Le futur du Camera Club de New York

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Le futur du Camera Club de New York

Depuis 1885, ce club qui aide les jeunes talents à trouver leur voie a accueilli des photographes comme Paul Strand et Pierre Le Hors.

Depuis 1885, le Camera Club de New York aide les jeunes photographes à trouver leur voie dans un univers en constante évolution. Il compte parmi ses anciens membres des personnalités comme Alfred Stieglitz, qui a aidé à sa construction, et Paul Strand, qui en a poussé la porte à l'âge de 17 ans. Plus récemment, Pierre Le Hors et Allen Frame (l'actuel président du club), contributeurs de VICE, ainsi que votre serviteur, ont rejoint ses rangs.

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Cet été, quand le bail du local où était établi le club a pris fin, il a fallu chercher un nouveau lieu, ce qui s'est avéré très délicat. L'ancien espace était équipé d'un studio et d'une petite galerie ainsi que de chambres de développement pour les photos couleurs et noir et blanc. Ce genre d'installations devenues inutiles, le club avait besoin de se moderniser pour suivre les tendances photographiques émergentes. Alors, ils ont fait leurs paquets et se sont installés dans un local de Chinatown, sur Baxter Street.

Bien qu'il manque au nouvel endroit les traditionnelles chambres noires, les adhérents ont désormais accès aux équipements du Centre international de photographie pour leurs impressions. Aussi, la salle d'exposition est bien plus belle que l'ancienne et ne pouvait être mieux située.

La première expo à Baxter Street a pour thèmes la famille et les temps à venir. Elle est intitulée Mon's Future et met en lumière les œuvres de Fryd Frydendahl. L'artiste a tenté d'imaginer ce que pourrait devenir une petite fille et de qui elle pourrait tomber amoureuse. Pour en savoir plus sur cette inhabituelle façon de prédire le futur, j'ai discuté avec Fryd, diplômée de Fatamorgana, l'école alternative de photographie de Copenhague créée par Morten Bo.

VICE : C'est la première fois que vous exposez au Camera Club ?
Fryd Fydendahl : Oui. L'exposition est co-organisée avec mon ami Megumi Tomomitsu avec qui je reviens du Centre international de photographie. Pour exposer au club, vous avez besoin d'avoir un organisateur – ça fait partie du fonctionnement. Megumi et moi travaillons ensemble depuis six ans environ. Nous avons même une société de production nommée « Birds Production ».

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Elle vient tout juste d'avoir un bébé et a du coup mis quelque peu sa production artistique entre parenthèses. J'ai pensé que nous pourrions faire quelque chose ensemble de cet heureux événement. Ainsi, l'exposition est en quelque sorte au sujet de son bébé.

Votre boite de production a été montée dans un but commercial ?
On fait des vidéos musicales, un travail très conceptuel. C'est fun et ça a toujours servi à nous soulager de nos travaux photographiques respectifs. C'est amusant et plus léger.

J'ai beaucoup d'amis qui ne sont pas dans la photo, mais plus vous vous impliquez dans un domaine, plus il est simple de trainer avec des gens qui font la même chose que vous. Tout ce qu'on veut c'est travailler, non ? Mélanger le travail et l'amitié, c'est parfait.

Donc c'est ainsi que ça a débuté. Megumi a eu un enfant Nippo-Américain. Elle est Japonaise et je suis Danoise. On a beaucoup réfléchi à comment Mon allait grandir ici et ce que ça allait changer. C'est ainsi que la conversation au sujet de ces portraits de femmes a débuté. Et ensuite, on a fait trois portraits de garçons qui sont ses éventuels futurs petits amis.

Donc les modèles de l'exposition sont les femmes que Mon pourrait devenir et ses potentiels petits amis.
Oui, c'est censé être léger et traité avec humour. J'ai l'habitude de faire prendre aux femmes des poses embarrassantes.

Vous prenez également votre famille en photo.
Je travaille énormément avec ma famille, et cela découle d'une histoire très difficile. Je pense qu'il est important de regarder de temps à autre les choses avec plus de légèreté. Les photographes ont une prédisposition pour travailler à partir des traumatismes.

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Quand vous allez à l'école, vous commencez à comprendre ce que signifie « travailler sur vous-même ». Pour nous, artistes photographes, il s'agit de notre point de départ. Lorsque j'enseigne, c'est avec ça que « j'accroche » les étudiants. À un moment donné, vous avez assez travaillé sur vous-même pour le comprendre et pour pouvoir vivre avec vos traumatismes de sorte à ce qu'ils ne soient pas trop lourds à porter.

Je fais beaucoup de vidéos burlesques et à l'humour pince-sans-rire. Tous les personnages de mes histoires sont toujours tristes. L'humour est triste. C'est sa place. La dernière fois, j'appelais ça la « piscine à traumatismes ». Vous voyez, vous pouvez juste faire trempette dans cette piscine, saisir ce traumatisme et l'utiliser d'une façon productive.

Mais c'est une exposition remplie d'espoir.
Je suis comme ça. Mais je suis aussi une personne qui est réellement enthousiaste à l'idée que ma comparse a eu une petite fille magnifique. Ça nous procure énormément de rires et des conversations que nous n'avions jamais eues auparavant. J'ai un accent danois et Megumi un japonais, mais ce gosse va grandir ici et nous parler en anglais américain. Ce qui est terrifiant d'une certaine manière, parce que c'est vraiment éloigné de qui nous sommes.

La pièce principale de l'exposition est une photo de Megumi. Elle devait y figurer. En ce moment, on a une stagiaire dans notre boite de production, une Danoise, et il y a également une photo d'elle. Nous avons aussi pris la route et photographié des inconnus – ce qui était vraiment intéressant parce qu'on l'a fait avec Megumi enceinte, son mari et notre stagiaire, le tout embarqué dans cette petite voiture inondée de folie. On est allés dans le New Jersey et à Staten Island et on disait : « Hey, on peut vous prendre en photo ? Voilà le projet. »

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Une des photos de l'exposition est mon neveu. D'ailleurs, je réalise un projet sur mes neveux. Je voulais qu'il y soit. C'est pour donner à Mon une représentation d'où je viens.

C'est une affaire de famille.
Vous savez, tant de gens qui s'installent à New York sont vraiment éloignés de leur pays d'origine.

C'est le propos de la série Friends.
Oui, Mon et Megumi sont en quelque sorte mes compagnons de canapé, comme dans la série.

Plusieurs photos de l'expo sont identiques, sauf qu'un dégradé a été rajouté sur certaines. Pourquoi ?
Je prends des photos en analogique, souvent avec des vieilles pellicules 120 ou 35 mm périmées. C'est ce que j'ai fait pendant longtemps. Je viens de faire une exposition au Danemark, Salad Days, qui, dans la même veine, présentait des portraits de jeunes mal à l'aise et nerveux. Pour le flyer de cet événement, j'y ai mis un dégradé comme effet visuel et ça a donné cette impression d'être séparé de la réalité. Je ne sais pas ce que sera le futur de Mon. On peut simplement l'imaginer ou faire des suppositions. Donc j'ai trouvé que les dégradés faisaient l'effet d'un calque fantaisiste.

Comment le club vous-a-t-il aidée ?
Il diffère énormément des autres communautés du monde de la photographie car, dans beaucoup d'autres, il y a aussi de l'argent en jeu. Si vous avez une exposition dans une galerie, ça reste des rapports commerciaux. Cela peut bien sûr évoluer en quelque chose d'autre, mais il y aura toujours ce côté. C'est aussi le cas avec le club parce qu'il a besoin de vivre, de respirer et de fonctionner, mais ce n'est pas une question d'argent ; il s'agit avant tout de faire perdurer une communauté. Comme dans n'importe quel petit club, ça papote et de petits groupes se forment, mais dans l'ensemble, les gens aiment ce qu'il est.

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Récemment, j'ai co-organisé la convention de la revue du club à la Foley Gallery. C'était la première fois que je faisais quelque chose de ce genre. C'était excitant car c'était un nouvel espace, un espace temporaire, mais vraiment dans l'esprit du club.

J'ai aussi l'impression que c'est une super première exposition pour cet espace. C'est un peu sur le futur, mais également sur la famille et je pense que le club est une sorte de famille étrange.
Ouais, comme une famille recomposée. Quand on y fait un vernissage, il y a des éléments qui à chaque fois me rendent heureux. Les gens s'aident les uns les autres ; il n'y a pas d'égoïsme.

Il n'est pas question de concurrence. Au Danemark je ne sais pas, mais à New York, la photographie, c'est un tas de gens qui se marchent dessus pour obtenir un job ou une expo. Je n'ai jamais eu ce sentiment au club. Tout le monde souhaite s'entraider.
C'est authentique. Les gens sont heureux parce que vous l'êtes. C'est comme une joie intense et bizarre.

Découvrez le travail de Fryd sur son site

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