Tristan, de face
Photos: Tristan Vergnault pour VICE FR 

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ZAD

Ils pensent l’avenir de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

À la rencontre de ceux qui ne sont plus des « zadistes », mais bien des nouveaux habitants, un an après l'ultime évacuation.

Alors que le département de Loire-Atlantique redevient propriétaire de 895 hectares de terres rachetés à l’État suite à l’abandon du projet d’aéroport, la vie suit son cours sur l’ex-ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Paysans « historiques » et anciens « zadistes » ont bien l’intention de continuer à prendre soin du bocage. Au milieu des derniers habitats alternatifs, ceux qui ont choisi de rester disposent parfois déjà d’une COP – convention d’occupation précaire – et devraient pouvoir signer des baux dans les semaines à venir, du moins en ce qui concerne les projets agricoles.

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Mais les collectifs présents sur le site ont aussi l’idée de racheter, ensemble, ces terres qu’ils affectionnent tant et pour lesquelles ils se sont battus. Dans leurs mots, un an après l’expulsion, dominent toujours le collectif, la solidarité et l’écologie. Retour avec cinq d’entre eux sur leurs parcours, leur vision de cette lutte et l’avenir qui se profile.

Sarah, 33 ans, sur la ZAD depuis 2015

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Sarah.

Sarah a quitté une ferme des Alpes pour débarquer sur la ZAD, avec sa Fiat Punto, son chien et sept agneaux élevés au biberon. Elle a rejoint le collectif des 100 Noms, emblématique de la lutte contre l’aéroport. La jeune femme trouve dans le bocage une « lutte inspirante », et s'y projette avec un troupeau de brebis. Ici, personne ne lui demande « un projet bien ficelé, comme c’est le cas partout ailleurs. Tu peux te tester, apprendre avec des paysans aguerris. Le sens de ton activité n’en est que plus fort ».

Celle qui a fait une prépa vétérinaire et une école d’agronomie ne voulait pas choisir « entre une vie politique dense en ville et une vie rurale peu en prise avec les questions politiques », conciliant ainsi les deux dans cette campagne nantaise aux allures de village d’Astérix. Avec sa formation à mi-chemin entre savoirs naturalistes et technicité de l’élevage, la jeune femme, sensible aux enjeux de la biodiversité, veut « expérimenter des conduites agroécologiques de troupeaux, main dans la main avec des naturalistes. Nous pouvions concevoir ensemble de nouveaux modes d’exploitation ». L’évacuation d'avril 2018 viendra bouleverser ses projets. Ultra médiatisé, le projet agricole collectif des 100 Noms espère passer entre les foudres de l’expulsion. Le bruit court qu’une bétaillère sera présente. La nuit avant l’expulsion, alors que ses brebis sont prêtes à mettre bas, la jeune femme met ses animaux à l’abri dans une caravane, veille sur les agneaux qui arrivent, parfois prématurés à cause du stress. Le tout au milieu des barricades en construction. « On a mis 4 heures à faire 2 kilomètres ». Tous les bébés survivront. Pas la ferme des 100 Noms.

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« Il nous faut construire une économie solidaire autour de nos activités »

Un an après cette nuit de cauchemar, Sarah vit toujours en collectivité, au Liminbout, hameau de la ZAD. Huit personnes qui cohabitent, et toujours des agneaux qui gambadent. Et les projets qui abondent. En 2017, « La cagette des terres » a vu le jour. C’est un réseau de ravitaillement des luttes du pays nantais, porté par des occupants, des paysans, des personnes des comités de soutien. Pour nourrir les grévistes, les mouvements sociaux, les squats de migrants. Le collectif pense aujourd’hui la suite. « Il faut trouver un équilibre économique. La "légalisation" de nos activités entraîne forcément un ensemble de charges. » Une coopérative est montée, afin de tisser des solidarités économiques. Maraîchage, élevage, céréales, artisanat… « Il nous faut construire une économie solidaire autour de nos activités ». Une commercialisation via une AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) devrait voir le jour à l’automne. Le tout en conservant des « petites fermes », pour le bien-être des animaux.

L’ingénieure agronome regarde avec tendresse ses dizaines d’agneaux, qu’elle nourrit pour certains chaque jour au biberon. Se demande comment elle va gérer, un jour, de devoir conserver les femelles allaitantes et vendre la viande des mâles. Mais, quoi qu’il arrive, pense la suite ici, avec un futur troupeau de 70 brebis. Une vétérinaire à la retraite l’aide auprès de ses animaux. « Certains vétos refusent encore de venir, pour des raisons politiques. Quelque part, ces gens nous voient comme des parachutés ». Mais de l’eau a coulé dans le bocage nantais. « On a choisi de rester en jouant nos cartes. La DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) sait très bien que comme nous sommes déjà installés, que nous prenons soin de la terre, nous sommes normalement légalement prioritaires pour l’autorisation d’exploiter ». En période post-expulsion, la ZAD a ainsi créé le BADA, bureau d’autodéfense administrative. « Aujourd’hui, on est pas mal à être assez pointus sur la législation ». Pour mieux gagner l’ultime combat, celui de la propriété collective. « On ne voit pas ça que pour nos pommes, insiste l’éleveuse, mais bien sur un temps intergénérationnel, avec une notion de transmission ».

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Marcel, 61 ans, paysan « historique » arrivé en 1999

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Marcel.

Marcel et sa femme Sylvie, propriétaires expropriés sur le papier mais jamais expulsés de leur maison du Liminbout, attendent toujours, administrativement, la régularisation de leur situation. Sa femme est exploitante et lui a un statut de salarié. Le couple possède 35 vaches laitières. Chez eux, mais sans être tout a fait chez eux. « Ça fait un an et demi que ça traîne. Aéroports du grand Ouest (AGO) est toujours gestionnaire du projet abandonné. On sait qu’on va rester là, mais pour le moment on ne peut pas se projeter ! Notre sort intéresse peu l’AGO », se désole Marcel. Il se souvient de cette année où le groupe Vinci fait « le tour des fermiers du coin, pour négocier la renonciation à nos droits ». Marcel et Sylvie ne renoncent à rien et passent devant un juge. En mars 2016, le couple est officiellement expulsable. Depuis l’arrêt du projet, ils se sentent à l’abri, mais pestent contre la lenteur administrative qui devrait refaire d’eux les propriétaires de leurs propres terres.

Pour Marcel, le tournant se fait suite à l’opération César, en octobre 2012, première vaste tentative d’évacuation de la ZAD. Un échec des forces de l’ordre et du gouvernement, que Marcel appelle « l’épreuve de vérité ». « Lors de l’opération César, chacun de nous a trouvé que l’autre était magnifique. C’était une belle résistance ». L’homme n’occulte pas pour autant les désaccords, « les soubresauts liés au collectif. Mais aujourd’hui, si on a besoin d’aide, on sait que 10 personnes vont venir tout de suite, et se mettre en 4 pour nous aider. On a pu partir un peu en vacances, et ce sont des occupants qui ont fait notre boulot ».

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« Ces jeunes avaient un souhait d’intégration sincère. En aidant physiquement les agriculteurs, c’était une manière de faire du lien »

Il a fallu plusieurs batailles et interventions policières pour solidifier les liens entre les « historiques » et les « occupants ». Des années où Marcel s’est toujours senti écouté. « En tant qu’habitant de la zone, j’ai pu m’exprimer jusqu’au bout, notre parole était particulièrement entendue ». L’historique combatif, propriétaire de 25 hectares de terre sur la ZAD et 43 hectares « hors ZAD », est heureux qu’une quinzaine d’autres projets obtiennent un bail, et fait confiance au Département, qui, tout le monde l’espère, ne devrait pas chercher à s’encombrer de ces terres trop longtemps. « Ces jeunes avaient un souhait d’intégration sincère. En aidant physiquement les agriculteurs, c’était une manière de faire du lien ».

Le « sage », comme l'appellent les jeunes, a lui enfin pu mettre ses terres en agriculture biologique comme il le souhaitait, en novembre dernier. Et attend beaucoup de cette jeunesse « dynamique », qui souhaite apprendre son métier. « Je ne doute pas qu’ils fassent des choses intéressantes. Il y a un besoin urgent de refaire le monde ». C’est sans doute sa vision du monde, pragmatique, ouverte, au cœur d’une zone de conflit, qui lui a valu son surnom. « Avec ma femme, on considère que c’est normal qu’il y ait eu du cafouillage. On ne fait pas du nouveau sans erreurs. Je ne sais pas si les jeunes ont raison sur tout, mais c’est fondamental de multiplier toutes les alternatives à notre agriculture actuelle ». Cette jeunesse, qui tente de concilier travail et vie militante et culturelle, là où Marcel considère que sa génération « s’est tuée au travail », cette jeunesse-là, soutient-il, « donne à nouveau confiance dans l’avenir ».

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Isa, 46 ans, sur la ZAD depuis 2016

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Isa.

Après vingt ans en Angleterre, cette ancienne prof de fac en médias et cultural studies, qui a sillonné l’Europe pour découvrir une douzaine de lieux « autogérés », arrive sur la ZAD. « Avec mon compagnon, nous avions déjà le projet de venir ici pour ouvrir un "espace info". C’était chouette pour les gens d’avoir un point d’entrée identifié, expliquer ce qu’est le territoire, les lieux qui hébergent… » Ce point info avec brochures et cartes a campé longtemps au lieu-dit La Rolandière, en bordure de la D81. Une sorte de chekpoint sans contrôle, pour accueillir, reconnaissable encore aujourd’hui à son phare en métal. « Pas une tour de garde ! C’était important de montrer que cette zone était ouverte ».

Aujourd’hui, l’espace info, dans lequel trône toujours une énorme carte murale, fait office de salle de réunion, et abrite à l’étage la bibliothèque. Maintenant que le projet est enterré, Isa gère la communication autour des activités de la ZAD, en particulier celle du projet qui tient à cœur aux « nouveaux » habitants, un fonds de dotation appelé La Terre en commun. « La très grande intelligence du mouvement, c’est qu’il a su se projeter sur l’après-aéroport avant même la décision ». Le fonds de dotation permet une propriété collective, tout en dissociant propriété et usage. « On le voit comme la propriété pour s’affranchir de la propriété, explique l’ancienne enseignante. Il permettra de faire perdurer les pratiques des communs, de pouvoir se projeter sur un temps long ». Se projeter, après des années de lutte et d’incertitude. Et se donner les moyens de protéger cette projection à long terme. « On veut à tout prix éviter que ces terres ne retombent un jour dans l’agriculture intensive, qu’elles puissent un jour servir à d’autres projets aussi délétères qu’un aéroport… »

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« La ZAD aujourd’hui incarne le mieux l’ADN du changement qu’il faut. À la fois lutte et construction. L’un sans l’autre, c’est stérile »

Le Fonds de dotation, qui a déjà réuni en 3 mois près de 300 000 euros de dons défiscalisés, est composé d’un CA de six personnes, issues des composantes du mouvement. Forts de cette expérience de lutte réussie, les ex-zadistes espèrent atteindre les 3 millions nécessaires pour racheter les terres qu’ils entretiennent. « Pour nous, un petit don a autant de valeur qu’un gros. Ce qui se passe ici est un véritable laboratoire. La dimension de l’espoir est vraiment forte. On le voit dans la multitude de mots touchants reçus ». Isa ne se voit plus ailleurs qu’ici, où les préoccupations écologiques et sociales semblent dominées. De ces expériences en divers lieux autogérés, ses conclusions sont sans appel : « La ZAD aujourd’hui incarne le mieux l’ADN du changement qu’il faut. À la fois lutte et construction. L’un sans l’autre, c’est stérile. Cette intensité de proposition fait que l’avenir est ici ».

L’ex-londonienne ne verse pas dans l’angélisme, consciente de tous ces moments « où ça a fritté », de cette expulsion « traumatisante pour tout le monde. Ils n’ont pas juste rasé des cabanes, ils ont cherché à éradiquer une forme de vie de ce territoire ». La Rolandière va redevenir propriété du Département. Les nouveaux habitants espèrent pouvoir l’acquérir. « C’est vital pour moi de ne pas s’arrêter là, insiste Isa. On se battait ‘contre l’aéroport et son monde’ ». Il reste son monde.

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Carmine, 33 ans, sur la ZAD depuis 2012

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Carmine.

Depuis son arrivée, Carmine fait partie de ceux qui s’occupent de la forêt de Rohanne. Au sein de la ZAD se déploie toute une dynamique autour du bois, artisanat, tannerie, menuiserie, construction de maisons… Cette ressource chère au territoire est encadrée par l’association Abracadabois. Ni charpentier, ni menuisier, Carmine, avec d’autres, gère l’exploitation de la forêt. Chaque année, les « chantiers » prévus vont dans le sens d’un « plan de gestion » de la forêt, pensé en amont, afin que celle-ci puisse se régénérer naturellement. « Nous sommes capables d’utiliser les ressources locales tout en les préservant, de construire des maisons confortables tout en conservant une dimension expérimentale ».

Le groupe ne souhaite pas « mécaniser ses chantiers », pratique l’abattage sans machines, prône une technique non-industrielle. Des gens extérieurs viennent se former auprès d’eux. La maison où vit Carmine, non loin de la forêt, avec un collectif de 14 personnes, est en bois, justement, à la fois élégante et solide. Elle est un espace commun, avec sa vaste cuisine, ses canapés et sa bibliothèque. Les parties « privées » sont autour, dans des caravanes. Une vie où le trentenaire se sent bien. « Ce qu’on aimerait à présent, c’est obtenir la gestion de cette forêt. On ‘l’habite’ d’une certaine manière. On a besoin d’elle, on en prend soin. Si on avait laissé faire, ce serait un aéroport. On considère que ceux qui l’ont sauvée sont capables de la prendre en charge ».

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« On vient de quelque part. D’un endroit qui a gagné contre l’État. L’aura de la ZAD est énorme. Ce sont des portes qui s’ouvrent, avec les syndicats, les étudiants »

L’association a déjà fait une proposition à la DDTM, demandé à ce qu’il y ait « un contrat exceptionnel » ou tripartite avec Abracadabois, le Département et l’ONF (Office national des forêts). « On ne souhaite pas devenir les ‘techniciens forestiers’ de l’ONF. Mais nous avons des soutiens, y compris au sein de l’ONF ». Le savoir des menuisiers et charpentiers de la ZAD a dépassé Notre-Dame-des-Landes. À Nantes, on peut les croiser dans des squats de migrants, en train de renforcer des planchers. « On vient de quelque part. D’un endroit qui a gagné contre l’État. L’aura de la ZAD est énorme. Ce sont des portes qui s’ouvrent, avec les syndicats, les étudiants… Ça ne m’intéresse pas d’avoir un mode de vie exemplaire, mais créer une force matérielle qui nous permet d’aller vers d’autres luttes qui nous intéressent, ça oui ».

Sur la ZAD, là où « toutes les idées sont mises à l’épreuve du réel », le collectif s’épanouit. Mais ne baisse pas la garde pour autant. « On veut garder du collectif là où ils voulaient nous individualiser ». Un bras de fer qui n’est pas encore fini, mais qui pourrait se terminer en match nul. Cette sorte de retour à l’État de droit a mis en exergue de nombreuses fractures au sein du mouvement. Un équilibre précaire qu’il résume ainsi : « On était convaincu qu’on n’avait pas un rapport de force assez conséquent pour ne rien négocier. Mais on a été assez fort pour que l’État soit obligé de négocier avec nous ». Ces formes de vie, « qui n’étaient pas désirables du point de vue de la loi », semblent pouvoir l’utiliser, la contourner. « Moi je dis "tordre l’administratif", précise le trentenaire, sérieux. On ne rentre pas dans les clous, on écarte les clous. On fait le pari de la négociation. Nous sommes prêts à prendre ce risque-là ».

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Greg, 34 ans, sur la ZAD depuis 2014

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Greg.

Greg vit dans le même collectif que Carmine. Auparavant intérimaire dans le BTP en région parisienne, il s’impliquait déjà dans les comités de soutien à la ZAD d’Île-de-France. « Cette forme de mise en commun des terres assez inédite m’intéressait beaucoup ». Plusieurs mois après la manifestation du 22 février 2014 à Nantes, Greg se fait arrêter à Paris, « soupçonné de dégradations ». Il écope d’un an ferme. Considérant la sanction « injustifiée », le jeune homme se décide à rejoindre la ZAD, avec à ses basques un mandat de recherche. Il y restera jusqu’en 2016, où, à l’issue d’une réunion publique, il se fait arrêter et fait 6 mois de prison, avant de revenir sur la ZAD. « Cet endroit, c’est une véritable bifurcation du destin pour moi. Ici c’est difficile de faire les choses à moitié. L’intensité de la lutte… » Greg y rencontre sa compagne, a aujourd’hui une fille et des jumeaux. Il est aujourd’hui éleveur à la ferme de Bellevue, autre lieu emblématique de la ZAD.

Le projet agricole, qu’il gère avec deux amis, se nomme le « Grand troupeau communal ». Ils disposent d’une COP – une Convention d'occupation précaire, et envisagent de vendre la viande pour pérenniser leur activité. « Quand je suis arrivé ici, ce qui m’a lié au territoire, c’est cette sorte de parenthèse dans l’Histoire. Rien n’était tracé. Et je vois bien que l’élevage, c’est ce qui a forgé ce territoire ». Greg a essayé plusieurs activités agricoles, l’élevage lui a plu et il souhaite s’y investir sur le long terme.

« Beaucoup de gens sont perdus dans ce monde, se sentent marginalisés. Rien ne m’attachait dans ce que je faisais à Paris. J’ai trouvé ma place dans le monde ici »

Lui et ses amis s’occupent d’une vingtaine de vaches nantaises, « pour préservez cette espèce », et espèrent atteindre une soixantaine de bêtes. « Moi qui ai fait pas mal de prison, on ne m’avait jamais dit : je te fais confiance. Mais ici tout le monde nous a donné notre chance pour cette activité d’élevage. Il y a aussi une grosse dynamique, avec un collectif d’éleveurs, autour de l’abattage à la ferme, bien porté par le GAB 44 (groupement des agriculteurs biologiques de Loire-Atlantique) ». Greg ne veut pas confier ses bêtes, mais souhaite les accompagner dignement jusqu’au bout. Pour cela, il a acquis un savoir-faire, des connaissances, envisage un caisson d’abattage mobile. « On prend soin de ces animaux, on veut assumer leur mort, ne pas se déresponsabiliser, laisser d’autres mal le faire ».

Le jeune éleveur a refait quelques semaines de prison récemment, suite à une violente altercation sur la ZAD en octobre dernier entre deux groupes habitant sur la zone. « Comme dans tous les milieux où il y a des gens qui n’ont pas de prise, des conflits existent ». L’ancien « autonome » est aujourd’hui serein. « Beaucoup de gens sont perdus dans ce monde, se sentent marginalisés. Rien ne m’attachait dans ce que je faisais à Paris. J’ai trouvé ma place dans le monde ici ». Greg espère signer un bail, obtenir davantage de terres pour ses vaches, éviter que le nombre d’agriculteurs ne s’amenuise. « Il y a peu de repreneurs, alors ceux qui restent agrandissent leurs exploitations, elles sont alors moins humaines. Nous ce qu’on veut c’est que ces terres qu’on a défendues puissent faire vivre davantage de monde en conservant une agriculture à taille humaine ».

La bataille administrative engagée à présent n’a pas d’autre objectif que celui de continuer à vivre ici. Voir grandir les enfants qui iront à l’école dans la commune à côté, acheter des terrains avec le fonds de dotation, changer les caravanes pour du dur, amener les animaux à pâturer « à certains endroits, à certains moments », dans un souci de respect environnemental. « L’élevage, c’est être pris dans un ensemble. C’est moi et la nature, pas chacun de son côté. Être ici m’a donné envie d’avoir des enfants. Je suis lié à jamais à ce territoire. Ça ne peut pas être remis en question par qui que ce soit ».

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