Dans la tête des gens qui claquent deux SMIC pour des costumes Star Wars

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Culture

Dans la tête des gens qui claquent deux SMIC pour des costumes Star Wars

La Légion 501 est une association caritative qui rassemble les fans les plus hardcore de la saga.

La saga Star Wars est devenue tellement mainstream que posséder un petit mug Dark Vador ou un T-shirt Yoda dans sa garde-robe est considéré comme socialement accepté. Bien que Star Wars ne m'ait jamais fasciné outre mesure, j'ai quand même toujours eu une tendresse pour les films. C'est donc avec un plaisir non dissimulé que je me suis baladé fin novembre dans les rayons du Comic Con parisien, supposé être la grand-messe des fans de comics – même s'il s'agit en réalité d'un immense supermarché pour geeks, où le merchandising précité se vend par palettes.

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C'est en croisant un troupeau de Stormtroopers plus vrais que nature que j'ai compris que certains prenaient le concept du déguisement excessivement au sérieux. Sous les armures se cachent des membres de la Légion 501, une association caritative mondiale de fans costumés de Star Wars, qui, quand ils n'errent pas dans les salons, se rendent au chevet d'enfants malades.

Dans les rangées du Comic Con, des Stormtroopers de la Légion 501 se baladent tranquillement. Photo publiée avec leur aimable autorisation.

Certains membres de la légion sont flics, cadres ou avocats, et vouent un culte aux films de George Lucas depuis qu'ils sont tout petits. Arrivé au niveau de leur stand, j'engage la conversation avec un mec qui rôde aux alentours, arborant un badge de la Légion. « Ça ressemble beaucoup aux costumes du film », dis-je, pensant lui faire un compliment. Le type me rit au nez : « Ça ne ressemble pas, CE SONT les costumes du film. » Il serait faux d'affirmer que les 157 membres de la Légion 501 française ont racheté les tenues portées par les acteurs des années 1970 – il s'agit de reproductions, réalisées avec un souci du détail maladif. Et cette envie de coller au plus près à la vision de George Lucas coûte un bras.

« Un costume de Dark Vador peut monter jusqu'à 6 000 ou 7 000 euros. Rien que le casque coûte 450 euros », me confirme par téléphone le chef de la Légion 501 française, quelques semaines après la convention. Il s'appelle Arnaud Miralles, il réside en Normandie, et en France, c'est le boss du game des costumes Star Wars – il en possède 13 différents, ce qui représente un investissement de près de 18 000 euros. « Et encore, je ne tiens pas compte des flingues ou des accessoires. » Pour s'acheter une tenue complète, il faut se tourner vers quelques vendeurs ultra-spécialisés. « Tu en as des spécifiques aux Vador, d'autres aux Stormtroopers », ajoute-t-il.

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Pour un accoutrement complet « aux normes » de la Légion 501, il faut débourser entre 600 et 700 euros. À ce prix-là, pas de grosse armure, mais plutôt des costumes d'officier ou de colonel, composés d'une casquette et d'une robe réalisées sur mesure par une couturière. C'est ce genre de personnages que privilégie Kévin, 26 ans, cinq costumes, dont celui du fameux Grand Moff Tarkin. Autant dire qu'au prix que cela représente, mieux vaut être sûr de son coup quant au costume à reproduire. « Moi, je les choisis vraiment au charisme. Des amiraux, des officiers… », développe Kévin, à qui la chemise verte siglée 501 donne des faux airs d'adolescent – bien qu'il soit cadre financier dans une grande boîte publique.

Si les costumes coûtent aussi cher, c'est aussi parce que les exigences pour « rentrer à la 501 » sont nombreuses. Pour sa tenue, chaque membre doit respecter à la lettre un cahier des charges long comme le bras : la braguette en cuir de Dark Vador y est détaillée à elle seule sur quinze lignes. « Chaque costume dépend d'un détachement. Tu en as un pour les Storm, les Bikers, un autre pour les Sith Lords. Et pour chaque détachement, il y a un juge qui valide ton costume ou non. Je me charge de la partie française », étoffe Arnaud. Mais ce n'est pas tout. « Par détachement, il y a aussi deux leaders au niveau mondial. Ce sont eux qui sont à l'affût des modifications éventuelles sur les costumes et qui changent le cahier des charges en conséquence. »

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Il existe effectivement des gens qui se fadent les films image par image afin de concevoir des notices de costume à l'identique. Cette organisation artisanale a d'ailleurs donné lieu à un grand chamboulement au moment du passage au Blu-Ray. Des petits détails invisibles sur les VHS ou les DVDs, comme des textures ou des coutures, sont finalement devenus visibles pour la plus grande misère de ces tarés de la précision. « Je ne te dis pas le bazar que ça nous a foutu. Pour certains costumes, les trois-quarts des pièces ont changé », se souvient Arnaud.

Conséquence de ce souci du détail quasi obsessionnel : entre l'instant où un fan se décide à rentrer dans la 501 et le moment ou il est effectivement accepté, il peut se passer un sacré bout de temps. Pour Cédric, il a fallu « quasiment six mois ». Ce fonctionnaire de police fait partie de la Légion 501 depuis un an, et a opté pour une armure de Stormtrooper. Il ne s'agit certes pas du personnage le plus marquant de l'univers Star Wars, mais le costume fait probablement partie des plus iconiques. « Ça en impose. Et quand on se balade par groupe de cinq, ça claque », m'assure Cédric.

La malle dans laquelle Cédric range son costume de Stormtrooper. Photo de l'auteur.

Le quasi-quarantenaire a découvert la Légion au détour d'une convention de fans. Fan de la saga depuis des années – au point d'appeler sa fille Leïa –, il décide d'investir après avoir vu les costumes des membres. « J'avoue, au départ, le prix m'a fait flipper. Mais je me suis dit, je ne fais pas de sport, je n'ai pas spécialement de passion, alors autant y aller à fond. » Il commence par lâcher 800 euros pour l'armure en elle-même. « Après, le temps de trouver la combinaison en dessous, les chaussures… J'ai dû lâcher 2 000 euros pour qu'il soit validé. »

L'apparence de son costume est fidèle au cahier des charges, mais c'est tout. « Il y a des types qui font aussi l'intérieur pour qu'il ressemble aux films. Moi je ne suis pas allé jusque-là. J'ai quand même bricolé deux mini-ventilos d'ordinateur portable dans le casque pour ne pas crever de chaud. » En racontant sa passion à certains de ses collègues de la police, il lui est arrivé de se faire chambrer. « Pour eux, se déguiser c'était soit pour les enfants, soit pour le carnaval. Mais derrière les vannes, ils étaient surtout curieux, ils voulaient me voir avec. »

La passion pour Star Wars n'est pas la seule chose qui a poussé mes interlocuteurs à adhérer à la Légion 501. Il y a aussi l'action caritative de l'association. À chaque apparition, elle touche un peu d'argent qu'elle reverse ensuite à des hôpitaux, lors de visites (costumées, évidemment) à des enfants malades, qui préfèrent souvent voir Dark Vador que des vieux clowns un peu flippants.

Tous les membres que j'ai rencontrés vouent une sorte de respect un peu mystique à ce que leur tenue représente. « Ce qui me plaît, c'est de se croire investi d'un pouvoir, d'une responsabilité », me confie Ivy, une costumière elle-même membre de la 501. Son costume favori, c'est celui de Mara Jade, une héroïne « classe et sexy » qui ne figure pas dans les films mais dans l'univers étendu des bouquins et des jeux vidéo. « On est des gamins, on s'amuse mais il y a tout de même une vraie implication. Il faut se montrer à la hauteur de ce que le public attend. » Une exigence martelée par Arnaud, le chef de la Légion, lors du choix de ses nouvelles recrues. « J'en ai refusé deux ou trois dont les costumes étaient magnifiques, parce que les mecs n'avaient pas le bon état d'esprit. Ils étaient là pour se faire voir, pas vraiment pour le caritatif. »

Depuis cinq ans, l'effectif de la Légion a quasiment doublé – la sortie de Star Wars 7 fin décembre 2015 a forcément suscité des vocations. Et c'est loin d'être fini : la sortie des nouveaux films, dont Rogue One , à venir le 14 décembre, donne du boulot à Arnaud et aux autres membres de la Légion. Ils ont déjà fabriqué – en partie eux-mêmes, cette fois – celles des nouveaux Shoretroopers, tels qu'ils figurent dans Rogue One.