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Photo : Céleste Gomis
Culture

Y’a pas mal de trucs à puiser dans l’EP visuel de Reinel Bakole

Des trucs du genre spirituels, d'identité et juste beaux.
AL
Brussels, BE

Vous vous souvenez quand Kanye West avait sorti le court-métrage Runaway en 2010, à l’époque de My Beautiful Dark Twisted Fantasy ? Reinel Bakole ne s’est jamais prise pour Dieu, n’a jamais serré la main moite de Donald Trump ou troublé le monde de la musique comme seul Ye sait le faire, mais elle aussi a décliné son projet en vidéo. 

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Son second EP « Closer to Truth » est sorti et il est dispo à l’écoute et au regard, sous forme d’un court-métrage où elle exploite également ses talents de danseuse. Pour ce projet – à mater en 144p ou en 4K selon votre connexion et la qualité de votre écran –, Reinel Bakole s’est entourée des musiciens et producteurs Shungu, Chris Ferreira et Samuel Van Binsbergen, ou « The Solar Three ». 

VICE lui a posé quelques questions sur cette collab’ et les questionnements spirituels et d'identité qui l’ont motivée.

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Photos : Anais Bocciarelli

VICE : Salut Reinel. Ton EP et tes textes sont truffés de symboles et de citations spirituelles, c’est quoi le message que tu cherches à faire passer ? 
Reinel :
Cet EP se rapporte à l’idée d’assumer son pouvoir, reconnaître son enfant intérieur et les talents que la vie nous a donnés, accepter ses vulnérabilités et mettre la santé mentale en premier. Il est aussi question de défendre mes causes et de donner à ma communauté, autant par la dénonciation d’injustices qu’en embrassant nos forces et l'éducation. Pour moi, c’est super important d’apprendre à se connaître aussi profondément que possible. Au mieux tu te connais, au mieux tu sais interagir avec les gens, et au moins tu deviens violent·e pour les autres. Atteindre une paix commune, c'est ça le but ultime.

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Ce projet est le fruit de ta résidence à la maison culturelle « De Brakke Grond » à Amsterdam. Comment ça s'est passé ?
La résidence a été un aboutissement à plusieurs niveaux. Je vivais beaucoup de choses au niveau personnel et puis un jour, j’ai eu une révélation. Spirituellement, je voulais entamer ce healing journey et me connecter davantage à mon conscient et inconscient.

« Quand je danse, je lâche prise, j'ai peur de rien et je peux me montrer vulnérable. »

De Brakke Grond est le lieu où j’avais fait tous mes récitals de danse pendant mes études en danse urbaine. Après avoir été diplômée, j'avais pris quasiment une année de pause et ça m'avait troublée. Quand j’y suis retournée pour la résidence, je me questionnais beaucoup parce que j’étais pas sûre d’être prête. Mais j’ai fini par réaliser que le timing était bon et que si j'y pensais autant, c’était pour une raison précise. Il fallait que je me lance.

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Photo : Anais Bocciarelli

C’est vrai qu’avant la musique, t’étais avant tout danseuse.
La danse, c'est mon premier amour ; ça me fait vibrer comme rien d’autre. Quand je danse, je lâche prise, j'ai peur de rien et je peux me montrer vulnérable. Je rentre dans une sorte de transe débordante d’imagination et créativité. J’y crée mes univers où je commande tout ce que je vois ou ressens. Puis le fait de pouvoir traduire ma musique par la danse, c'est une autre manière d'amplifier mon message.

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Photo : Anais Bocciarelli

Comment s’est mise en place la collaboration avec « The Solar Three » ?
Après ma performance à la FiftyFifty Session à l’AB, Alexandre Cornelis, A&R pour Universal Music, est venu me parler. À ce moment-là j'étais pas encore vraiment certaine de ce que je voulais faire, mais une chose était sûre : je voulais monter sur scène en live avec un band. Il m'a conseillé de faire connaissance avec Shungu et m’a dit : « Il kiffe trop ce que tu fais, ce serait cool que vous vous rencontriez. » Shungu travaillait déjà sur un album avec Chris. Je les ai rencontrés dans le studio de Chris pendant le lockdown où j'ai écouté leurs sons, et j’en revenais pas ; j'avais jamais vraiment entendu ça dans mon cercle proche. T'avais vraiment l'empreinte de Chris avec sa TR et MPC mêlée à la couleur soulful et très jazzy de Shungu. 

À la base, j’allais juste poser ma voix sur une de leurs tracks. Et puis un jour, je suis arrivée en leur annonçant que j’avais eu une illumination : « Si on arrive à créer une harmonie entre nous pour monter un projet, ça va être trop le feu. » Et ils étaient chauds. Shungu a suggéré qu’on ait un bassiste et il a pensé à Samuel. 

« C'est hyper important pour moi de travailler avec des personnes afro-descendantes dans le milieu artistique, simplement parce que ça m'aide à ne pas devoir m'expliquer sur certaines choses. »

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T’as choisi de principalement travailler avec des personnes de couleur, dont Tarona, la réalisatrice.
J'avais donné pour mission à mes manageuses de me trouver une directrice afro-descendante. Elles m’ont trouvé Tarona, qui vient de Rotterdam et est photographe de base. Le courant est immédiatement passé. C'est hyper important pour moi de travailler avec des personnes afro-descendantes dans le milieu artistique, simplement parce que ça m'aide à ne pas devoir m'expliquer sur certaines choses - on a cette connexion où on se comprend -, et aussi parce que j'ai vraiment envie d'être le plus inclusive possible possible dans mon travail et mon art. 

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Photo : Céleste Gomis

Comment tes origines bashis influencent ton travail ? 
Je suis née en Belgique de parents issu·es de la République Démocratique du Congo. Mes parents étaient très patriotiques. On a beaucoup voyagé en Afrique. Plus jeune, ayant grandi en Europe entourée de personnes blanches, j’avais du mal à me rapprocher de mes racines. J’avais trop de filtres, d'aprioris et de préjugés. Puis un jour, en écoutant Marcus Miller parler de l’esclavage de manière si profonde et puissante, j’ai décidé de partir au Sénégal. Là-bas, je me suis enfin sentie connectée à mon continent. Je suis ensuite repartie à Kaziba, au Congo, et j’ai enfin compris où était ma place. 

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J’ai commencé à m’intéresser à la spiritualité africaine. La religion catholique, on sait d'où elle vient ; moi je voulais connaître les croyances originelles de nos peuples. J’ai découvert les écrits de Dikonda Wa Lumanisha, qui s'est penché sur la magie, la magie noire et la spiritualité à Bukavu. Ces textes ont été une incroyable source d’inspiration. À cette même période, j'ai aussi étudié l'histoire de l'Egypte Ancienne, car je voulais retracer la route de mes ancêtres d’Afrique. J’ai retrouvé énormément de similitudes entre toutes ces sources d’information et tout a commencé à prendre son sens. 

« La religion catholique, on sait d'où elle vient ; moi je voulais connaître les croyances originelles de nos peuples. »

Tu t’es sentie grandir personnellement en créant cet EP ?
C’était une expansion phénoménale, qui continue à suivre son cours sous différents aspects. J’ai appris à développer mes idées et à faire confiance à ma vision. J’ai appris à nuancer mes points de vue et j’ai surtout appris l’humilité, la patience, le care et la confiance. J’ai appris qu’être artiste, c’est être généreuse en tout et pour tout. C’est un processus entier que je tente d’épouser. « Closer to truth » se rapproche d’un but, d’un appel, d’une vision, d’un voyage sans concession qui m’appartient et que je dédie humblement à ma communauté et à mon héritage. 

Regardez l’EP visuel « Closer to truth » ici.

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Photo : Anais Bocciarelli

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