Santé

Pourquoi moins je sors, plus j'ai peur de sortir ?

Depuis le début du confinement, la simple idée de quitter mon appartement m’angoisse, alors j'ai demandé de l’aide à un expert.
Vincenzo Ligresti
Milan, IT
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
peur de sortir coronavirus
Illustration : Matteo Dang Minh

Au cours de cette épidémie de Covid-19, nous nous questionnons sur notre mode de vie, notre façon de nous relier à nous-mêmes, au monde qui nous entoure et aux autres. C'est pourquoi, nous invitons un expert à répondre à certaines de nous interrogations.

Question : Depuis que l'Italie a été placé en quarantaine, j'ai eu des sautes d'humeur constantes. A un certain moment, j'avais l'impression de tout déchirer et deux minutes plus tard, je me sentais complètement improductif. Le pire moment, c’était l'autre soir, quand j'ai fait ma deuxième crise de panique en moins d'un mois. Avant la pandémie de coronavirus, je n'en avais pas fait une seule en deux ans. J’étais en train d’écrire ma liste de courses quand l'idée de quitter mon appartement m’a mis sur les nerfs. Je craignais que le monde extérieur ait trop changé ou que les gens ne jugent mes achats inutiles. En fait, moins je sors, plus j'ai peur de sortir. J'ai honte, d’autant plus que je n'ai jamais eu de problème pour sortir avant la crise. Pourquoi cela m’arrive-t-il ?

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Réponse de Laura Guaglio, psychologue et psychothérapeute spécialisée dans les traumatismes et le stress causés par des événements. « Se sentir mal à l'aise dans un scénario qui jusque-là semblait normal peut nous faire sentir inadéquat, inadapté. On se demande alors :
« Pourquoi pouvais-je sortir avant, mais plus maintenant ? » La principale différence est que nous sommes soumis à un événement stressant qui, pour le meilleur ou pour le pire, change notre comportement et notre façon de voir les choses. C'est sans doute un changement temporaire, mais il nous faut l'accepter. »

Mis à part les personnes souffrant d'agoraphobie, d'anxiété sociale ou ayant des antécédents de troubles anxieux, la situation que nous vivons est si exceptionnelle que la peur de quitter la maison est en fait la réaction la plus commune. Et cela s'applique aussi aux personnes que nous pourrions qualifier de plus « équilibrées émotionnellement ». Actuellement, beaucoup de gens ressentent une détresse ou un stress négatif qui peut éventuellement mener à une dépression. Je ne parle pas du stress d'un examen qui disparaît à la fin de celui-ci, il s'agit d'un stress beaucoup moins défini et alimenté par l'incertitude entourant la situation et son dénouement.

Dans ce cas précis, plusieurs facteurs peuvent vous donner envie de rester chez vous. Peut-être que vous n’acceptez pas que votre vie quotidienne soit bouleversée. Et lorsque vous sortez, vous constatez que le monde tel que vous le connaissiez a changé. Vous voyez les rues désertes, les boutiques fermées, les gens masqués. Cette nouvelle réalité vous affecte.

Mais il y a un autre facteur beaucoup plus banal : sur le plan neurobiologique et physique, moins vous faites d'exercice, moins vous sortez de chez vous, moins vous avez envie de sortir. À cela s'ajoute la peur d'attraper la maladie. Vous vous dites : « OK, si je vais faire des courses, je vais devoir prendre les transports en commun, puis un panier de supermarché. Un panier que des gens auront touché. Et si j'entre accidentellement en contact avec une personne asymptomatique ? Et si je suis moi-même asymptomatique et que je mets d'autres personnes en danger ? » Ce raisonnement nous a tous traversés l’esprit dans une certaine mesure. Si ce n'est pas le cas, je vous suggère de le dire à voix haute. Il est toujours bon de parler de ce que l'on ressent.

En fin de compte, la honte, l'anxiété, les sautes d'humeur que vous ressentez – et même l'apathie et la dépression – sont des symptômes que nous sommes tous susceptibles de ressentir en ce moment. Et les vestiges peuvent continuer à se manifester après cela. Mais si ces symptômes n'ont pas disparu au bout de trois à six mois, je vous conseille de consulter un spécialiste. »

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