Ovni cergy pontoise 1979
Photo de couverture : Le Parisien daté du 6 juin 1981.

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Peur sur la France

L’affaire de l’ovni de Cergy-Pontoise

En novembre 1979, Franck Fontaine se serait fait enlever par des extraterrestres quelque part au nord de Paris – suscitant une vaste hystérie médiatique et l'intervention des raëliens en personne.
Paul Douard
Paris, FR

Dans le cadre de notre nouvelle colonne, intitulée « Peur sur la France », on vous raconte les rumeurs les plus marquantes de l'histoire de notre pays. Voici un nouvel épisode, qui revient sur une étrange affaire qui mêla jeunes gens, boules lumineuses dans le ciel et gendarmes hexagonaux.


Chaque jour, 150 personnes disparaissent en France. Si l'immense majorité de ces disparitions a à voir avec des adolescents mal dans leur peau, d'autres cas laissent parfois sur le cul – surtout quand la disparition mêle des mecs de Cergy-Pontoise, des ovnis en forme de boules lumineuses et des gendarmes bien de chez nous. Si l'agglomération francilienne ne fait que rarement les gros titres de la presse, cette affaire reste l'une des plus médiatisées, mais surtout l'une des plus curieuses, de ces 30 dernières années.

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Le 26 novembre 1979, deux jeunes hommes passablement affolés, Jean-Pierre Prévost et Salomon N'Diaye, expliquent aux gendarmes de Cergy-Pontoise qu'un dénommé Franck Fontaine a disparu après une rencontre avec une boule lumineuse. Selon leurs dires, alors que les trois amis chargeaient leur voiture vers 4h30 du matin pour partir au marché de Giros, ils auraient aperçu une trainée lumineuse au-dessus de la centrale électrique de Cergy-Pontoise. Franck aurait alors pris la décision de se rapprocher en voiture, pendant que Salomon et Jean-Pierre récupéraient leur appareil photo pour immortaliser cet instant unique. La suite, c'est Jean-Pierre Prévost qui la raconte dans une reconstitution télévisée diffusée en 1980. Dans celle-ci, le jeune homme évoque trois ou quatre petites sphères qui tournaient autour de la voiture. Les sphères auraient fini par fusionner pour donner naissance à une sorte de cigare lumineux, qui aurait emmené Franck avec lui.

Frank Fontaine.

Après les avoir écoutés, les gendarmes plutôt intrigués procèdent immédiatement à des tests : aucun des deux hommes n'est bourré ou drogué. Qu'attendre de plus de la part de gendarmes mal réveillés et peu enclins à écouter des histoires d'ovnis ? Après leur passage à la gendarmerie, Jean-Pierre Prévost et Salomon N'Diaye rentrent chez eux. L'affaire est confiée au commandant Courcous. S'il expliquera aux journalistes être « plutôt sceptique quant à cette histoire d'ovni », il ordonnera tout de même aux gendarmes de battre la campagne pendant plusieurs jours. Mais toujours aucune trace de Franck Fontaine. Sa voiture est garée à proximité de la centrale électrique où il aurait disparu, mais elle est vide. Aucune trace d'ovnis non plus. Le commandant Courcous affirmera avoir passé toute la zone au compteur Geiger et contacté tous les radars militaires du coin, sans réussite. En cherchant dans la vie de Franck Fontaine, les gendarmes ne trouveront rien qui aurait pu laisser penser à une fausse disparition – si ce n'est qu'il n'a pas un rond.

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Sauf que huit jours plus tard, Franck Fontaine réapparaît. Les gendarmes apprennent à la radio que le jeune homme est de nouveau chez lui, pénard. Selon l'intéressé, il se serait réveillé dans un champ de choux à l'endroit exact où il aurait disparu, sans avoir conscience que cela faisait huit jours qu'il avait quitté ses petits amis terriens. La radio qui a annoncé la nouvelle aurait reçu un appel anonyme. Salomon N'Diaye expliquera plus tard que l'appel venait de lui, justifiant cet acte étrange par la volonté de retrouver son ami avant que la police ne soit au courant.

Franck est immédiatement interrogé par le parquet de Pontoise. Mais là encore, rien d'anormal. Il va confirmer les dires de ses amis tout en affirmant « ne se souvenir de rien après avoir vu ces boules lumineuses entourer [la] voiture et créer une sorte d'épais brouillard » – comme le précise son procès-verbal. Au final, personne ne sait ce qui est arrivé à Franck Fontaine. Lors de son retour, il portait les mêmes vêtements que lors de sa disparition, sans aucune trace de boue. Il avait toujours 100 francs sur lui.

Le missing time – c'est-à-dire le fait de ne pas avoir conscience du temps qui s'est écoulé entre la disparition et le retour – se retrouve dans presque tous les récits d'individus qui affirment avoir été enlevés par des extraterrestres. Peu de temps après, l'ancien disparu semble recouvrer doucement la mémoire. Face aux journalistes, il dira : « J'ai été enlevé par ce qu'on appelle des extraterrestres. » Franck Fontaine ira même jusqu'à déclarer : « Non, je n'ai pas tout dit », avant d'évoquer son séjour « agréable » chez les « petits hommes verts ». Avec de telles assertions, il n'en fallait pas plus pour intéresser le GEIPAN, le Groupe d'études et d'information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés – seul organisme habilité à enquêter sur ce genre de disparition. Sauf que Franck Fontaine ne leur accorde pas beaucoup de crédit. Les membres du GEIPAN proposent à Franck de venir passer des examens. Le 4 décembre 1979, il refuse de donner suite à cette demande, estimant être trop fatigué. Au cours d'une conférence de presse, il dira : « Je ne me souviens de rien tant que je n'ai pas la garantie de l'État qu'on ne m'enfermera pas. »

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Cergy-Pontoise se divise alors fortement entre les croyants et les sceptiques. Aux centaines de journalistes venus recueillir le témoignage de Franck Fontaine se joignent les fidèles de Claude Raël, fondateur de la secte des raëliens, qui serait en contact permanent avec des extraterrestres. Assommés par cette médiatisation, les trois hommes restent cloitrés chez eux et n'ont toujours pas un rond en poche. C'est alors qu'une rencontre va tout changer.

Le journaliste, écrivain de science-fiction et ufologue Jimmy Guieu – Henri René Guieu de son vrai nom – se présente à eux. Il parvient à les rencontrer directement, accompagné d'un hypnotiseur. Franck Fontaine accepte de discuter mais refuse l'hypnose, contrairement à Jean-Pierre Prévost. L'une de ces séances, enregistrée à la radio, laisse entendre que Prévost a lui aussi été en contact avec des entités dans un vaisseau extraterrestre. À partir de là, Franck Fontaine commence à se souvenir et Jimmy Guieu pousse les protagonistes à raconter leur histoire. Le 21 décembre 1979, Franck Fontaine donne une interview à Paris Match dans laquelle il explique avoir « repris connaissance dans un laboratoire. Il y avait plusieurs machines. Des cadrans lumineux. Dans la pièce, il y avait des petites boules lumineuses, grosses comme des oranges qui se déplaçaient, et qui parlaient. "On" me parlait, "on" conversait avec les boules. » Entre-temps, Jimmy Guieu leur propose d'écrire un livre qui raconterait toute l'histoire. Évidemment.

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Pour la promotion du livre, les trois potes passent dans l'émission Temps X, présentée par les frères Bogdanoff, le 26 avril 1980. Franck Fontaine évoque sa rencontre avec Haurrio l'extraterrestre – un type sympa, beau, au grand front. La scène, quelque peu surréaliste, montre Jean-Pierre Prévost en train d'être hypnotisé pendant que Franck discute avec l'un des frères Bogdanoff. C'est à ce moment-là que les trois compères expliquent que les entités ont donné rendez-vous aux hommes. Ce sera le 15 août 1980, à Cergy-Pontoise. Interrogé sur la question, Franck Fontaine explique : « J'ai une confiance aveugle en ce qu'ils m'ont dit. » Il n'en fallait pas plus pour déclencher une hystérie collective. 2 000 personnes se rendent à Cergy-Pontoise dans l'espoir de voir les extraterrestres débarquer. Personne ne viendra.

Un nouveau rendez-vous est fixé par les trois jeunes de Pontoise au 15 août 1983. Sauf que l'histoire commence à prendre du plomb dans l'aile. Le GEIPAN, qui a enquêté de son côté, publie un rapport dans lequel il parle « d'affabulation ». Le groupe remet en cause certains témoignages des trois protagonistes en pointant de nombreuses zones d'ombre. Deux mois avant le nouveau rendez-vous entre l'humanité et les extraterrestres à Cergy, Jean-Pierre Prévost craque et révèle que tout est faux. Il dira plus tard dans le Parisien Libéré daté du 7 juillet 1983 que « l'affaire de Cergy-Pontoise est bidon du début à la fin. J'en suis le seul responsable. C'est moi qui ai tout organisé, tout monté. Je peux le prouver. Franck Fontaine a passé les huit jours de sa disparition dans l'appartement d'un ami, à Pontoise ; c'est moi qui l'y ai conduit, et c'est moi qui l'ai ramené. » À l'entendre, il aurait fait ça pour rassembler les gens autour d'un message de paix.

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Malgré tout, Franck Fontaine et Salomon N'Diaye maintiennent leur version coûte que coûte. Et ainsi, le rendez-vous du 15 août 1983 est tout de même relayé dans la presse. Des centaines de personnes reviennent dans le champ de choux, là où aurait disparu Franck Fontaine quatre ans plus tôt. Mais encore une fois, rien. Les trois protagonistes ont rapidement disparu après toute cette affaire, souhaitant sans doute tourner la page.

De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer l'affaire de Cergy-Pontoise, du simple canular au mensonge à visée lucrative, en passant par une expérience psychologique menée par un groupe mystérieux. Cette dernière hypothèse quelque peu farfelue, soutenue par l'astronome Jacques Vallée dans le livre OVNI : Retour sur l'affaire de Cergy-Pontoise, aurait à voir avec une opération menée de toutes pièces par une agence ministérielle, à travers laquelle se dessinerait l'empreinte des services secrets français. L'affaire de Cergy-Pontoise serait alors une manipulation d'opinion consistant à étudier la façon dont réagirait le public, les médias, les forces de police et les milieux scientifiques face à un événement extraordinaire. Pour les amoureux des théories les plus folles, cela peut se tenir. Pour les autres, on dira simplement que les trois potes de Cergy-Pontoise étaient sans doute des types un peu paumés qui, en plus de ne pas avoir de veine, n'étaient pas bien futés.

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