peur aiguilles
Photo : Adobe 
Santé

Avec ceux qui ne se font pas vacciner par peur des aiguilles

Ce n'est pas parce qu'on n'est pas vacciné qu'on est forcément antivax.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR

Aux Pays-Bas, où je vis, la majorité des gens veulent se faire vacciner : environ 90 % d'entre eux, selon les chiffres de l'Institut national néerlandais pour la santé publique et l'environnement. Les quelques réfractaires sont généralement assimilés à des complotistes antivax qui accusent Bill Gates de rendre la population stérile, ou quelque chose comme ça. Mais au sein de ce groupe, il y a aussi des personnes qui ne veulent pas se faire vacciner pour des raisons religieuses ou qui sont aux prises avec d'autres peurs moins farfelues – comme la trypanophobie, ou la peur des aiguilles.

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La phobie des aiguilles peut englober à la fois la peur de l'aiguille elle-même et celle des procédures médicales impliquant des injections. Cela peut sembler anodin, mais la trypanophobie peut se manifester de manière très concrète et parfois difficile pour les personnes qui en souffrent. Sueurs froides, palpitations cardiaques, évanouissements – aucun de ces symptômes ne facilite la tâche d'une personne déjà effrayée par l'épreuve de la piqûre.

Timo*, 29 ans, fait partie de ces personnes. Pour l'instant, il est hors de question pour lui de se faire vacciner. « Ce n'est pas nécessairement la douleur de l'injection, mais l'idée de l'aiguille qui pénètre dans votre corps. Ça ne paraît tout simplement pas naturel, dit-il. Au moment même où nous en parlons, je sens déjà mes jambes commencer à trembler. »

La peur des aiguilles est irrationnelle, et ce n’est pas avec des phrases comme « Ce sera rapide » ou « Ce n'est qu'une petite piqûre » qu'elle va se dissiper. Selon une méta-analyse de 2019 portant sur 119 études, cette phobie est particulièrement fréquente chez les enfants et tend à diminuer avec l'âge. Entre 20 et 50 % des enfants auraient une certaine peur des aiguilles, ce chiffre diminuant à 20 ou 30 % chez les jeunes adultes.

« Certaines personnes se traînent à contrecœur dans un centre de vaccination et ne peuvent pas aller jusqu'au bout, explique la neuroscientifique Elisabeth Huis in 't Veld de l'université de Tilbourg La brève période d'attente avant de se faire vacciner peut être désastreuse : votre anxiété et votre niveau de stress montent en flèche, et lorsque vous vous en rendez compte, il est généralement déjà trop tard. » Huis in 't Veld pense que la phobie devient moins répandue avec l'âge parce que les gens la surmontent ou trouvent simplement des techniques qui leur permettent de mieux y faire face. Ou peut-être qu’ils ne l’admettent pas aussi ouvertement que les enfants.

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Mais chez certains patients, la peur s'intensifie avec l'âge. Ce phénomène se produit souvent lorsque la personne a hérité de la phobie d'un parent ou lorsqu'elle souffre d'un large éventail de phobies, les aiguilles n'en étant qu'une parmi d'autres. Cela peut aussi être le résultat d'expériences négatives réelles avec les injections. « Votre corps apprend alors que les piqûres ne sont pas agréables, ce qui vous fait penser que les choses seront encore pires la prochaine fois », explique Huis in 't Veld.

Enfant, Timo n'aimait pas particulièrement les aiguilles, mais sa phobie s'est aggravée lorsqu'il s'est retrouvé aux urgences à l'âge de 16 ans pour se faire recoudre une plaie. Malgré l'anesthésie, il a ressenti la sensation de l'aiguille pénétrant dans sa peau. Ce moment l'a fait paniquer et a alimenté des angoisses plus fortes qui l'affectent encore aujourd'hui.

La patineuse artistique Jorieke van Wiggen, 26 ans, a toujours eu peur des aiguilles. À l'âge de 20 ans, elle a passé deux semaines à l'hôpital au Vietnam pour une mononucléose. Elle avait expliqué au personnel hospitalier qu'elle risquait de réagir un peu violemment à la perfusion. Quatre infirmières ont fini par devoir la maintenir au sol pour insérer l'aiguille. « J’ai fait des cauchemars impliquant des aiguilles toute ma vie, et j'ai toujours eu peur d'être très malade un jour », dit-elle.

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Mais van Wiggen a trouvé le courage de se faire vacciner et a partagé son expérience sur Instagram pour sensibiliser les gens à sa phobie. « C’est tellement bizarre, un moment vous vous sentez bien, le suivant vous êtes au bord de la crise nerveuse », dit-elle.

Dans l'ensemble, van Wiggen a trouvé le vaccin moins effrayant qu'une prise de sang. « Les tests sanguins se font généralement dans l'avant-bras, là où la peau est très fine, tandis que les vaccins sont généralement injectés dans les muscles, à des endroits où l'on ne peut pas très bien les voir », explique-t-elle. Surtout, elle estimait devoir le faire, tout simplement. « Je ne veux pas avoir à dire à mes petits-enfants que leur grand-mère a refusé de se faire vacciner en 2021. »

Van Wiggen a partagé son témoignage sur les réseaux sociaux et a reçu beaucoup de messages, ce qui lui a permis de se sentir moins seule. Huis in 't Veld confirme que de nombreuses personnes ont du mal à avouer leur phobie de peur que les autres y voient une excuse pour ne pas se faire vacciner.

Cette insensibilité, couplée au flot d'images de seringues et d'aiguilles dans l'actualité, peut vraiment être un déclencheur pour les personnes souffrant de cette phobie. « À un moment donné, j'ai essayé de voir ça comme une sorte de thérapie d'exposition, dit Timo. Mais je veux juste que ces images disparaissent. »

Les scientifiques travaillent actuellement d'arrache-pied pour inventer des options de vaccins qui ne nécessitent pas d'injections. Beaucoup de projets – dont des comprimés, des aérosols et des gouttes administrées par voie orale – sont en cours de développement, mais on ne sait pas encore quand ils seront prêts. Certains projets ont déjà été abandonnés car les tests initiaux ont montré qu'ils génèrent une réponse immunitaire plus faible chez les receveurs. Mais si les résultats s'avèrent concluants, cela permettra de distribuer le vaccin dans des endroits non réfrigérés, puisqu'ils pourront être administrés à température ambiante.

Entre-temps, prenez quelques mesures si vous voulez vous faire vacciner le plus rapidement possible, mais que vous avez peur des aiguilles. Si vous avez le temps, vous devriez envisager de discuter de ces peurs en thérapie. Mais si vous êtes pressé, Huis in 't Veld dit qu'il est préférable de faire quelque chose de relaxant avant votre rendez-vous. Elle a mis au point une application à laquelle vous pouvez jouer avant de vous faire vacciner. Elle recommande également les patchs emla, qui contiennent des anesthésiques qui engourdissent la peau localement. Indiquez clairement au personnel du centre de vaccination que vous avez peur des aiguilles. Le fait de vous allonger et de discuter pendant quelques minutes peut rendre l'expérience plus facile.

*Le nom a été modifié.

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