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Musique

J’ai vu la comédie musicale de Pokémon

Je plantais devant l’Asylum Theatre, sur le boulevard Santa Monica, un samedi vers 23h59, alors que la fatigue semblait suinter de mes pores comme de la mélasse. Je me suis pointée à ce rendez-vous malgré la fatigue et en pensant : « J’espère que cette...

Je plantais devant l’Asylum Theatre, sur le boulevard Santa Monica, un samedi vers 23h59, alors que la fatigue semblait suinter de mes pores comme de la mélasse. Je me suis pointée à ce rendez-vous malgré la fatigue et en pensant : « J’espère que cette comédie musicale va être bien pourrie. »

La première fois que j’ai entendu parler du Pokemusical, c’était sur le site Groupon, qui a d’ailleurs pas mal changé. Ça s’adressait aux consommateurs en quête de bons plans mais maintenant, on dirait que c’est réservé à des commerces qui battent de l’aile et à des spectacles condamnés à l’échec qui annoncent clairement la couleur et qui semblent crier : « On abandonne ! S’il vous plaît, lâchez-nous un peu de blé, on est prêts à accepter n’importe quelle somme ! » Ça reste un bon moyen d’avoir des réductions, mais c’est surtout utile pour découvrir des projets bizarros qui n’auraient jamais dû voir le jour.

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Je m’attendais bien entendu à des voix mal placées, des bribes de dialogues et des chorégraphies pourries. Je m’étais préparée à m’asseoir parmi des nerds en sueur bloqués sur leurs références. À ce que le public soit composé d’amis des comédiens, applaudissant poliment une performance banale. À me réfugier chez moi et à pourrir le spectacle en disant à tous les gens que je connaissais que c’était horrible. Ma soirée de samedi n’a pas tenu ses promesses.

Pendant qu’on cherchait nos places, la salle passait les bandes-son de jeux vidéo Nintendo en MIDI. J’ai galéré à me rappeler des passages du dessin animé mais la seule chose que j’ai trouvée dans ma base de données cérébrale, c’était le générique du début, qui défonçait. Attention, spoiler : il n’est pas passé en boucle pendant toute la soirée.

La comédie musicale, écrite par Alex Syiek et mise en scène par Joanne Syiek, parvient à merveille à vous faire prendre conscience de ce fait gênant : vous êtes sur le point de voir un spectacle inspiré par ces putains de Pokémon. Le rideau s’ouvre sur Sacha, le dresseur de Pokémon âgé d’une dizaine d’années, alors qu’il est violemment foutu dehors par sa mère hypersexualisée (c’est le premier exemple de la licence créative que se sont octroyée les auteurs de la pièce). « Pokémon Days », le premier titre survitaminé, envahit la petite scène alors que tous les personnages surgissent de derrière les rideaux pour saluer Sacha, qui commence sa journée.

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J’ai serré la main de mon rencard et je lui ai présenté ma première série d’excuses : « Écoute, je suis désolée. Je me ferai pardonner, je te promets. » Un arc-en-ciel de personnages suivaient Sacha dans le début de ses aventures à Kanto et la seule chose que j'avais en tête, c’était les vannes que je pourrais faire sur la taille des yeux du premier rôle.

Il s’appelle José Montana McCoy et il dégageait assez d’énergie pour recharger quatre voitures hybride. Il me soulait un peu au début, mais j’ai commencé à m’attacher à ce bon vieux Grozyeux. Peut-être parce qu’il était vraiment à fond dans son personnage de dessin animé, qu’il incarnait avec ferveur. Peut-être aussi que José était ultra crédible en Sacha – il s'accrochait vraiment à ses espoirs de devenir un jour, pour de vrai « le meilleur dresseur de Pokémon ». Vers la fin du premier acte, j'étais déjà complètement dedans, prête à le suivre dans le terrier du lapin blanc avec l'optimisme solaire d'un million de Sailor Moons.

S'il y avait une leçon à retenir de cette honnête production, ce serait entraînement, entraînement, entraînement. J'ai repéré plusieurs passages qui devaient être foireux lors des premières représentations, mais qui s'étaient améliorés avec le temps. Par exemple, quand James, de la Team Rocket balance « c'est comme voler un bonbon à un bébé », et que Jessie ajoute « oui, comme voler un bonbon à un bébé mort », ça aurait pu mal se passer. Ça a sûrement été le cas pendant les premières représentations. Mais Jesse joue le jeu à fond et s'approprie la réplique. C’est la petite seconde de silence en plus, celle où on se demande ce qui se passe, qui fait toute la magie du truc. Ce qui est déconneur, c'est ce moment où le public réalise que ça fait un bail qu’aucun personnage n’a parlé. « Bordel… de… merde, Jessie », finit par lâcher James. Et bim ! L'une des plus grosses phases de rire de la soirée.

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Plus tard, Ondine (la partenaire platonique de Sasha, jouée par Heather Ensley) et Pierre (son compagnon farceur joué par Richie Ferris) se rendent compte que Sasha a peut-être « été trop loin » dans sa quête. Il pousse Pikachu à bout, ce qui lui provoque des callosités sur ses griffes en forme de saucisses après tant de Poké-bastons. Tout est dans les petits détails, et quiconque a décidé de faire monter Sasha sur scène comme s'il sortait juste du plateau de Trainspotting, a eu une idée brillante. Il se met à rouler des yeux de façon démoniaque lorsqu'il appelle ses Pokémon. « Vas-y ! Finis-le ! » crie-t-il à un Pikachu épuisé. Cela provoque cette forme de rire qui vous hante jusqu'au lendemain.

La clé de ce spectacle, c'est l'équilibre. On peut s'empêtrer sans problème dans ces blagues provoc' de temps en temps, comme cette réplique de Jessie sur le bébé mort, mais trop d'excès tue l'excès. Quand Sasha lâche un soupir exaspéré à chaque fois qu'il aperçoit son rival Régis (joué avec un sens de la nuance parfait par Tyler Ledon) sur son chemin, et qu'il s'écrit « Putain de Gary ! », le rythme est parfait. Une blague de plus dans le genre et la magie serait perdue.

Un des éléments encore à revoir, c'est quand Pikachu (Kelsey Schulte) se tourne vers le public et récite un monologue shakespearien récapitulant ses pensées. J'ai aimé cette idée, et je l'aurais trouvée amusante si elle faisait partie d'un show télé, mais le public ne mordait pas à l'hameçon. À mon avis, le changement était si abrupt que l'humour s'est perdu en chemin. Le bon côté, c'est que Kelsey a sûrement une super carrière devant elle dans un remake de La Mégère apprivoisée de la troupe Shakespeare in the Park. Il y a pire dans le monde.

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Les parodies théâtrales de la pop-culture comme The Pokémusical, Point Break:Live!, et Terminator Too: Judgment Play sont devenues incroyablement populaires, et des fois on a l'impression que c'est une simple excuse. Une partie de moi n'en veut pas aux gens de théâtre qui les ont montées, vu la galère que c'est de tenir un humain éloigné de son ordinateur pendant plus de 30 minutes.

The Pokémusicalc'était plus qu'une nouveauté, et plus qu'un appel à l'aide via Groupon. L'approche authentique de la pièce, ça c'était de la bombe. Chanter des chansons avec des voix travaillées (par opposition à la chanson de karaoké), sortir des blagues avec beaucoup d'aisance, et jouer avec une désinvolture sophistiquée qui ne résulte que d'un travail quotidien acharné n'est pas un exploit facile, et ces mecs ont trop géré.

J'ai apprécié le spectacle et je le recommande vivement, chose que je n'aurais jamais imaginée en entrant. C'est destiné à ceux qui sont chauds pour une soirée remplie d'un dynamisme difficile à trouver dans cette culture sarcastique et cynique à laquelle nous nous droguons. Ça me rappelle une leçon que j'ai apprise quand j'avais 13 ans en jouant dans une production de La Mélodie du bonheur : si tu y crois assez, tu peux tout faire. (Le public présent à ce show ne sait toujours pas que j'ai foiré mon entrée une demi-douzaine de fois.)

Je me suis éloignée de ce théâtre de Santa Monica qui ressemble à petite boîte noire non seulement traversée par la vibe positive et bouleversante qu'avait installé le show en moi, mais aussi avec le soulagement de savoir qu'il y avait de grandes chances pour que j'obtienne un deuxième rendez-vous. Et pour ça, Pokémusical, je te remercie.

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@juliaprescott

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