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Les Drokpas. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Aman Chotani.
Culture

Avec les dernières tribus aborigènes de l’Inde

Les Adivasis représentent 8,6 % de la population du pays et sont largement oubliés par les médias et la société.

En voyageant à travers l’Inde, le photographe Aman Chotani a découvert une région du pays largement mise à l’écart. Au beau milieu d’une urbanisation rapide et d’une occidentalisation galopante, il existe encore une quantité importante de tribus et de communautés tribales. Ces tribus, connues sous le nom d’Adivasis, ou « premiers habitants », conservent leurs traditions pluriséculaires et sont souvent ignorées par le gouvernement et la société. Après avoir compris cela, Chotani a cherché un moyen de préserver ces tribus.

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C’est ainsi qu’est né The Last Avatar, son projet photographique lancé en mars 2018. « Je veux que ce projet fasse office d’archive pour les générations futures, les chercheurs ou quiconque voudrait en savoir davantage sur ces tribus, explique Chotani. À notre grande consternation, nous constatons que leurs cultures tendent de plus en plus à disparaître et à tomber dans l’oubli. Ce serait une trop grosse perte. »

Initialement, Chotani avait l’intention de capturer les tribus à travers un album photo, mais il a développé sa vision à travers un projet digital qui comprend désormais un site et un compte Instagram. Il travaille de concert avec ses collaborateurs Vishal Bali et Stanzin Chokpel, qui font partie de l’équipe de production, pour produire les différentes composantes de l'initiative. Les auteures Roohani Sawhney et Vrinda Vaid participent également au projet en narrant les histoires des peuples autochtones.

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Une femme de la tribu Raika. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

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Un membre de la tribu Konyak. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

Si leur travail photographique est toujours en cours, ils organisent aussi des ateliers et des cours d'art pour les tribus dans leurs villages.

Après avoir effectué des recherches sur approximativement 645 communautés tribales en Inde, Chotani et son équipe ont fait une présélection de 25 tribus pour la phase initiale du projet. Pour l’instant, ils ont immortalisé 15 communautés à travers le pays, couvrant les régions du Gujarat, du Ladakh, de l’Odisha, du Rajasthan, du Nagaland, de l’Himachal Pradesh et de l’Arunachal Pradesh.

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Pour l’essentiel, l’ouverture de chaque tribu face à l’appareil photo dépendait du fait qu'elles aient été exposées ou non à la photographie auparavant. Chotani dit que son équipe et lui ont été bien accueillis dans la plupart des communautés autochtones qu’ils ont visitées, mais que certaines étaient un peu timides au début.

« Tout dépend du genre de rapport que vous instaurez avec eux, explique-t-il. Je crois personnellement qu’il est nécessaire de passer du temps avec eux avant de leur demander la permission de les photographier. Et en général, ils acceptent volontiers. »

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Une femme de la tribu Drokpa. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

Le photographe a trouvé l’expérience inspirante, en particulier dans la manière dont les tribus choisissent de mener leur vie. « Elles avaient beaucoup de connaissances à partager avec nous, dit Chotani. Chaque tribu était unique en elle-même. »

Ses photos capturent de façon frappante leur nature distincte : leurs musiques folkloriques, leurs danses, leurs artefacts. Il considère chacun de ces éléments comme « les divers dons de la culture » que les tribus ont à offrir.

Leur localisation géographique joue un rôle énorme dans la définition de leur mode de vie. Il y a les Konyaks du Nagaland, qui vivent dans une communauté étroitement soudée, dirigée par des chefs traditionnels. Il y a les Drokpas, qui vivent au Ladakh et ont pour habitude de rester isolés, interdisant les mariages en dehors de leur propre communauté. Puis il y a les Aghoris, un groupe d’ascètes hindous qui pratiquent des rituels post-mortem.

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Un chasseur de la tribu Konyak. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

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Un membre de la tribu Aghori. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

« Imaginez vivre dans un univers entre la vie et la mort – c’est ce que font les Aghoris, explique Chotani. Ils sont magiques. Ils mènent une vie extraordinaire. » Chotani a également travaillé avec les tribus Ahir, Apatani, Bhîl, Banjara, Gaddi, Raika et Kondha.

Les différentes esthétiques de chaque tribu sont au centre des photos de Chotani. Elles sont visibles dans les coiffures flamboyantes portées par les Drokpas, les turbans royaux enfilés par les tribus Rajasthani et les tatouages qui ornent les visages des Konyaks.

Dans un sens, les photos de Chotani font la lumière sur ces communautés qui sont souvent ignorées par la population indienne plus large.

Selon le dernier recensement national indien réalisé en 2011, les peuples autochtones et les « castes répertoriées » représentent 8,6 % de la population du pays, qui est d’environ 104 millions d’habitants. Il s'agit de la plus grande population autochtone de tous les pays du monde. Pourtant, les droits de ces tribus sont souvent un point litigieux dans la politique et la société indiennes. Amnesty International a longtemps milité pour les droits Adivasi, l’autonomisation de ces communautés et l'assurance de leur protection.

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Des filles de la tribu Ahir. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

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Des femmes de la tribu Banjara. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Aman Chotani.

« Une série de lois de protection n'ont pas empêché les communautés autochtones de l'Inde de se voir confisquer leurs terres, de voir leurs moyens de subsistance détruits et leurs droits bafoués à la suite d'activités commerciales », peut-on lire sur le site d’Amnesty.

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Le projet digital agit également comme une capsule temporelle pour ces communautés à l’évolution rapide. Durant ses voyages, Chotani a remarqué que certaines traditions n’étaient pas aussi bien préservées que d’autres. Par exemple, les tribus du Rajasthan adhèrent toujours aux modes d’habillage traditionnels, mais les membres d’autres tribus à travers le pays portent des vêtements modernes.

Ces changements sont également notables dans la technologie, les aspirations professionnelles et les habitudes alimentaires de certains membres de ces groupes autochtones. Chotani dit que les tribus possèdent des télévisions et des téléphones portables « mêmes dans les régions les plus isolées ».

« Les jeunes générations de ces tribus sont fortement influencées par la culture urbaine. Cela a pour conséquence de faire disparaître une grande partie de leurs aspects traditionnels, dit Chotani. Ils laissent derrière eux leur configuration traditionnelle et assimilent rapidement le mode de vie urbain. »

Pour Chotani, c’est la raison pour laquelle The Last Avatar est aussi important. « Ce projet est notre tentative de sauver ce qui est en train d’être oublié, dit-il. Il a été émouvant de documenter toutes ces tribus. »

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