FYI.

This story is over 5 years old.

Stuff

L'histoire de mon avortement

Lorsque j'ai découvert que j'étais enceinte, je me suis dit : « C'est l'occasion idéale pour que grand-mère m'apprenne tout un tas de choses. » Je pouvais aller m'installer dans le studio qui jouxtait leur maison et elle aurait pu m'apprendre à être...

L'année dernière, je me suis fait mettre en cloque par un « coach amoureux ». Je ne peux même pas dire que je me suis fait avoir naïvement, vu que je connaissais sa profession. J'avais même déjà participé à une de ses téléconférences, au cours de laquelle il aidait une poignée d'hommes de différentes régions du globe à se glisser sous les jupes des filles bourrées de leur localité. Il avait réussi à me dégoûter et à m'intriguer en même temps.

Publicité

On s'est rencontrés à une réunion des narcotiques anonymes. C'était un bon orateur. Discours concis, efficace. Pendant trois mois après ça, on s'est fait la cour sur Skype, alors qu'on était tous les deux par monts et par vaux : moi à San Francisco, lui à Rio ; moi à Austin, lui à Trinidad. J'ai appris qu'il avait deux enfants que je n'ai jamais vus, avec une femme qu'il ne respectait pas – du moins de ce qu’il m’en disait. Il détestait sa mère, et il m'a confié qu'il avait encouragé sa première copine à coucher avec plusieurs hommes devant lui, afin de l'aider à « passer outre » un viol en réunion qu'elle avait subi plusieurs années auparavant. Il avait un peu honte en me racontant cette histoire, mais ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. J'aurais dû prendre le large à ce moment-là.

Au bout d'une semaine passée à coucher ensemble, j'ai fait un truc que je déteste faire : j'ai regardé les messages sur son portable. Je sais que c'est une violation de l'intimité. Je sais que c'est horrible de faire ça. Je sais que c'est malhonnête et que c'est de la merde. Mais je l'ai fait. J'ai trouvé un message de son ex qui disait : « Je sais que quelque chose ne tourne pas rond. Quelque chose me manque. Je n'ai pas envie de te perdre. Si tu veux que je perde du poids, je le ferai. Ne me quitte pas, je t'en supplie. Si tu pars, je perds ma raison de vivre. » Des vagues de nausée m'ont submergée. Comme je ne voulais pas lui avouer ce que j'avais fait, il fallait que j'arrive à faire en sorte qu’il m’en parle de lui-même. Un midi, alors qu'il était préparait le repas, il a reçu un appel. J'ai vu le nom de cette fille s'afficher sur l'écran et il a rejeté l'appel. Jusqu'au soir, j'ai fait comme si de rien n'était, jusqu'à ce que, pendant qu'on faisait l'amour, je ne puisse plus me retenir de parler.

Publicité

« Toi et moi, ça ne sera jamais sérieux », ai-je dit, en continuant à le chevaucher lentement.

« Tu sais bien que tu me fais craquer ». Il m'a regardée.

« Tu as déjà une copine », ai-je dit.

« T’as l'air très sûre de toi, quand tu dis ça.

– Je dois t'avouer un truc. Tu vas pas être content.

– Qu'est-ce qu'il y a ?

– J'ai regardé ton portable. J'ai lu tes messages. Je sais que tu as une copine.

– Et qu'est-ce que tu ressens ? » Il m'a attrapée par les hanches et m’a pénétrée d’un coup sec.

Quelle horreur, ai-je pensé.

« Si t’as une copine, je ne peux pas sortir avec toi », ai-je dit.

« Je n'avais pas peur que tu apprennes la nouvelle. J'avais seulement peur de te le dire.

– Même. Je ne peux pas sortir avec toi. » Il m'a poussée sur le côté et est venu sur moi.

« Je comprends ». Il a glissé vers le bas de mon corps, en m'embrassant.

Putain, qu'est-ce que je fais ?

On a joui tous les deux et puis on a continué nos routes, séparément. Cette semaine, j'ai lu un livre que je lui avais volé, Lust Anger Love de Maureen Canning, une thérapeute spécialiste de la dépendance au sexe. Son livre évoque un large panel de dynamiques et d'obsessions de couples taboues, et elle met le doigt sur les situations précises vécues par les enfants et recréées dans leur vie d'adulte. Le motif qui se dessinait pour moi était clairement d'aller vers des hommes inaccessibles. Tous les hommes avec lesquels j'ai eu une histoire, sans exception, étaient soit l'ex d'une amie, l'ami d'un ex, sortait d'une relation et avait encore son ex dans les jambes, ou avait tout un tas d'amies avec lesquelles je me sentais en compétition.

Publicité

Deux semaines plus tard, j'étais assise sur mon lit. Tu es enceinte, me disait mon cerveau. Alors qu'une personne normale serait allée à la pharmacie chercher un test de grossesse, j'ai décidé d'écouter des percussions amérindiennes et de méditer en demandant à mon corps s'il était vraiment porteur d'un futur être humain. Après quelques instants allongée sur le dos, les yeux fermés, j'ai senti une source de chaleur partir du haut de mon crâne et descendre le long de mon corps pour s'arrêter au-dessus de mon utérus. Putain, merde, ai-je pensé.

Trois mois plus tôt, j'avais rendu visite à mes grands-parents adoptifs pour les vacances. Pour moi, ce sont mes parents. Je suis partie vivre chez eux lors de la séparation de mes parents, quand j'avais 14 ans. Ils m'ont laissée me développer, m’ont regardée devenir une adolescente rebelle et droguée tout m'entourant d'un amour inconditionnel. À 21 ans, après avoir touché le fond, je me suis sevrée et je suis retournée vivre chez eux. Ils m'ont accueillie chaleureusement et m’ont fait savoir que j'étais libre d'aller et venir comme je le sentais, et que leur maison serait toujours la mienne.

Cet hiver-là, la mémoire de mon grand-père avait tendance à dangereusement flancher, et ma grand-mère était secouée de tremblements sévères qui l'obligeaient à rester assise à longueur de journée. Alors que sa santé mentale à elle allait parfaitement bien, la sienne à lui déclinait. Alors que sa santé physique à lui allait très bien, la sienne déclinait. La seule chose que mon grand-père était encore capable de faire, c’était de se promener, alors qu'elle ne pouvait plus l'accompagner ; elle, elle avait besoin d'aide dans la maison, mais il ne pouvait plus s'en occuper. J’ai eu une attaque de panique lorsque les ai imaginés en train de mourir.

Publicité

Je me suis assise et j'ai écrit à ma grand-mère une lettre de quatre pages où je lui disais à quel point elle avait changé ma vie. Les larmes ont jailli alors que j'extériorisais mes peurs sur le clavier : peur qu'elle ne meure avant que j'aie appris à cuisiner, ou que je sois devenue mère moi-même. Je lui ai dit qu'elle avait été la meilleure mère que j'avais jamais eue, et que c'était la seule à pouvoir m'apprendre les choses pratiques de la vie. Comme je n'avais aucun contrôle sur les événements, à savoir quand elle allait mourir ou quand j'allais trouver un partenaire, je voulais qu’elle réponde à une douzaine de questions, parmi lesquelles : comment être une bonne partenaire, comment cuisiner, comment jardiner, comment être une bonne mère.

La lettre l'a fait pleurer. Le lendemain, elle m'a rassurée en me disant que je m’en sortirais bien, qu’elle en était sûre, puis elle s'est rendue chez mon oncle et ma tante pour leur demander de jouer le rôle de parents pour moi lorsqu'elle et grand-père seraient morts. Je ne m'attendais pas à cette réponse. Je pensais qu'elle allait me retourner un manuscrit écrit à la main – une sorte de Comodo personnalisé pour sa petite-fille déglinguée et tatouée.

Lorsque j'ai découvert que j'étais enceinte, je me suis dit : « C'est l'occasion idéale pour que grand-mère m'apprenne tout un tas de choses. » Je pouvais aller m'installer dans le studio qui jouxtait leur maison et elle aurait pu m'apprendre à être une bonne mère. J'aurais pu apprendre à cuisiner et à jardiner, et même, un jour, devenir une bonne partenaire pour l’homme que j’élirais. Comment je pourrais rater l’éducation de cet enfant, si une telle femme me guidait dans la maternité ?

Publicité

J'ai envoyé un message au coach amoureux avec deux photos des tests de grossesse positifs qui étaient posés sur mon bureau. Mon portable a tout de suite sonné.

J'ai répondu : « Hey.

– Salut. Euh… wow.

– Ouais », ai-je dit.

« Et du coup, qu'est-ce que tu vas faire ?

– Je ne suis pas sûre. Je veux le garder.

– Je ne veux pas le garder », a-t-il répliqué.

« Wow. OK. Cool. » Sa brusquerie m'avait assommée. C'était le même gars qui, au milieu d'un orgasme, m'avait demandé si je voulais porter ses enfants.

« Cool ? Qu'est-ce que ça veut dire ? », a-t-il dit.

« Ça veut dire “cool”. Je te ferai part de ma décision », ai-je dit.

« Je suis censé décider, moi aussi.

– Tu l'as fait. Tu as donné ton avis et je te ferai part de ma décision.

– D'accord, mais ça m'affecte aussi.

– Cool.

– Je financerai n'importe quelle opération.

– D'accord.

– D'accord ? Je dois prendre ça pour un oui ? », m'a-t-il demandé. Je pouvais le sentir flipper.

« Ça veut dire : “Je te ferai part de ma décision.” »

On a raccroché. J'ai eu envie de vomir.

Au fur et à mesure que les jours passaient, je sentais mon corps changer et se transformer, comme si j'étais traversée par un courant électrique. Bien que ce gars n'ait clairement pas été le candidat idéal pour être le père de mon futur enfant, je me suis dit que c'était le moment d'aller de l'avant. J'ai fait le point : j'avais 28 ans, ça faisait sept ans que j'étais clean, et tous les membres de ma famille biologique avaient eu des enfants jeunes. J'étais certainement plus saine qu'eux, en tout cas sur le plan de la drogue. En plus, j’avais à peu près réussi à me construire une carrière. Tous ces signes semblaient m’indiquer que j'étais entrée dans l'âge adulte.

Publicité

Et puis j'ai appelé ma grand-mère, l'être le plus attentionné au monde. J'avais déjà réservé un billet d'avion pour la Californie cette semaine-là parce que c'était son anniversaire, mais j'avais décidé qu'il valait mieux lui annoncer la nouvelle d'avance, au téléphone, afin d'épargner à ma mémoire l’éventuelle cicatrice d'une réaction faciale inattendue.

« Frankie ! », a-t-elle suffoqué. « Tu es une femme éduquée pourtant !

– Je sais… », ai-je répondu tristement.

« Oh, je suis très déçue. »

Mon cœur s'est brisé.

« Eh bien, je ne pense pas que ce soit une bonne idée, mais c'est ta décision. »

Suis les conseils de ceux qui ont ce que tu désiresest une phrase typique du programme en 12 étapes. En d'autres mots : ne demande pas de conseils sur la fidélité à un infidèle, ou encore : ne demande pas à un endetté comment t'occuper de ton argent. Ma grand-mère avait ce que je désirais : une histoire d'amour longue de cinquante-huit ans avec un homme incroyablement aimant et une famille magnifique.

J’ai rendu visite à ma grand-mère en Californie en ayant préalablement décidé de ne pas repartir avant d'avoir compris ce que j'allais faire de ma putain de vie. En arrivant, je l'ai trouvée dans la cuisine. Elle a arrêté de cuisiner et m'a prise dans ses bras.

« Oh, Frankie », a-t-elle dit. « Je suis tellement désolée que tu doives en passer par là. » Je me suis mise à pleurer et lui ai dit, d'une petite voix haut perchée : « Merci, je t'aime. »

Publicité

« Nous t'aimons aussi. Il y a des cookies dans le placard. »

J'ai souri.

**

La semaine qui a suivi, j'ai examiné le sujet sous tous les angles possibles, en discutant avec toutes les personnes que je voyais. Garder le bébé ; ne pas le garder ; le faire adopter ; le donner à un couple d'amis proches ; le donner à un couple gay. Le garder. Ne pas le garder. Je suis allée dîner avec un gars que j'avais embrassé à San Francisco, un mois avant de tomber enceinte. C'était un bel Anglais qui cuisinait comme un gourmet, aimait s’exercer au tir, avait un grand sens de l'humour et une carrière stable. C'était celui qui aurait dû me mettre enceinte.

« Tout va bien. Faisons l'amour jusqu'à ce que ça décroche le bébé », a-t-il dit dans le restaurant indien où nous étions. Il a ri. J'étais écœurée. Plus tard, j'ai vomi ce que j'avais mangé.

Je suis allée à une réunion pour femmes, celle où j'étais allée quelques années auparavant, alors que j'étais déglinguée et SDF. J'y ai pleuré, honteuse et embarrassée par ma situation. Deux femmes d'une quarantaine d'années voulaient adopter le bébé, une troisième m'a prise dans ses bras et les larmes ont coulé le long de ses joues. Elle m'a dit qu'elle venait d'avorter de deux jumeaux, le mois dernier. Une amie proche m'a raccompagnée jusque chez moi en voiture, et elle m’a conseillé d’avorter.

« Je suis persuadée que si une génération naissait dans laquelle tous les enfants étaient désirés, désespérément désirés par leurs parents, le monde en serait changé. » N'était-ce pas ce que je souhaitais ? « Je suis aussi inquiète, parce que j'ai l'impression qu'Ian et moi allons finir par devoir élever cet enfant. »

Publicité

C'était une possibilité. Elle et son mari étaient pour moi les meilleurs parents potentiels.

Sur le chemin de ma troisième séance de psychologue, je me suis arrêtée dans une clinique d'avortement. Après en être sortie, j'ai appelé le coach amoureux.

« Qu'est-ce que tu penses de l'adoption ? Il y a tellement de couples gay à San Francisco. J'ai été adoptée et ma mère adoptive a été adoptée. Ça pourrait être vraiment cool. On pourrait aider à la fondation d'une famille. » Je lui ai confié mes pensées, enthousiaste.

« Frankie. Non. Je ne veux pas que quelqu'un d'autre élève mon enfant », m’a-t-il coupée.

« Vraiment ? Tu voulais que j'avorte mais tu ne veux pas que le bébé soit adopté ? », ai-je demandé.

« Non ! C'est totalement différent. Si le bébé est en vie, je veux l'élever. Je veux faire partie de sa vie.

– Donc tu es d'accord pour que je le mette au monde ?

– Non. Je ne veux pas que tu le mettes au monde et je ne veux pas que tu le fasses adopter.

– Tu te fous de moi ». Je le détestais de toute mon âme. J’aurais voulu qu’il brûle en enfer.

Chez ma psychologue, je lui ai parlé de la clinique, du coup de fil, et j'ai fondu en larmes.

« Quel mode de vie tu souhaites ? » m'a-t-elle demandé. « Qu'est-ce que tu veux réellement?

– Je veux finir mon livre, voyager autour du monde et tomber amoureuse d'une personne avec laquelle je pourrai construire ma vie.

– D'accord », a-t-elle soupiré. « Rien de tout ça n'est compatible avec le fait d'avoir un enfant. Frankie, il y a tellement de choses incomplètes dans ta vie – ne pas savoir où étaient tes parents pendant presque toute ton enfance en est une majeure. Si tu faisais adopter ton enfant, ce serait comme si tu laissais une autre porte ouverte. Je sais que tu as déjà réfléchi au problème, mais je veux que tu réfléchisses vraiment à ce que tu veux. C'est une opportunité pour toi de faire une priorité de ce qui n'en a jamais été une pour tes parents, et de faire quelque chose qu'ils n'ont jamais été capables de faire. »

Publicité

Je voulais l'appeler Odessa. Si je me fiais à la fréquence de mes vomissements, c'était une fille. Elle aurait été 25 % japonaise, 25 % républicaine blanche dévouée et 50 % gitane hippie libérale. Si la dépendance est génétique, elle serait certainement confrontée au problème.

Adolescente, j'étais une enragée, je clamais haut et fort que ma mère biologique aurait dû avorter. Je disais à mes camarades : « Ça n'a rien avoir avec le fait que je me déteste ; non, je suis heureuse d'être en vie, mais c'est un problème pratique : les drogués ne devraient jamais avoir d'enfants. » Je n'aurais jamais imaginé devoir me débattre avec mes propres opinions, ni avoir des accès de panique en imaginant ce que les gens pensaient de moi. J'étais pétrifiée – pas seulement que vous me jugiez pour avoir encore une fois de plus couché avec le mauvais mec, mais aussi que vous me jugiez folle d'avoir pu penser que je pouvais être maman.

Après la séance de psychologue, je suis rentrée à la maison et j'ai annoncé à ma grand-mère que j'avais changé d'avis, et que j'avais décidé d'avorter. Elle m'a prise dans ses bras. « Je pense que tu fais le bon choix. » Je suis allée dans ma chambre et en suis sortie plusieurs heures plus tard avec un plan.

« Voilà, il y a toutes sortes de techniques hippies sûres sur Internet », ai-je dit à ma grand-mère, alors qu'elle préparait le dîner. « Il y en a une qui dit que si on boit un thé hyper concentré en persil, le trop-plein de vitamine C va me faire rejeter la grossesse de façon naturelle. »

Publicité

Elle m'a lancé un regard curieux avant de hausser les épaules et d'aller chercher sur l'étagère des livres de cuisine l’Encyclopédie des herbes illustrée de Rodale. Elle l'a posée sur la table et a tourné les pages jusqu'à l'article concernant le persil. « On dit que les Romains utilisaient le persil au cours de leurs orgies pour éviter de sentir l'alcool et que ça les aidait aussi à digérer. Les Grecs associaient le persil au néant et à la mort. » Nous avons hoché la tête à l'unisson.

« Eh bien, j'ai du persil dans le jardin ; tu es sûre de ne pas vouloir aller au planning familial ? » m'a demandé ma grand-mère.

« J'irai si le persil n'agit pas. Je veux essayer. Ça fait sorcière, ça fait païen. C'est la bonne chose à faire », ai-je dit, comme si mon corps savait ce qu'il me fallait.

« D'accord », a dit ma grand-mère avec un haussement d'épaules. Elle a attrapé les ciseaux et m'a montré où était le persil.

<--!nextpage-->

D’après les instructions que j’avais lues sur Internet, il fallait que je m'enfonce du persil au fond du vagin ; je n'en ai pas parlé à ma grand-mère. Je me suis dit dit qu'elle n'avait pas besoin de tout savoir. Après avoir lavé la plante, enlevé les feuilles de la tige et fait bouillir de l'eau pour le thé, j'ai mis une tige en moi et patienté. J'ai bu le thé. J’ai attendu encore.

Dix-huit heures plus tard, j'ai commencé à saigner. Pas de contractions, simplement une légère traînée rosâtre lorsque je m'essuyais. J'avais une séance avec ma psychologue. J'ai déboulé dans son bureau et je lui ai annoncé que j'avais du persil dans le vagin.

Publicité

« Attends ! Quoi ? Frankie, il faut que tu ailles à l'hôpital ! » a-t-elle dit.

« D'accord », ai-je soupiré.

Je suis allée aux toilettes, j’ai enlevé la tige et je l'ai jetée aux chiottes. J'ai tiré la chasse, puis je me suis rendue à l'hôpital. Je leur ai dit que je saignais mais je n’ai pas mentionné le persil. Après six heures d'examens, on m'a autorisée à rentrer chez moi.

Le jour suivant, j'ai appelé le coach amoureux. Il m'a proposé de venir pour l'avortement. Je ne voulais pas de lui. Je refusais de penser à ce qui s'était passé ou au fait que je le détestais amèrement, ou pire – les seules façons dont je pensais encore à lui. J'étais dégoûtée du moi qui voulais encore qu'il m'aime et qui voulais avoir son enfant, même si je savais que c'était n'importe quoi. Je détestais ça.

Le jour de l'opération, une amie qui voulait adopter le bébé m'a amenée à la clinique.

« Tu veux que j'annule mes rendez-vous de la journée ? », m'a-t-elle demandé.

« Non, merci. Ça va aller. » Elle m'a prise dans ses bras.

J'ai appelé mon sponsor des narcotiques anonymes – une infirmière qui avait passé plus de dix ans en désintoxication, et qui avait deux enfants à sa charge. « Comment te sens-tu ?

– Triste. Je n'ai pas l'impression d'avoir décidé de me faire avorter. J'ai l'impression que je ne fais que suivre l'avis de ceux qui m'aiment.

– Tu vas ressentir énormément d'émotions différentes. Tu vas prendre des médicaments antidouleur ?

Publicité

– Oh, ça devrait aller.

– D'accord, c'est bien. Les drogués font souvent des rechutes lorsqu'ils prennent des médicaments. Dis-leur que tu es en désintox, et rappelle-moi pour me faire savoir ce qu'ils peuvent te donner. »

J'ai posé la question à l'infirmière qui s’est occupée de moi. « Il y a trois options. » Elle a sorti une feuille de papier. « Vous pouvez prendre deux Vicodin maintenant, avec une ordonnance de Vicodin pour plus tard. Ou un Valium maintenant, pour l'anxiété, plus deux Vicodin avec une ordonnance pour plus tard. Ou une injection de Fentanyl juste avant l'opération, avec 800 mg d'Ibuprofène pour après. »

J'ai senti mon estomac se retourner. Elle m'a donné la feuille. Je me suis éloignée et j'ai rappelé ma sponsor.

« Bon. Le Fentanyl va te faire effet tout de suite et va vite s'estomper », m'a-t-elle dit. « Le Vicodin va mettre du temps à faire effet et tu vas devoir faire attention à ne pas t’en faire represcrire. Tu es anxieuse ? Tu penses que tu as besoin du Valium ?

J'aime bien le Valium, mais je ne me sens pas anxieuse. Je suppose que ça veut dire que je n'en ai pas besoin, et je ne pense pas que je devrais ramener des drogues à la maison, au cas où j'aurais envie de tout avaler comme des bonbons. » Je ne plaisantais qu'à moitié. « Et puis je ne me suis jamais injecté quoi que ce soit, du coup, honnêtement j'ai l'impression que le Fentanyl est la meilleure solution. Mais c'est peut-être fou de faire ça. Qu'est-ce que tu ferais à ma place ?

Publicité

– Je prendrais certainement le Fentanyl.

– D'accord. Je pense que c'est ce que je vais faire, alors.

– Bien. Appelle-moi quand c'est fini pour me dire comment tu vas. »

J'avais imaginé une scène d’avortement horrible, où on m’aurait coincé un aspirateur entre les jambes pour sucer l’œuf fécondé, et mon utérus et ma vessie auraient suivi. Une infirmière a appelé mon nom, m'a menée jusqu’au bloc opératoire et m'a demandé de me déshabiller à partir de la taille. Mon estomac se tordait. Peu après, un docteur et deux infirmières, toutes des femmes, sont entrées. Elles se sont présentées et m'ont décrit ce qui allait se passer au cours de l'opération. L’une d’elles serait là pour me tenir la main et me réconforter, pendant que le docteur et l'autre infirmière pratiqueraient l'avortement. Elles m'ont demandé si j'avais des questions.

« Ça va faire du bruit ? », ai-je demandé.

« Peut-être un faible cliquetis, mais rien de très important.

– Pas de bruit genre aspirateur ? »

Elles ont ri, ont nié, et m'ont demandé de m'allonger sur la table pendant qu'elles faisaient un sonogramme. J'ai tenu la main de l'infirmière.

« Vous voulez voir le sonogramme ? », a demandé le docteur. J'ai regardé l'infirmière qui me tenait la main.

« Je ne devrais pas, si ? » Elle m'a souri gentiment. « Qu'est-ce que font les gens normaux ?

– Il y en a qui veulent voir, et il y en a qui ne veulent pas », a dit l'infirmière qui me tenait la main.

Publicité

« Je le veux, mais je pense que je ne devrais pas. » Je les ai regardées, cherchant de l'aide.

« C'est votre décision », m'a dit le docteur. J'ai pris une grande inspiration.

« Je veux le voir », ai-je dit.

Elles ont imprimé deux clichés en noir et blanc. Là, en moi, il y avait ce petit truc qui ressemblait à un haricot. J'ai senti mon cœur se resserrer. Tout va bien. Tout va bien se passer. Je sentais cette petite âme muette me dire que tout irait bien, que nous nous rencontrerions de nouveau et qu'il ne fallait pas que je me fasse du souci.

« Est-ce que je peux le prendre en photo ? » ai-je demandé.

« On peut vous en donner une copie, si vous signez une décharge », a dit le docteur en souriant.

« Oui ! »

Je me suis allongée sur la table et l'infirmière a planté la perf dans mon bras. J'étais en admiration devant cette équipe de saintes : des femmes qui aidaient d'autres femmes à assumer la décision la plus déchirante de leur vie. Alors que les drogues commençaient à faire effet, je me suis mise à parler. « Ma grand-mère et mon grand-père se sont rencontrés dans un cours d'espagnol et ils ont gagné leur vie en tant que potiers, mais mon grand-père est en fait architecte et… grand-mère… m'aime… mais elle ne pensait pas… » Wow, ai-je pensé, je suis défoncée. Des éclairs blancs sont passés devant mes yeux. J'ai pris une grande inspiration.

« Purée, j'aime la drogue », ai-je soupiré.

Elles ont ri.

« Je ne sais pas ce que j'ai… avec les drogues… ça c'est dingue… » J'ai commencé à entendre l'écho de mes propres paroles. « Ça c'est certainement… le truc… que je pense… c'est… un sacré… truc. »

J'ai essayé de regarder l'infirmière qui me tenait la main, les yeux brouillés.

« Oh ouais ! J'ai… passé sept ans… clean, nickel… c'est la première fois… avec la drogue… que j'en reprends. SEPT. ans… Je suis en voie de guérison », ai-je bafouillé.

Un éclair de panique a parcouru les trois visages.

« Oh… vous en faites pas… j'ai parlé à ma sponsor… je l'ai fait… et aux autres dames, là », j'ai essayé de montrer la porte de la tête.

Après l'opération, je me suis levée et un filet de sang est tombé sur ma cuisse, puis sur mon mollet. J'ai baissé la tête et j'ai vomi. Le docteur a attrapé des serviettes. « Dans les cérémonies… amérindiennes… » ai-je dit, « on appelle ça aller mieux .» J'ai regardé la flaque de vomi. « Joli. »

Plus de filles et d’histoires à fendre le cœur :

ILLINOIS – UN BÉBÉ DANS LA FOSSE SEPTIQUE

 – Quelques conneries que les filles font après le bac 

LES FILLES DE A À Z