un label discographique responsable de la découverte de nouveaux artistes] d’un label m’a envoyé un message. Il m’a dit qu’ils aimaient ce que je fais et qu’ils voulaient que je vienne passer une semaine à Los Angeles pour discuter. Au final, ils voulaient que j’écrive des chansons pour d’autres artistes.

J’ai vraiment aimé la vibe là-bas; j’ai adoré passer du temps à collaborer avec d’autres gens en studio. Une semaine s’est transformée en deux, et je n’ai jamais vraiment quitté.

Comment en es-tu venu à faire ta propre musique, après avoir été engagé pour écrire pour les autres?
Je continuais à travailler sur mes trucs, mais j’ai l'impression que je me suis heurté à tous les problèmes qu’on peut avoir dans le monde de la musique. Je n’arrivais pas à obtenir les droits sur certains samples, je me suis retrouvé dans des batailles juridiques.

Je suis donc allé voir mon label et je leur ai demandé de me donner un peu d’espace pour faire les choses à ma façon. Pendant sept mois, je me suis enfermé et j’ai fait tout ce que je voulais. Dans ma tête, je me disais : « De toute manière, il ne reste presque plus d’argent, et je vais retourner vivre dans le sous-sol de mes parents à Toronto, donc autant faire ce que je veux. »

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Après, mon label m’a laissé tomber, et j’ai dû vite apprendre comment réussir à Los Angeles en tant qu’artiste indépendant. C’est à ce moment-là que j’ai compris que, dans le monde de la musique, on peut tout faire comme il faut et quand même échouer. Je faisais ce que mon label voulait, mais j’avais perdu de vue le message que je voulais transmettre, ma vulnérabilité et mon authenticité.

Qu’as-tu fait de différent pour que ça fonctionne cette fois-ci?
Avant, je voulais être avec les cool kids. Je voulais que mes fans s’habillent d’une certaine manière, écoute un certain type de musique. Mais avec grandson, j’ai connecté avec tellement de gens différents. Je me suis rendu compte que tant que les gens étaient passionnés, tout ce qui compte est de cultiver une relation avec eux. Quand j’ai arrêté d’essayer de contrôler mon message, des portes se sont ouvertes et j’ai découvert une tonne de gens très différents de moi qui étaient tout aussi motivés à répandre mon message.

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D’un point de vue créatif, je me suis rendu compte que tu dois soit être le meilleur à ce que tu fais, ou être le seul à la faire. Dans tous les projets que j’avais auparavant, j’ai eu l’impression d’être un personnage, que ce soit le dude blanc universitaire qui fait du rap, ou un genre de Kurt Cobain. J’ai donc pensé à tout ce que j’avais appris dans le rock, dans le hip-hop et dans la musique électronique, et, de manière intrinsèque, je n’ai plus ressenti le besoin de choisir entre les styles; je pouvais simplement être moi-même et tous les combiner.

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Tu as beaucoup gagné en notoriété dans les derniers mois, surtout depuis la parution de ta chanson Thoughts and Prayers, en réponse aux fusillades dans les écoles secondaires américaines. As-tu eu peur d’avoir l’air du Canadien moralisateur qui dit aux Américains quoi faire?
J’ai la double-citoyenneté, vu que je suis né au New Jersey, mais c’est certain qu’ayant grandi à Toronto, certaines personnes voudraient pouvoir limiter mon droit de dire ce que je veux dans ma musique. Mais je n’empêche personne de dire ce qu’il veut à propos de ma musique ou mes opinions. En fait, je suis surpris d’à quel point les gens sont prêts à avoir ce genre de dialogue. On joue souvent dans des États républicains, et je suis toujours inquiet par rapport à la réaction du public, par exemple lorsqu’on a joué au Wisconsin devant 5000 personnes la semaine dernière. Mais je crois que la colère et la frustration dans ma musique sont assez universelles pour fédérer tout le monde.

Je suis juste content d’avoir assez de couilles pour faire passer mon message et donner mon opinion; ça m’a permis d’apprendre beaucoup et d’avoir des conversations que je n’aurais jamais eues autrement.

grandson sera en prestation au Cha Cha , à Sainte-Thérèse, dimanche, dans le cadre du festival Santa Teresa.

Billy Eff est sur internet ici et .