Santé

Avec les jeunes qui souffrent du « Covid long »

La vie après la maladie a été étonnamment difficile pour de nombreux jeunes habituellement en bonne santé.
Răzvan Filip
Bucharest, RO
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
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Photo : Yaroslav Olieinikov/Alamy Stock Photo 

Comme vous le diront tous ceux qui l'ont eu, le « Covid long » peut être pire que le Covid lui-même. Défini cliniquement comme un « syndrome post-Covid » s'il persiste pendant plus de trois mois après l'infection, les symptômes varient, allant d’une perte continue de l'odorat et du goût à des dommages aux nerfs et aux organes. Il peut également survenir chez des patients ayant contracté un cas bénin du virus.

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Bogdan Mincu, pneumologue à Cluj, en Roumanie, a pris en charge des dizaines de cas de coronavirus persistant au cours de l'année passée. « Les jeunes, en règle générale, ne sont pas habitués à ressentir des symptômes après une maladie bénigne et ont du mal à accepter la chose », dit-il. 

« J'ai 30 ans et je ne me suis jamais senti aussi mal de ma vie »

Lorsque Robert, 30 ans, a contracté le coronavirus en janvier 2020, il a d'abord perdu le goût et l'odorat. Puis sont venus les vomissements – tous les matins pendant neuf jours –, les crampes et la fièvre. Les très mauvais jours, il ne sortait du lit que pour aller aux toilettes, mais il avait besoin d'aide pour le faire. Il a aussi commencé à faire des insomnies, dormant au maximum trois heures par nuit. Le 21 janvier, un test négatif a confirmé que le virus avait quitté son corps, mais les insomnies ont persisté. Il a essayé de prendre des comprimés de mélatonine, mais sans succès. Son odorat et son goût ne sont pas revenus non plus. 

Selon Mincu, ces insomnies pourraient indiquer un trouble de stress post-traumatique (TSPT), identifié à la fois chez les survivants du coronavirus et chez le personnel médical pendant la pandémie.

« Avant d'être malade, je ne croyais pas vraiment au virus, avoue Robert. Je ne suivais pas toujours les règles et, la plupart du temps, je portais juste mon masque sur le menton, parce que je ne connaissais personne qui avait contracté la maladie. J'ai 30 ans et je ne me suis jamais senti aussi mal de ma vie. »

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« Mon esprit est resté dans le brouillard pendant un mois et demi »

En 2020, deux semaines après s'être remise du Covid, Alexandra, 26 ans, s'est retrouvée avec des maux de tête chroniques et débilitants. Il lui était devenu difficile de faire quoi que ce soit, et encore moins de travailler. Les maux de tête ont continué pendant environ un mois, et reviennent encore chaque fois qu'elle ne dort pas assez. 

« Je suis jeune, donc je suis choquée de me sentir si mal. Je n'avais jamais eu de migraines de ma vie. Là, j'étais tout le temps fatiguée pendant environ un mois. Au bout d'un moment, il est difficile de comprendre ce qui en est la cause. Est-ce un Covid long ? Un burn-out ? » se demande-t-elle.

Alexandra avait de plus en plus de mal à expliquer à son patron pourquoi elle n'avait pas retrouvé sa pleine capacité. Ses collègues évitaient le sujet, et elle ne savait pas comment leur faire comprendre qu'elle n'était pas encore au meilleur de sa forme.

« Je n'arrivais pas à me concentrer. Les tâches me semblaient irréalisables, même si elles étaient faciles et routinières, dit-elle. Après avoir récupéré, en dix minutes elles étaient pliées. Mais mon esprit est resté dans le brouillard pendant un mois et demi. »

Finalement, Alexandra a passé des tests pour voir si elle n'avait pas de problèmes neurologiques. Les scanners cérébraux n'ont rien montré, pas plus que les analyses sanguines ou les scanners des poumons. Les spécialistes ont conclu qu'elle avait juste besoin de se reposer. C'est ce qu'elle a fait, et elle se sent beaucoup mieux maintenant.

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« Je n'ai pas pu dormir pendant plusieurs nuits à cause de mes douleurs au foie »

Dragoș, 32 ans, a souffert d'un cas de Covid léger à modéré et n'a pas eu besoin d'aller à l'hôpital. Bien qu'infecté, il a même pu s'occuper de sa petite amie, qui a également contracté le virus. Tout semblait aller bien jusqu'à ce que le couple sorte de sa quarantaine et subisse une analyse de sang. Dragoș a découvert qu'il avait de graves problèmes de foie, avec des valeurs deux fois plus élevées que la moyenne, alors même qu'il ne fume pas, boit rarement et n'a pas d'antécédents de maladie du foie. Sa petite amie, en revanche, n'a pas eu de problèmes à signaler, malgré un épisode de coronavirus plus grave. 

Dragoș s'est malgré tout remis au travail. Il a commencé à se sentir de plus en plus fatigué, surtout après les repas. Il a passé d'autres analyses du foie, avec des résultats encore plus mauvais : ses valeurs étaient trois fois plus élevées que la moyenne. Inquiet, il a pris rendez-vous pour des radiographies, des échographies et des visites chez un spécialiste, qui lui a diagnostiqué une hépatite chronique. « Je n'ai pas pu dormir pendant plusieurs nuits à cause de mes douleurs au foie », dit-il, ajoutant qu’il a dû prendre un nouveau congé maladie.

Pourtant, le virus avait quitté son corps. Son médecin lui a dit que les effets indésirables pouvaient être liés à plusieurs choses, notamment l'antibiotique qui lui avait été prescrit pendant sa maladie. L'azithromycine est utilisée pour traiter les infections des poumons et des sinus, mais son efficacité dans le traitement du coronavirus a été remise en question par des études médicales récentes. Selon son médecin, cela pourrait également être lié à une autre infection non identifiée dans son corps, ou bien il pourrait simplement s'agir d'un effet secondaire pas encore confirmé du coronavirus.

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Le docteur Mincu confirme qu'il est difficile d'expliquer les dommages causés au foie ou à tout autre organe que les poumons par le coronavirus. « Ce n'est pas du tout courant pour les virus auxquels nous étions habitués. Le phénomène le plus similaire se produit probablement chez les patients qui ont survécu au virus Ebola. » 

« J'ai l'impression d'avoir pris 20 ans d’un seul coup »

Andreea, 41 ans, a déjà battu le Covid à deux reprises. La première fois, en mars 2020, elle a principalement souffert de symptômes respiratoires et gastro-intestinaux. Deux mois plus tard, ses cheveux ont commencé à tomber par paquets. En novembre, elle a contracté le virus pour la deuxième fois. Pendant les deux premières semaines qui ont suivi sa guérison, elle dit s’être sentie très bien. 

« Je me suis occupée de mes deux enfants, qui étaient également infectés, j'ai passé l'aspirateur, j'ai fait la cuisine », dit-elle. Elle a donc été surprise de découvrir, le 15e jour, qu'elle souffrait du vitiligo, une maladie chronique de l’épiderme, et de la thyroïdite de Hashimoto. « Je suis allée voir un neurologue à l'hôpital de Monza, à Bucarest. Il m'a dit que beaucoup de patients présentaient ces symptômes et que j'avais de la chance de ne pas être venue le voir en fauteuil roulant, comme cela avait été le cas pour d'autres. » 

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Les maladies d'Andreea sont des neuropathies, des maladies des nerfs périphériques qui provoquent une variété de symptômes, de la perte de cheveux à la perte de mémoire en passant par les sensations de brûlure. Il existe déjà des études qui étudient la corrélation entre le Covid-19 et les troubles associés au système nerveux, mais on ne sait pas encore s'ils sont une conséquence directe du virus ou s'ils sont liés à d'autres maladies chroniques ou auto-immunes chez les patients.

En janvier 2021, Andreea a cessé de perdre ses cheveux après avoir suivi le traitement recommandé par un neurologue, mais d'autres symptômes ont persisté. Les pertes de mémoire, les maux de tête, les crampes et les problèmes de vision rendent son quotidien difficile. « Je cache souvent les téléphones de mes enfants parce qu'ils passent trop de temps dessus, dit-elle. Mais ensuite, j'oublie où je les ai mis. J'ai l'impression d'avoir pris 20 ans d’un seul coup. »

« Avant mars, j’étais en pleine forme, alors que maintenant, je suis un légume »

En mars 2020, Ionuț, 38 ans, a contracté le Covid. En plus des symptômes classiques, comme la toux, les frissons et la perte de l'odorat et du goût, il a également eu des douleurs au dos qui ont persisté pendant près de six mois.

Ionuț explique qu'il a eu l'impression d'avoir été écrasé par une voiture. Fin avril, après avoir passé une batterie d’analyses médicales, on lui a diagnostiqué un problème cardiaque et on lui a dit qu'il devait se faire opérer. Selon les médecins, c'était un problème qu'il avait depuis sa naissance, mais Ionuț est sceptique : « Avant mars, j’étais en pleine forme, alors que maintenant, je suis un légume. »

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Ionuț a suivi les conseils des médecins et s'est fait opérer du cœur. Mais si ses maux de dos ont disparu, il a maintenant des maux de tête et des douleurs aux jambes, et sa vue s'est détériorée. Il a également eu des crises de panique, bien que les médicaments contre l'anxiété les aient rendues plus rares. 

Jusqu'à combien de temps peuvent durer les effets du Covid ? 

Mincu estime qu’au cours de l'année dernière, environ 30 % de ses patients ont souffert de problèmes persistants après leur guérison. Mais selon lui, il n’est pas réaliste de s'attendre à ce que les symptômes disparaissent immédiatement. 

Il cite le guide NICE du Royaume-Uni comme le manuel le plus « complet » en matière de traitement des effets secondaires persistants du coronavirus. Le guide recommande d'attendre quatre semaines à partir de la date de l'infection avant de consulter un médecin pour des symptômes persistants.

Mincu cite également les données britanniques recueillies par le NHS qui montrent que, 14 jours après l'apparition de la maladie, 50 % des personnes ont encore des symptômes. Ce pourcentage tombe à 4 % au bout de trois mois. « Je n'ai eu qu'un seul patient dont les symptômes ont persisté pendant plus de six mois, et même alors ils ont disparu après sept ou huit mois », dit-il. 

Mincu dit que des médecins de différentes spécialités collaboreraient à l'élaboration d'un guide officiel sur le Covid long. Le problème est que la plupart sont occupés à traiter les cas les plus urgents de la maladie. « Il faudra probablement encore quelques années avant que nous comprenions vraiment la maladie et ses conséquences », dit-il.

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