Culture

10 questions que vous avez toujours voulu poser à un fan de film de requin

« OK, il y a des motifs récurrents – faut-il ou non fermer la plage – mais c’est un genre cinématographique qui ne s’essouffle pas »
Alexis Ferenczi
Paris, FR
Film requin
Image tirée de Deep Blue Sea © Village Roadshow Pictures

Fabien Delage a décidé de consacrer une grande partie de sa vie aux squales. Mais plutôt que de plonger au fond de l’océan pour les filmer en train de copuler ou de s’attaquer à des bancs d’églefins, il a créé un festival de films de requins. Le Paris Shark Fest avait lieu du 17 au 19 septembre dernier au Club de l’Etoile et réunissait la crème de ce que le cinéma et la télévision peuvent offrir en matière d’ailerons. On lui a donc posé quelques questions sur sa passion, la Sharksploitation et s’il préférait un requin en image de synthèse ou une bonne vieille marionnette.

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VICE : Salut Fabien ! Comment devient-on fan de film de requin ?
Fabien Delage :
En regardant Les Dents de la mer. C’est un passage obligatoire, une sorte de baptême pour tous les fans. C’est le film qui nous lance dans le grand bain. Pour aimer la Sharksploitation, [ndlr : sous-genre qui concerne uniquement les films de requins] je dirais même qu’on est obligé de l’avoir regardé au moins dix fois (rires). C’est la base.

Tu te rappelles la première fois que tu l’as vu ?
Bien sûr. J’avais 8 ans et j’étais chez ma nourrice. J’adorais déjà les requins mais je n’avais jamais maté de film d’horreur. Je jouais devant la télé avec mes petites voitures et ma nounou le regardait avec son mari. Je n’en ai aperçu que des bribes mais certaines scènes m’ont assez travaillé pour que je n’arrête pas d’y repenser ensuite. J’étais à la fois terrifié – comme j’imagine tous ceux qui regardent Jaws pour la première fois – et fasciné. Je l’ai revu ensuite en VHS. Je ne pense pas qu’on devienne fan de requins sur le coup, on en fait plutôt des cauchemars, mais c’est une expérience marquante. 

Qu’est-ce qui fait que le requin est aussi cinégénique ?
Le requin cristallise notre peur de l’inconnu et des profondeurs. L’océan est un monde qui n’appartient pas à l’homme. C’est un environnement en apparence hostile ; on ne voit pas le fond, on n’a pas pied et on se met rapidement à penser aux créatures qui pourraient apparaître tout d’un coup pour nous happer. Steven Spielberg a capitalisé sur ces craintes-là et il a fait d’un monstre marin, un monstre de cinéma. Le requin mélange plusieurs peurs qui se concrétisent à l’écran ; celle de la noyade, de l’infini ou d’être perdu en pleine mer. C’est un symbole de tout ça. 

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Comment se construit la filmographie d’un fan de requins ?
Au début des années 1990, les seuls films disponibles sont ceux de la Sharksploitation italienne et ils ne sont pas très accessibles pour le commun des mortels. Je me suis donc tourné vers les suites de Jaws, plus populaires. Jaws 2 est d’ailleurs une des meilleures sequels. Universal a fait son beurre dessus, le film n’a coûté que 30 millions de dollars et a rapporté dix fois son budget. Puis j’enchaîne avec les plus « cheesy » Jaws 3-D et Jaws : The Revenge. Ça devient très personnel mais ça me plaît. Je les vois comme un pur divertissement alors qu’ils ont ouvert la voie à beaucoup d’autres films.

Où placerais-tu le film de requin au sein du cinéma dit bis ?
C’est un genre que je mettrais tout en haut. Dans les Dracula, Frankenstein et autres monstres que le cinéma d’horreur nous a donnés, le requin est ma créature préférée. Je préfère d’ailleurs les films de requin aux slashers que je trouve assez répétitifs. OK, il y a des motifs récurrents – faut-il ou non fermer la plage – mais c’est un genre qui se distingue chaque année et qui ne s’essouffle pas. Peur Bleue (1999) lui a redonné des couleurs. Le film est un véritable tremplin vers la Sharksploitation que l’on connaît aujourd’hui et le premier qui mélange requins en CGI [images de synthèse] et requins en practical effects [effets spéciaux mécaniques]. Avec Sharknado ou Sharktopus, les spectateurs assimilent shark thriller et plaisir. On pose son cerveau, on prend une bière, un paquet de pop-corn ou une pizza et on regarde ces films pour se marrer. 

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À l’écran justement, tu es plutôt image de synthèse ou maquette ?
J’aime les deux. Dans Ghost Shark, un gros nanar, il y a des images de requins fantomatiques sur fond vert et des effets mécaniques, comme s’ils avaient récupéré une réplique de Bruce [le petit nom donné à la maquette utilisée dans les Dents de la mer]. J’aime bien ce genre de films. Récemment, j’ai trouvé que The Shallows faisait un très bon boulot même si le requin n’est pas très réaliste parce qu’il traque sa proie comme un maniaque. Techniquement, c’est un des plus beaux jamais faits en CGI. Il est super bien animé et le film, qui repose sur un concept assez simple mais efficace, remplit le cahier des charges. J’aime aussi ceux de 47 Meters Down avec une attaque particulièrement flippante et sa suite 47 Meters Down : Uncaged. Franchement, il y en a pour tous les goûts.

Tu as créé le Paris Shark Fest, premier festival français entièrement dédié au film de requin et tu as décidé de mélanger du documentaire et de la fiction. Pourquoi ?
C’est un choix naturel. Je ne voulais pas faire un festival qui n’aurait programmé que des nanars car je trouve que ce n’était pas faire honneur aux requins. Les documentaires en compétition traitent de sujets importants ; ils dénoncent notamment les massacres commis par certains gouvernements et tentent de répondre à cette question : comment préserver une espèce animale menacée par l’activité de l’homme ? J’ai déjà plongé avec des requins et je milite à ma manière. Les films de Sharksploitation, que l’on saupoudre en fin de journée, sont un tremplin vers les docus et une manière d’inviter les spectateurs à s’informer et à mieux comprendre les requins pour mieux les protéger.

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Est-ce que tu sens une prise de conscience du public à ce sujet ?
Je pense qu’il y a des gens qui s’ouvrent au message que tentent de faire passer Sea Sheperd ou Sharks Mission France, que l’on accueille aussi sur le festival. Ils se rendent compte que le requin n’est pas aussi dangereux qu’on peut le croire – on meurt plus de piqures d’abeille ou de moustiques. Et si par le truchement du hasard, on se retrouve face à un grand requin blanc, il suffit de connaître les bons gestes et de ne pas céder à la panique pour s’en sortir sans trop de souci. Le but avec ce festival, c’est de démystifier le requin et de sensibiliser les spectateurs.

Est-ce qu’après avoir tout vu, tu vas réaliser ton propre film de requin ?
J’ai tourné le pilote d’une série inspirée de l’univers de The Meg. C’est une commande de Steve Alten, l’auteur du roman original qui a donné le film du même nom avec Jason Statham [The Meg ou En eaux troubles] et un Mégalodon. Malheureusement, on manque de financement pour la post-production et comme on a tourné sur pas mal de fond vert, la série est au point mort. Je pense qu’elle ne verra jamais le jour. C’est dommage parce que c’est une sorte de Jurassic Park dans la fosse des Mariannes où mecs décident de faire un parc sous-marin pour millionnaires avec plein de créatures différentes. Je voulais réaliser un film en France mais je me rends compte que c’est compliqué. Il y en a un de prévu, L’année du requin, avec Kad Merad et Marina Foïs par les réalisateurs de Teddy produit par The Jokers. Mais c’est une comédie et moi, je préférerais faire un truc sérieux avec des requins et de la tension. 

Un film que tu conseillerais aux lecteurs de VICE ?
Envoy : Shark Cull, sans hésiter. C’est un documentaire qui parle du programme australien de contrôle des requins et dénonce un massacre. L’objectif du gouvernement était de bloquer les requins le long des côtes pour les éloigner des nageurs mais le résultat c’est un abattage en règle de l’espèce. Tous les acteurs importants de la protection des requins sont présents comme Ocean Ramsey ou Madison Stewart, et il y a de très belles images de grands requins blancs. Il devrait même sortir en salles en France avant la fin de l’année.

Merci Fabien pour tes réponses.

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