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Crime

À Tchernobyl, les animaux règnent en maîtres

La zone d’exclusion autour de la centrale commence à ressembler de plus en plus à une réserve naturelle, grouillant d’élans, de cerfs, de sangliers et de loups.
Photo par Valeriy Yurko

Les impacts de la catastrophe de Tchernobyl en 1986 ont été dévastateurs pour la faune. Les oiseaux ont par exemple commencé à présenter des tumeurs. Des anomalies génétiques et une diminution du taux de reproduction ont été observées chez certains mammifères.

Mais cette année, des chercheurs ont remarqué des changements sur le site de la pire catastrophe nucléaire de l'histoire.

Timothy Mousseau, biologiste à l'université de Caroline du Sud, a observé avec ses collègues que certaines espèces d'oiseaux produisaient plus d'antioxidants pour se protéger contre leur environnement radioactif. Une étude publiée dans le journal scientifique Current Biologyconclu que la zone d'exclusion autour de la centrale commence à ressembler de plus en plus à une réserve naturelle, grouillant d'élans, de cerfs, de sangliers et de loups.

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Aigles pomarins bébés. (Photo de Valeriy Yurko)

« Il est très probable que les populations animales à Tchernobyl soient bien plus nombreuses qu'avant l'accident, » explique Jim Smith, professeur de l'université de Portsmouth, au Royaume-Uni. « Cela ne signifie pas que les radiations sont bonnes pour la vie sauvage, mais simplement que l'impact des habitations et activités humaines, y compris la chasse, l'agriculture et l'activité forestière — était bien plus néfaste. »

Des études antérieures ont démontré que, dans les mois qui ont suivi la catastrophe, les fortes doses de radiation émises par l'explosion et l'incendie qui a suivi ont considérablement réduit la population animale dans la zone d'exclusion de 2 600 km2 autour de la centrale. De nombreux animaux touchés vivaient dans la Forêt Rouge — ainsi nommée parce que les arbres de la zone sont tous devenus rouges lorsqu'ils ont été frappés par les radiations.

L'étude — qui repose sur des données recensées sur le long terme — montre que les populations animales de la zone sont en voie de rétablissement. D'après le recensement, les élans, chevreuils, cerfs et sangliers sont aussi nombreux dans la zone d'exclusion que dans les réserves naturelles voisines non contaminées. L'une des données les plus étonnantes concerne les loups, qui sont sept fois plus nombreux à l'intérieur du périmètre autour de la centrale que dans les parcs voisins.

Un lynx. (Photo de Valeriy Lukashevitch)

"En plus de cela, les données du recensement établi par survol en hélicoptère révèlent une tendance croissante de multiplication des élans, cerfs et sangliers de 1 à 10 ans après l'accident," soulignent les auteurs de l'étude. "Ces résultats montrent pour la première fois que, malgré l'impact individuel potentiel des radiations sur les animaux, la zone d'exclusion de Tchernobyl abrite une abondante population de mammifères, après près de trois décennies d'exposition chronique aux radiations."

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Le regain de vie sur le site semble lié au fait qu'il demeure inaccessible aux dizaines de milliers de personnes qui vivaient autour de la centrale avant la catastrophe — y compris les agriculteurs et les chasseurs. Le phénomène est comparable à celui observé dans la zone démilitarisée entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, une étroite bande de terre truffée de mines qui est devenu un sanctuaire pour les sangliers, cerfs et des centaines d'espèces d'oiseaux qui y séjournent en période hivernale.

Un loup. (Photo de Valeriy Yurko)

« Ces données uniques montrent que de nombreuses espèces animales ont continué à se reproduire à quelques kilomètres de Tchernobyl, » explique Jim Beasley, co-auteur de l'étude et chercheur à l'université de Géorgie (États-Unis). « Cela illustre la résilience des populations d'animaux sauvages quand celles-ci sont libérées des pressions inhérentes à la présence des humains. »

Les auteurs de cette étude montrent aussi que la recrudescence des populations animales est due à une baisse significative des niveaux de radiation. En revanche, les animaux continuent d'accumuler les rayonnements radioactifs sur leurs corps.

« Les gens demandent, « Vous avez été surpris par vos découvertes ? » En un sens, pas vraiment, » explique Smith. « On ne s'attendait pas forcément à observer des effets gravissimes — des effets qui auraient dégradé les populations animales. On s'attendait à observer des effets néfastes sur certains animaux, mais pas sur des populations entières. »

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Une belette. (Photo de Valeriy Yurko)

Mousseau, qui n'a pas pris part à la dernière étude, explique que celle-ci est « une très bonne chose dans le domaine de la recherche, qui vise à comprendre les impacts sanitaires et environnementaux des accidents nucléaires. » Il a néanmoins un bémol. L'étude se concentre principalement sur les gros mammifères — cibles privilégiées des chasseurs — et non sur les oiseaux, insectes et les plus petits mammifères. »

« De fait, l'étude ne répond pas à une question fondamentale : comment les populations naturelles sont affectées après une contamination radioactive, » explique Mosseau, qui étude la faune autour de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. « L'étude ne nous dit pas si les radiations ont des effets sur la reproduction, la survie, la longévité, ou la santé générale des animaux étudiés. Les trouvailles de l'étude sont plutôt une réflexion sur les impacts de la vie humaine et de la surexploitation de ressources naturelles en cas d'absence de mesures de protection. »

Un élan. (Photo par Valeriy Yurko)

Mousseau est sceptique quant à la théorie qui voudrait que l'absence d'êtres humains ait permis à la faune de se développer autour de Tchernobyl.

« Les auteurs estiment que l'absence d'être humains dans la région a donné une augmentation de la population des gros mammifères, » explique Mousseau. « Cet argument ne tient pas puisque les populations de chevreuils, de cerfs, de sangliers, de loups, de lynx et beaucoup d'autres ont augmenté de manière exponentielle de partout en Europe, depuis 30 ans — sans que la population humaine évolue dans le reste de l'Europe. «  Le consensus parmi les spécialistes des mammifères est le suivant : une augmentation de l'abondance de nourriture et une amélioration climatique ont permis ces changements. »

Suivre Michael Casey sur Twitter : @Mcasey1