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Contre les fêtes clandestines, les proprios se tournent vers la surveillance sonore

Entre boitiers de détection sonore et brigades de « casseurs d'ambiance », des start-ups surfent sur la vague de l'interdiction des fêtes.
Pierre Longeray
Paris, FR
fête covid-19 alcool

Si l’on devait avoir une nouvelle preuve que « la bamboche est finie » – du moins pour encore quelques semaines ou quelques mois, en fonction des estimations – la multiplication des dispositifs dits de « surveillance sonore » dans les locations à courte durée en est une nouvelle illustration. 

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Alors que les bars, boîtes de nuit et tout autre lieu où l’on peut se rassembler avec des amis sont fermés depuis un moment, celles et ceux qui voulaient tout de même faire la fête avaient trouvé une parade : louer des appartements et des pavillons sur Airbnb, ou d’autres plateformes de locations de courte durée, pour s’y réunir. Certains en ont aussi profité pour se faire un petit billet avec cette recette pas vraiment dans les clous des recommandations sanitaires

Mais les propriétaires de locations de courte durée semblent avoir trouvé une solution pour empêcher toute soirée improvisée dans leurs appartements, en s’équipant de petits boitiers qui mesurent le niveau sonore dans l’habitation. Un genre nouveau de surveillance qui permet donc de mesurer à distance le niveau de bruit dans le logement loué. Et apparemment d’en déduire qu’une fête s’y tiendrait.

Dès août 2020, la plateforme Airbnb lançait son Global Party Ban. « Alors que le contexte actuel est incertain et que les réglementations des pouvoirs publics évoluent régulièrement, la mise en place d’une interdiction mondiale des fêtes et évènements sur notre plateforme est dans l’intérêt de tous et reflète les politiques de santé publique de nombreux pays, » expliquait-on sur la plateforme. 

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Le géant américain de la location en profitait alors pour conseiller à nouveau à leurs « hosts » de s’équiper en « dispositifs de prévention contre les fêtes », qui flirtent doucement avec le flicage. Par exemple, le boitier Minut qui « va plus loin que la simple surveillance sonore ». Ce petit boitier blanc, qui ressemble à une alarme incendie, permet selon Airbnb de surveiller à distance « le niveau sonore, la température, les mouvements, le taux d’humidité », le tout en assurant préserver « la vie privée de vos voyageurs ». 

Autre appareil recommandé par Airbnb : le capteur intérieur NoiseAware qui prévient directement le propriétaire si des bruits trop importants sont constatés dans sa location. Toujours selon la plateforme, il s’agit d’une solution parfaite pour « protéger votre réputation » et dont le slogan n’est pas des plus rassurants : « Be There without being there [Soyez présent sans l’être] ». Comme pour le boitier Minut, Airbnb propose sur NoiseAware d’importantes réductions de prix, preuve que la plateforme compte bien que ses loueurs s’équipent. 

Dernière offre mise en avant par Airbnb : celle d’une start-up espagnole qui développe le service Roomonitor, et qui s’implante doucement en France, notamment à Paris et Lyon. Comme Minut et NoiseAware, elle permet un contrôle du niveau sonore dans le logement, mais peut aussi envoyer directement des avertissements sur le téléphone des locataires de l’appartement. En complément, un standard téléphonique est déployé pour permettre au voisinage de « dénoncer directement les abus ». 

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Mais la start-up espagnole ne s’arrête pas là, en proposant un service supplémentaire, baptisé AlarmAssistant. Il s’agit de « casseurs d’ambiance » employés par Roomonitor qui peuvent intervenir directement au domicile loué par les contrevenants. Ces « brigades de surveillance du bruit » peuvent intervenir en moins de 30 minutes, apparemment pour « calmer le jeu », explique-t-on chez Roomonitor. Les villes de Barcelone, Madrid et Paris sont déjà couvertes par ces brigades d’un genre nouveau, qui jouent avant tout un rôle préventif assure-t-on, mais peuvent être amenées à appeler les forces de l’ordre dans les cas critiques. 

Dans un communiqué envoyé aux journalistes, Roomonitor précise, sans rire, le profil des casseurs d’ambiance : « Réunir en un seul homme la réactivité d’un livreur Deliveroo, l’autorité naturelle d’un videur de boîte de nuit et le tact d’un médiateur capable de dénouer les conflits. »

Puisque ces dispositifs de surveillance sonore assurent n’enregistrer aucune conversation, les hôtes Airbnb y ayant recours n’auraient pas l’obligation de prévenir les locataires que le logement loué en est équipé – bien que la plateforme leur recommande de le faire. 

Interrogé par Vice sur le développement de ce type de solutions outre-Atlantique, le chercheur en sécurité Daniel Cuthbert, s’inquiétait de la manière dont les données saisies par ces appareils sont stockées et gérées. « La nature de l’appareil est telle qu’il doit collecter des données, souvent par le biais de capteurs qui pourraient enregistrer plus de données qu’ils le devraient », indiquait le chercheur. 

Evan Greer, de l’organisation Fight for the Future qui défend les droits numériques, s’inquiétait aussi de voir « [que l’on] se diriger vers un monde où pratiquement tout ce que l’on possède nous surveille d’une manière ou d’une autre ». Avant d’ajouter, qu’elle n’était pas sûre que cela soit la solution pour « créer un monde plus sûr ». 

Dans un récent article du journal La Tribune consacré à Roomonitor, la start-up indiquait comptabiliser 2 000 appareils installés (ou en cours d’installation) dans l’Hexagone au cours du printemps. 

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