Mystère cerveau
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Le mystérieux signal cérébral envoyé par la mort

La récente découverte d’un pic d’activité au moment du décès intrigue la communauté scientifique.

En 2016, un homme de 87 ans fait une mauvaise chute et se rend aux urgences du General Hospital de Vancouver. Le scanner montre une hémorragie cérébrale. Le vieil homme doit donc être opéré. Pendant les deux jours qui suivent l’opération, son état reste stable. Il commence ensuite à décliner jusqu’à l’apparition de crises d’épilepsie.

En raison de ces crises, les médecins décident de mesurer les signaux électriques de son cerveau à l’aide d’un électroencéphalogramme, ou EEG. Alors que les électrodes sont encore placées sur sa tête, l’homme décède d’une crise cardiaque. 

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Une étude publiée fin février documente ce qui a été constaté lors de l’enregistrement EEG : dans les 30 secondes qui ont précédé et suivi l’arrêt cardiaque du vieil homme, une augmentation de l’activité cérébrale a été observée. Et pas n’importe quelle activité : des ondes gamma. Ces ondes cérébrales de très haute fréquence sont associées à des états conscients, notamment l’apprentissage et la mémoire, et ont également été observées lors d’états méditatifs.

Pourquoi un homme en train de mourir aurait-il connu une augmentation soudaine d’une activité cérébrale associée à la conscience ? Dans l’article, les auteurs écrivent qu’il « est intrigant de spéculer qu’une telle activité pourrait soutenir un dernier “rappel de vie” pouvant advenir dans l’état de mort imminente ».

Bien que les auteurs aient émis d’importantes réserves et qu’il soit impossible de lire une expérience subjective à partir d’un EEG, le cas a fait sensation dans les médias ces dernières semaines, suggérant que ce qui était arrivé à cet homme pouvait prouver que nous revivons bel et bien nos souvenirs dans les moments qui précèdent notre mort. « Une nouvelle étude suggère que nos vies défilent réellement devant nos yeux avant de mourir », a écrit le Daily Mail. MSN a rapporté que cette étude « révèle nos potentielles dernières pensées ». Le Philly Voice a titré : « Que se passe-t-il quand vous mourrez ? Votre vie peut littéralement défiler devant vos yeux ». De son côté, Live Science a rapporté que « le tout premier scanner d’un cerveau humain en train de mourir a montré que la vie peut “défiler devant les yeux” ».

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Ce qui a été observé ici pourrait-il être la signature neuronale de l’expérience de mort imminente ? Ou la traduction de ces flashs d’existence défilant devant nos yeux au moment de mourir ? C’est une spéculation certes provocante, mais c’est bien de cela qu’il s’agit : une spéculation. Sans oublier que ce n’est pas nouveau. Même si les auteurs de cet article se sont attachés à dire qu’il s’agissait du « tout premier » enregistrement continu par EEG d’une personne au moment de sa mort, ce phénomène a en fait été remarqué et traité dans des publications depuis plus de dix ans.

Par le passé, les études - celle-ci y compris - ont déjà constaté une poussée d’activité cérébrale au moment de la mort, que ce soit celle d’un être humain ou d’un animal. Une activité qui se prolongeait parfois après l’arrêt du cœur. C’est un sujet qui mérite d’être creusé parce qu’il pourrait y avoir des implications importantes sur la manière dont on gère la fin de vie, le don d’organe ou même la compréhension du processus exact d’un décès. Mais ce que cela signifie exactement reste encore inconnu. Pour l’instant, cette découverte nous montre surtout comment les données sont filtrées par nos croyances personnelles : ce que les gens pensent de cette poussée nous dit en plus sur les gens eux-même que sur ce mystérieux phénomène. 

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Si le récent article se targue d’une approche « pionnière » — et c’était techniquement la première fois que ce type de mesure spécifique était effectué par EEG —, ce n’est pas la première fois qu’on observe le cerveau d’une personne qui décède.

« Il ne s’agit pas du premier monitoring EEG continu du cerveau humain dans sa transition vers la mort », déclare Loretta Norton, neuroscientifique au King’s University College de l’Université de Western Ontario. En 2017, elle avait déjà publié un article sur les mesures relevées par EEG au moment du décès ; la principale différence est qu’elle n’utilisait pas une couverture intégrale par électrodes, comme c’est le cas dans la nouvelle étude. Il y avait également d’autres différences : ses patients avaient décidé de renoncer aux thérapies de maintien en vie, alors que le nouvel article (ainsi qu’un autre datant de 2021) porte sur des patients décédés malgré le choix d’un traitement. 

La question n’est pas seulement de savoir qui a été le premier à faire quoi : une étude de cas comme celle-ci, bien qu’intrigante en soi, est encore plus intéressante lorsqu’elle est considérée en combinaison avec les preuves offertes par des travaux antérieurs ayant montré la même poussée inattendue de l’activité électrique dans un cerveau mourant. 

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Voici ce qui a été observé dans des articles similaires publiés au cours des 13 dernières années : aussi bien chez les animaux que chez les êtres humains, au moment de la mort cardiaque (lorsque le cœur s’est arrêté et qu’il n’y a plus de pouls), une proportion des sujets présente une augmentation de l’activité électrique dans le cerveau. Selon Lakhmir Chawla, médecin spécialisé en soins intensifs et auteur de nombreux articles sur le sujet, ce phénomène est d’autant plus inattendu que le cerveau ne reçoit plus ni sang ni oxygène.

Dans l’unité de soins intensifs (USI), le cerveau des patients est parfois mesuré à l’aide de moniteurs EEG. Ceux-ci enregistrent les ondes de l’avant de la tête et les traduisent de manière algorithmique en un nombre compris entre 0 et 100 afin d’informer les médecins du niveau d’éveil de la personne. Chawla a remarqué que chez certains, le chiffre augmentait momentanément au moment de la mort alors que le pouls était à zéro. En 2009, le médecin et ses collègues ont publié un compte rendu indiquant que lorsque le maintien en vie de sept patients gravement malades avait été interrompu, il y avait eu une augmentation de l’activité électrique avant que les données de la machine ne tombent à zéro.

Au début, Chawla pensait qu’il pouvait s’agir d’une crise d’épilepsie ou d’une libération par le cerveau de toute son énergie. Mais après avoir examiné les données brutes de l’EEG d’un patient, l’équipe de médecins a découvert que l’activité n’était pas une crise d’épilepsie ou une ultime tentative du cerveau pour se sauver. Ce signal atteignait une fréquence plus élevée, généralement caractéristique des ondes gamma. Se retrouver face à ce type d’ondes associées à la conscience était donc « massivement inattendu ».

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D’autres travaux ont continué à révéler ce pic d’activité gamma, mais pas chez tous les sujets. En 2017, Chawla et ses collègues ont étudié les cas de 35 patients, dont 7 considérés en état de mort cérébrale. Parmi ceux-là, aucun n’a montré une augmentation d’activité cérébrale au moment du décès. Sur les 28 autres qui n’étaient pas en état de mort cérébrale, 13 l’ont fait.

L’étude de 2017 de Norton a mesuré l’activité EEG chez 4 patients, 30 minutes avant et jusqu’à 30 minutes après leur décès. Là aussi, l’équipe a constaté chez 2 des 4 patients des augmentations des ondes cérébrales de plus haute fréquence juste avant la mort cardiaque, similaires à celles décrites dans le nouvel article. Cependant, ils n’ont pas enregistré d’activité gamma après le décès.

Plus récemment, une étude de 2021 a examiné les données de patients décédés d’une crise cardiaque et soumis à une surveillance EEG standard dans une unité de soins intensifs. Elle a rapporté que sur les 19 patients décédés d’une mort cardiaque, 11 présentaient une activité EEG suite à un arrêt permanent de la fonction électrique ou de la fonction de pompe du cœur. Jan Claassen, l’auteur principal de cet article et neurologue à l’université de Columbia, a déclaré qu’un patient sur 19 présentait une brève activité EEG après l’arrêt de la circulation sanguine dans le cerveau.

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Ce phénomène a également été observé chez les animaux. Dans une étude de 2013, George Mashour, anesthésiste à l’Université du Michigan, et l’auteur Jimo Borjigin ont recherché cette activité cérébrale chez des rongeurs. Ils ont implanté des électrodes dans le cerveau de neuf rats anesthésiés, puis les ont tués. Dans l’instant qui a suivi leur mort cardiaque, ils ont enregistré un pic d’activité cérébrale à haute fréquence.

Mashour a déclaré que cette montée de l’activité électrique n’était pas simplement le fait du cerveau qui se détraque avant la mort. L’activité cérébrale était coordonnée, et dans une fréquence d’onde supérieure spécifique : la bande passante gamma. (Une étude de 2011 qui a fait décapiter des rats à l’aide d’une guillotine miniature — afin d’évaluer dans quelle mesure cette méthode d’euthanasie était humaine — a également constaté la présence d’une « onde très lente, large et tardive dans l’EEG », ont écrit les auteurs.)

Selon Mashour, le nouveau rapport de cas est intéressant, car il continue de relier les travaux effectués sur les rats à ce qui a été observé à plusieurs reprises chez les êtres humains. « Ils ont pu identifier des résultats très similaires, et ces études se soutiennent mutuellement », a-t-il déclaré.

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Cette partie du récit fait sens, explique Chawla : après une mort cardiaque, certaines personnes présentent une activité cohérente des ondes gamma. Il reçoit d’ailleurs des appels téléphoniques de collègues de tout le pays qui font le même constat. « Je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse prétendre que ce n’est jamais arrivé », a-t-il confié. 

Aussi intrigant que cela puisse être, il existe encore un énorme point d’interrogation concernant ce qui se passe exactement d’un point de vue phénoménologique, c’est-à-dire comment cette poussée est vécue par le sujet. « Je ne sais pas ce que le rat a ressenti, s’il a ressenti quoi que ce soit, car dans notre étude, les animaux étaient anesthésiés », a déclaré Mashour. 

De même, nous ne pouvons pas savoir ce que ressentait l’homme dans le rapport de cas récemment publié, ou s’il a vu défiler ses propres souvenirs. Selon le Dr Chawla, l’hypothèse selon laquelle cette activité cérébrale est liée à une expérience de mort imminente (EMI) ou à la reviviscence de souvenirs peut être valide, étant donné le moment et le type d’activité cérébrale. Mais prouver cette hypothèse, en revanche, serait difficile.  

Les EMI présentent souvent les mêmes caractéristiques, et les gens s’en souviennent de manière extrêmement vive. En 1975, le médecin Raymond Moody a recueilli des rapports d’EMI auprès de 150 survivants du coma. Il a constaté que les EMI pouvaient inclure des expériences hors du corps, un sentiment de sérénité, l’entrée dans un portail ou un tunnel et la vision d’une lumière vive. Mais des descriptions similaires d’expériences de mort imminente existaient bien avant cela, comme dans le tableau de Hieronymus Bosch, The Ascent of the Blessed, datant de 1505. 

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Des EMI ont été rapportées chez 10 à 23 % des personnes ayant survécu à une crise cardiaque, mais seulement chez 3 % des personnes ayant récupéré de lésions cérébrales traumatiques. Sans oublier que toutes les EMI ne sont pas des expériences agréables : une étude de 2019 a révélé que 14 % d’entre elles ont été « décrites comme cauchemardesques ».

Il se pourrait que les EMI soient liées à cette activité cérébrale qui survient à l’approche de la mort. Mais c’est une chose d’observer cette activité cérébrale, précise Mashour, et une autre de dire qu’elle est liée à un type spécifique d’expérience consciente.

Les auteurs de ce nouvel article ont eux aussi émis des réserves : le cerveau de l’homme était gravement blessé, avec des hémorragies, des gonflements et des convulsions. L’auteur principal, Ajmal Zemmer, a confié à Motherboard qu’il avait essayé de souligner dans les interviews de presse qu’il s’agissait bien d’une étude de cas unique, et donc pas nécessairement généralisable.

« On ne peut pas dire : “Bonne nouvelle, n’ayez plus peur, vous allez tout revivre dans l’état de béatitude de l’expérience de mort imminente”, » - George Mashour

Mais selon les autres scientifiques ayant travaillé sur ce sujet, la couverture médiatique — et certaines des citations de Zemmer — a poussé l’interprétation trop loin. Zemmer a ainsi déclaré au Daily Mail que « cette recherche pourrait nous apprendre quelque chose : bien que nos proches aient les yeux fermés et soient prêts à s’en aller, leur cerveau est peut-être en train de rejouer certains des moments les plus agréables de leur vie ».

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En fait, explique Norton, nous ne savons pas si c’est le cas. Il est intéressant de constater que l’activité cérébrale observée se situe dans la fréquence gamma. Mais il faut être prudent dans l’interprétation des ondes gamma, car cette fréquence peut se superposer à d’autres signaux du corps, comme les signaux d’électromyographie qui proviennent des muscles.

Elle pourrait également capter des signaux en provenance de sources non physiologiques, comme les éléments présents dans une unité de soins intensifs très fréquentée. « Une unité de soins intensifs est un environnement très bruyant : il y a beaucoup d’équipements et de machines et cela génère pas mal d’artefacts », a-t-il ajouté.

Claassen convient que, dans l’environnement des soins intensifs, le signal gamma élevé détecté sur l’EEG de surface doit être interprété avec une grande prudence. « Ces signaux électriques ne sont pas propres à une fonction neurologique très spécifique comme le fait de revivre ses souvenirs ; ils ont d’ailleurs été observés de manière générale, y compris lors de crises d’épilepsie. Ce n’est pas parce que les sursauts gamma ont pu être associés à un certain phénomène clinique ou psychologique dans un contexte donné que l’on peut supposer que le phénomène psychologique est présent chaque fois que des sursauts gamma sont détectés. »

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Selon Norton, il est possible que cette activité reflète une caractéristique de la mort neurologique, mais elle a des doutes quant à savoir si le patient en est conscient ou non. Encore une fois, toutes les personnes ne présentent pas ce type d’activité, et on ne sait pas pourquoi. Cela pourrait être dû à une lésion cérébrale, à différents médicaments ou à une autre variation neurobiologique. 

Les patients de l’unité de soins intensifs sont souvent fortement sédatés pour leur confort, ce qui entraîne une certaine inconscience. « Le fait que quelqu’un puisse avoir une sorte de conscience interne et de réflexion est, je pense, extrêmement improbable », a-t-elle déclaré.

Mashour a lui trouvé frappant que l’activité cérébrale semble organisée, mais il prévient que nous n’avons encore rien pour corréler cette activité cérébrale avec une expérience, et il ne pense pas que nous puissions affirmer avec certitude qu’il s’agit du substrat neuronal de l’expérience de mort imminente. « On ne peut pas dire : “Bonne nouvelle, n’ayez plus peur, vous allez tout revivre dans l’état de béatitude de l’expérience de mort imminente”, » a-t-il rapporté.

Une étude plus approfondie de cette activité cérébrale pourrait conduire à des considérations importantes et pratiques pour les soins de fin de vie. Actuellement, de nombreuses personnes mourantes sont mises sous sédatif pour leur propre confort. Cela les empêcherait-il de vivre cette expérience ? Nous pensons souvent à la mort comme à un interrupteur qui passerait en « off ». Ce type d’activité cérébrale, après l’arrêt du cœur, remet en question cette hypothèse. 

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« Les médecins supposent qu’après la mort clinique, le cerveau est mort et inactif », a déclaré Borjigin au journaliste scientifique Ed Yong en 2013. « Ils utilisent le terme “inconscient” encore et encore. Mais la mort est un processus. Ce n’est pas une ligne noire ou blanche. »

Il pourrait aussi y avoir des implications pour le don d’organes — combien de temps les opérateurs doivent-ils attendre avant de prélever des organes, s’il y a, parfois, ce regain d’activité juste après la mort cardiaque ? Attendre trop longtemps pourrait compromettre la viabilité des organes.

« Je pense que l’on peut voir les choses des deux côtés : ne pas dire quelque chose qui pourrait ne pas être vrai, ou dire quelque chose qui pourrait être vrai. » - Ajmal Zemmer

Mashour s’est demandé si cela pouvait être lié à d’autres phénomènes, comme la lucidité terminale, qui consiste à observer une amélioration de la cognition des personnes juste avant leur mort. Par exemple, chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, il arrive parfois qu’une personne redevienne lucide et meure peu après.

Zemmer a de son côté déclaré qu’il souhaitait poursuivre cette étude, mais qu’il était difficile d’obtenir les enregistrements appropriés. Étant donné la nature de son travail, il sera presque certainement limité à des patients malades ou blessés, et il peut être difficile de prédire l’heure de leur décès.

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Selon Mashour, l’un des moyens d’établir un lien empirique entre cette activité cérébrale et les EMI serait d’étudier l’expérience de mort imminente chez les personnes qui ne meurent pas. Celles qui évitent de justesse un accident peuvent vivre des expériences de mort imminente, parfois appelées expériences de peur de la mort. Certaines drogues, comme le DMT ou la kétamine, sont censées imiter les EMI ou y ressembler. 

Dans ces cas, la personne a au moins la possibilité de décrire ce qu’elle a vécu, et ses dires peuvent être corrélés à la neurophysiologie. « Nous n’allons pas pouvoir répondre à cette question en enregistrant un EEG complet de chaque arrêt cardiaque », a déclaré Mashour. 

Les études antérieures de Mashour et Norton ont également fait beaucoup de bruit dans la presse. « Elle a fait la première page du Washington Post, en tant qu’étude sur les rongeurs », a déclaré Mashour. Lorsque l’article de Norton a été publié en 2017, elle n’a répondu à aucune demande des médias. Les résultats avaient été rendus trop sensationnels et les titres ne reflétaient pas le contenu de l’article. Elle craint que la même chose ne se produise maintenant. 

« Ils n’ont aucune idée de l’expérience que ce type a traversée », a protesté Chawla. Ce serait différent si l’homme avait survécu et rapporté explicitement avoir vu un flot de souvenirs. Mais comme il est décédé, nous ignorons ce qu’il s’est passé. Affirmer le contraire serait « franchement consternant ». 

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Zemmer a lui déclaré avoir été noyé sous les demandes de médias internationaux. « Si la prochaine fois — ou dans quelques années quand tout cela aura été solidifié — je peux simplement aller voir mes patients et leur famille pour leur dire qu’ils ne souffriront pas, que la mort est juste une partie naturelle de la vie, que c’est triste mais qu’ils se remémoreront leurs plus beaux souvenirs, ça pourra peut-être les réconforter dans ce moment très, très difficile. Personnellement, c’est la plus grande chose que j’en retire. »

Lorsque Motherboard lui a demandé s’il était éthique de dire ça à quelqu’un alors que l’information est potentiellement fausse, Zemmer a répondu : « C’est une position défendable et je la respecte. J’adopte cependant un point de vue un peu différent. Je pense que l’on peut voir les choses des deux côtés : ne pas dire quelque chose qui pourrait ne pas être vrai, ou dire quelque chose qui pourrait être vrai. » 

Chawla, qui publie depuis des années sur le sujet, a déjà été confronté à de nombreuses interprétations de ces données. Pour certains, cette poussée électrique est une preuve physique de l’âme. « Ils sont catégoriques : c’est l’âme qui s’élève du corps », explique-t-il. Dans une conférence de 2017, il a d’ailleurs raconté être allé à une émission de radio pour parler de ses résultats. Il y avait été sèchement réprimandé « pour ne pas avoir compris que l’âme quittait clairement le corps et que nos stupides médecins étaient tellement scientifiques que nous avions échoué à voir le divin. » 

« Si vous m’indiquez votre système de croyances sur un bout de papier, je pourrais prédire avec un haut degré de certitude comment vous allez interpréter ces données avant que je ne vous les montre » - Lakhmir Chawla

Mais pour d’autres personnes ayant une perspective moins spirituelle, cette activité cérébrale devient une preuve de la négation de l’expérience spirituelle — elle montre que tout phénomène proche de la mort n’est qu’un sous-produit du cerveau. Nous possédons tous une sorte de structure de croyance autour de la mort, qu’elle provienne de la contemplation de notre propre mort ou de la mort de ceux qui nous entourent.

Un aspect fascinant de ces données, et de ce sujet en général, est que la signification qu’on accorde à ce pic d’activités découle souvent de nos croyances de départ. Et c’est probablement vrai pour toutes les informations que nous recevons : nos préjugés et nos structures de croyance influencent d’une manière ou d’une autre nos réactions et nos interprétations. Mais ce sujet, en particulier, semble en être un très bon exemple.

« J’en ai fait l’expérience à de nombreuses reprises : si vous m’indiquez votre système de croyances sur un bout de papier, je pourrais prédire avec un haut degré de certitude comment vous allez interpréter ces données avant que je ne vous les montre », a déclaré Chawla. « C’est une piste de réflexion intéressante sur ces données, mais également sur l’usage des données en général ».

Il est bien sûr logique qu’il y ait une fascination autour de ce sujet. « Nous mourons tous, et nous essayons tous de comprendre ce qui arrive à un être cher, ou ce qui arrive à notre corps pendant le processus de mort », conclut Norton.

Mais c’est peut-être parce que nous nous en soucions tant qu’il est primordial pour les scientifiques de présenter leurs données sans en tirer de conclusion qu’ils ne peuvent pas encore vérifier, déclare Chawla. « Il existe une seule façon de faire les choses, et c’est très strict sur le plan éthique : décrire sans conclure. D’autres personnes peuvent s’amuser à spéculer, mais nous, en tant que scientifiques, on se doit de dire “voici ce que les données montrent”, point. »

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