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Comment l'homme atteindra l'espace interstellaire

Voyager 1 et 2 ont entamé leur périple vers les étoiles depuis plusieurs décennies. Quand leur emboîterons-nous le pas ?

À la fin de l'été 1977, deux sondes jumelles ont dit adieu à la Terre avant de s'embarquer pour un voyage qui les emmènerait au-delà du système solaire. Elles nous ont souvent écrit, envoyé des cartes postales magnifiques, comme les émissaires toutes dévouées qu'elles étaient. Sur leur flanc, un disque doré sur lequel était enregistré un échantillon des visions et des sons du monde qu'elles avaient laissé derrière eux. Leur mission sacrée était de représenter la Terre auprès de toute forme de vie qu'elles pourraient rencontrer au cours de leur voyage, et surtout, de permettre à l'humanité de découvrir de nouveaux objets et phénomènes spatiaux.

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Aujourd'hui, 40 ans après leur lancement, Voyager 1 et 2 se trouvent plus loin de la Terre qu'aucun objet construit par l'homme avant elles. En exploitant un alignement orbital mûrement réfléchi, elles sont passées à proximité des quatre géantes gazeuses que comprend notre système solaire - Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune - afin de lever le voile de mystère qui obscurcissait la surface de ces mondes inconnus.

En août 2012, la sonde Voyager 1 est entrée dans l'espace interstellaire. Elle a été le premier objet fabriqué par l'homme à réaliser cette prouesse. Voyager 2 devrait faire de même au cours des prochaines années, rejoignant ainsi le club des coureurs du Marathon des 20 milliards de kilomètres. Toutes deux s'approchent de leur fin de vie opérationnelle, puisqu'elles devraient éteindre les feux dans les années 2020. Après cela, elles flotteront entre notre système solaire et l'étoile la plus proche, à moins qu'elles ne rencontrent quelque chose - ou quelqu'un - capable de les arrêter.

Le trajet des sondes Voyager. Image : NASA

En tant que première mission à atteindre - littéralement - les étoiles, les deux engins spatiaux resteront les pionniers du voyage interstellaire, quels que soient les succès des missions à venir. On pense notamment à la mission très médiatisée Breakthrough Starshot, annoncée en 2016 par le physicien Stephen Hawking et le milliardaire Yuri Milner.

Hawking et Milner ont l'intention de bombarder par faisceau laser une flotte de nanovaisseaux spatiaux baptisés "StarChip" - de minuscules puces d'ordinateur auxquelles auront été attachées des voiles photosensibles - afin de propulser ces dernières jusqu'au système stellaire Alpha Centauri. Si la description de Starshot est délicieusement futuriste, elle ne pourra pas transporter d'humains. Tandis que le Soleil relâche lentement son emprise gravitationnelle sur les sondes Voyager, une question se pose : quand les humains pourront-ils suivre le chemin des deux engins spatiaux, vers les étoiles et au-delà ?

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Hélas, la réponse est peut-être : jamais. Malgré tout, il n'y a aucun mal à imaginer les incursions potentielles de l'espèce humaine dans l'espace interstellaire par des moyens habiles. Ça tombe bien, c'est le passe-temps préféré des chercheurs, des chercheurs et des scénaristes. Nous pourrions par exemple exploiter un trou de ver, comme dans le film Interstellar (ou dans Rick et Morty). Le trou de ver est l'un des tropes favoris des auteurs de science-fiction, car il fonctionne comme une sorte de deus ex machina permettant de réduire les temps et les distances sur demande au sein de l'univers de fiction.

Chacune de ces options représente un défi majeur en terme d'ingénierie, qui ne risque pas d'être résolu au cours du 21ème siècle.

Au lieu de s'échiner à trouver un moyen de transporter nos délicates carcasses à des distances colossales qui se mesurent en années-lumière, utiliser des trous de ver - ces sortes de tunnels spéculatifs dans l'espace-temps qui relieraient deux points distants - permettrait de prendre un raccourci cosmique entre les systèmes stellaires.

L'idée de voyages plus rapides que la lumière, comme on en voit dans Battlestar Galactica par exemple, est elle aussi une astuce très pratique pour les scénaristes de SF. Mais on ne sait pas si ces voyages sont seulement possibles, et encore moins s'ils pourraient être réalisés par l'homme par l'intermédiaire d'un véhicule spatial d'un nouveau genre. En d'autres mots, il se pourrait bien que nous soyons coincés sur de bons vieux trajets linéaires pour un bon bout de temps, sans possibilité de prendre l'espace-temps à son propre jeu. Mais en acceptant cette contrainte, il reste néanmoins des tas de solutions techniques qui pourraient, en théorie du moins, nous permettre de nous déplacer dans l'espace interstellaire sur de grandes distances, kilomètre par kilomètre.

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Nous pourrions, par exemple, utiliser des "vaisseaux-sommeil" embarquant un équipage figé dans un état de stase, ce qui réduirait la consommation énergétique du vaisseau et permettrait aux voyageurs de survivre dans l'espace pendant des dizaines d'années sans s'ennuyer une seconde. À l'inverse, les "vaisseaux-villes" seraient quant à eux conçu pour abriter et nourrir des colonies humaines pendant des siècles et des siècles. Les humains naîtraient, se reproduiraient et mourraient alors sur le vaisseau, le temps que celui-ci atteigne un nouveau système stellaire où l'humanité pourrait poser ses bagages. Les esprits les plus inventifs ont également pensé aux "vaisseaux-couveuses", des véhicules remplis d'embryons humains qui seraient livrés comme des colis Amazon dans un nouveau système stellaire, avant de se développer sous la surveillance de robots-nourrices.

Chacune de ces options représente un défi majeur en terme d'ingénierie, qui ne risque pas d'être résolu au cours du 21ème siècle. Néanmoins, il est fort possible que l'humain devienne un jour une espèce post-solaire.

Le philosophie Frank White, auteur de The Overview Effect: Space Exploration and Human Evolution, utilise le terme de Homo spaciens pour désigner la bifurcation évolutive de notre espèce, si elle devait un jour vivre dans l'espace ou sur une autre planète. Le roman The Expanse et la série éponyme illustrent bien ce problème, en mettant en scène des humains si habitués à vivre à proximité de puissants puits de gravité qu'ils ne peuvent pas retourner sur Terre sans subir une sorte de "torture gravitationnelle" : ils ne sont plus adaptés à l'environnement physique de la planète mère.

Le terme Homo spaciens sous-entend que les changements évolutifs liés aux voyages interstellaires seraient inévitables. Si l'humain s'embarque un jour dans une migration de longue durée dans l'espace, il ne sera plus tout à fait "humain" à l'arrivée : outre la dérive génétique qui se produirait nécessairement à ces échelles de temps, les valeurs culturelles d'une civilisation spatiale risquent de différer sérieusement des nôtres.

Le disque Voyager golden record. Image : NASA

Doués d'une vision extraordinaire, les créateurs des sondes Voyager ont anticipé le besoin de préserver la culture humaine pré-interstellaire il y a 40 ans, par l'intermédiaire de deux engins spatiaux portant deux copies identiques du Golden Record, des phonographes embarquant 115 images au format analogique, des formules de bienvenue dans différentes langues, et 90 minutes de paysages sonores.

Le programme Voyager aura constitué une expédition d'exploration exceptionnelle qui aura non seulement contribué à décrire l'environnement de l'humanité dans l'univers, mais à définir explicitement qui nous sommes, en tant que Terriens. Même après que les Voyager auront laissé derrière elle un silence radio éloquent, l'espoir que les Golden Records soient un jour trouvés par une intelligence extraterrestre ne s'évanouira pas. Peut-être même que Homo spaciens en personne mettra la main sur les souvenirs de la petite planète bleue en orbite autour d'une étoile naine jaune moyenne, longtemps après l'avoir oubliée.