loup photo
Toutes les photos sont de Marielle van Uitert.
Environnement

Photographier le loup, à la vie, à la mort

Depuis qu’elle a appris leur retour dans nos contrées européennes, Marielle van Uitert braque son objectif sur ces redoutables canidés.

Fin 2019, après une absence de 140 ans due à la chasse, on a appris que les loups avaient fait leur grand retour aux Pays-Bas et dans d’autres pays d’Europe, s’introduisant via l’Allemagne. En France, devant la multiplication des attaques de troupeau et l’exaspération des éleveurs, l'État a autorisé en septembre dernier le prélèvement de 174 spécimens de loups - une espèce protégée - en 2022.

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Malheureusement, ces bêtes déjà pas trop gâtées dans l’imaginaire collectif se sont retrouvées en proie à une nouvelle menace humaine : les automobilistes. Rien que cette année, quatre loups ont été retrouvés morts aux Pays-Bas après avoir été percutés par des véhicules.

Les loups tués dans la circulation sont emmenés au Dutch Wildlife Health Centre (DWHC) situé dans la ville d’Utrecht, où ils sont soumis à une autopsie et à des analyses vétérinaires. Les cadavres sont ensuite divisés en plusieurs parties, dont certaines sont réservées à des études scientifiques ultérieures.

La photo-journaliste néerlandaise Marielle van Uitert a passé treize années à photographier des conflits dans le monde entier — de la Syrie au Rwanda en passant par l’Afghanistan — avant d’abandonner la guerre au profit des loups.

Son dernier projet, De wolf recycled [« Le loup recyclé » en français], est une étude photographique des loups dans leur habitat naturel aux Pays-Bas et dans le reste du monde, ainsi que dans la salle d’examen post-mortem et le studio de taxidermie. On a discuté avec Marielle afin de savoir ce qu’elle trouvait de si passionnant chez une créature qui peuple encore les cauchemars de beaucoup d’entre nous.

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Le loup européen, vivant et en bonne santé.

VICE : Pour quelles raisons as-tu pris la décision de photographier des loups ?
Marielle van Uitert :
J’avais l’impression que ma chance était en train de tourner, et qu’il était temps d’arrêter de photographier les conflits. J’étais en plein reportage sur la guerre des drogues au Mexique lorsque je me suis retrouvée à la une des journaux — et c’est bien la dernière chose que vous voulez qu’il vous arrive là-bas. Je me suis cachée dans une chambre d’hôtel pendant trois jours, commençant à me demander ce que je devais faire de ma vie.

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De retour aux Pays-Bas en 2018, j’ai passé un an à promener des chiens pour me vider la tête. J’ai été fascinée par ces bêtes, surtout les plus grandes races, celles que les gens considèrent automatiquement comme effrayantes. Gagner leur confiance me procurait un sentiment merveilleux. Évoluer dans ce milieu de chiens m’a peu à peu conduit vers les loups. On m’avait dit qu’avec l’aide de gardes forestiers locaux, j’avais de bonnes chances d’en apercevoir à la frontière entre l’Allemagne et la République tchèque, ce que j’ai fait.

Mais maintenant que j’y pense, j’ai vu mon premier loup dans le parc naturel de Yosemite, aux États-Unis. Il a soudainement surgi des montagnes et a traversé la route juste devant mon camping-car.

Et qu’est-ce qui t’a poussé à t’intéresser à eux aussi longtemps ?
Il y a beaucoup à apprendre sur les loups. C’est ça qui est beau avec eux, toute cette diversité. Je peux voyager dans le monde entier et parler à des personnes qui s’intéressent à ces animaux. En Éthiopie par exemple, j’ai été escortée dans les montagnes par un groupe de biologistes britanniques. Il ne reste environ que 450 loups éthiopiens, une espèce au bord de l’extinction à cause de la rage, entre autres.

Comment te prépares-tu avant de partir en shoot ?
Je commence par faire de nombreuses recherches sur le type de loup que je veux photographier. Cela signifie que je dois entrer en contact avec les bonnes personnes, comme les forestiers, les biologistes et les propriétaires des terres. Une fois que c’est fait, il faut planifier et placer les caméras-pièges. Puis parfois s’armer de patience et rester assise dans une cachette pendant des jours.

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Tu as également photographié des loups qui ont été renversés par des voitures. Qu’as-tu appris en voyant ces cadavres ?
Même lorsqu’ils sont allongés sans vie sur une table d’autopsie, les loups restent des créatures impressionnantes. Ils ont ce crâne massif, ces pattes avec des touffes de poils entre chaque doigt — la raison pour laquelle on ne les entend pas s’approcher. En ce sens, les loups sont comme des fantômes. J’ai parfois passé des semaines entières dans la forêt sans en croiser un seul.

Ce sont des animaux incroyablement forts, si forts qu’ils pourraient survivre avec trois pattes si besoin. La meute est également très importante pour eux, c’est un endroit où ils prennent soin les uns des autres. À mes yeux, c’est magnifique. Plus on passe de temps avec eux, plus ils forcent le respect.

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HUGH JANSMAN, ÉCOLOGISTE DE LA FAUNE SAUVAGE DE WAGENINGEN ENVIRONMENTAL RESEARCH, EXAMINE L’OREILLE D’UN LOUP PERCUTÉ PAR UNE VOITURE.

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APRÈS QUELQUES RADIOS, LE LOUP MORT EST TRANSPORTÉ AU DWHC (DUTCH WILDLIFE HEALTH CENTRE).

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HUGH JANSMAN PENDANT L’AUTOPSIE D’UN LOUP MORT AU DWHC. LE LOUP EST OUVERT POUR PRÉPARER L’AUTOPSIE.

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L’AUTOPSIE EST PRESQUE TERMINÉE. LE CRÂNE DOIT ENCORE ÊTRE NETTOYÉ.

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LE TAXIDERMISTE BAS PERDIJK INSPECTE L’ÉTAT DU PELAGE DU LOUP AU CENTRE DE BIODIVERSITÉ NATURALIS.

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PERDIJK SÈCHE LE PELAGE DU LOUP AU CENTRE DE BIODIVERSITÉ DE NATURALIS.

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PERDIJK CRÉE UNE EMPREINTE DE LA PATTE DU LOUP DANS SON ATELIER.

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LE LOUP EMPAILLÉ ET EXPOSÉ AU CENTRE DE BIODIVERSITÉ DE NATURALIS.

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