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Les antibiotiques nous ont filé une MST incurable

Restez sur vos gardes, la chtouille est plus forte que jamais.
Image: Flickr/neur0nz

La gonorrhée est l'équivalent d'une mauvaise herbe increvable. Il est plutôt facile de l'attraper via des rapports sexuels non protégés, et une fois qu'elle est là, il est très difficile de s'en débarrasser. En outre, même si vous avez déjà été infectés par le passé, vous n'êtes pas à l'abri d'une réinfection.

Jusqu'ici, la biomédecine savait plutôt bien soigner cette maladie ; c'est pour cette raison que les agences de santé britanniques viennent de sonner l'alarme pour déclarer l'émergence d'une forme de « super-gonorrhée » dans la population.

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Selon un communiqué de Public Health England de cette semaine, a rapporté plusieurs cas d'infection par un type de gonorrhée extrêmement résistant aux médicaments. La souche bactérienne est d'abord apparue à Leeds et au nord de l'Angleterre, puis s'est propagée jusqu'à Londres.

La gonorrhée est causée par une infection de la bactérie Neisseria gonorrhoeae, et constitue l'une des IST les plus communes sur la planète après les chlamydiae, la syphilis et la trichonomase. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains estiment qu'il y a 820 000 nouveaux cas de gonorrhée chaque année aux États-Unis, dont 570 000 chez les 15-24 ans. La maladie touche le col de l'utérus, l'utérus et les trompes de Fallope chez la femme, et l'urètre, la bouche, la gorge, les yeux et l'anus tout sexes confondus. L'absence de prise en charge médicale peut provoquer une annexite, des problèmes lors de la grossesse, et un risque accru d'infection au HIV.

Comme bien d'autres maladies épidémiques, la gonorrhée est restée sous contrôle pendant de nombreuses années grâce à la classe de médicaments « miraculeuse » que constituent les antibiotiques. Mais comme la théorie de l'évolution l'avait prédit, les bactéries que nous éliminons à l'aide de cocktails médicamenteux font leur retour un jour ou l'autre, plus résistantes que jamais.

Les traitements usuels contre la gonorrhée font désormais intervenir des injections de mercure directement dans l'urètre combinées à des antibiotiques ; le but est bien sûr d'augmenter les chances de succès du traitement en attaquant la bactérie par plusieurs angles différents. Elle a commencé à montrer des signes de résistance aux sulfamidés dans les années 40, à la pénicilline dans les années 70, aux fluoroquinolones dans les années 90, et désormais, à la tétracycline. Il n'existe plus que de très rares outils de lutte contre la maladie.

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La gonorrhée est un organisme très résistant, qui a réussi à survivre pendant plusieurs décennies grâce à sa capacité à assimiler l'ADN d'autres bactéries afin de modifier ses caractéristiques génétiques. Si ce phénomène était comparé à un jeu de poker, on pourrait dire que notre usage inconséquent des antibiotiques a permis à la gonorrhée de voir nos cartes et de prédire notre prochain coup, pharmaceutiquement parlant.

Contrairement à d'autres bactéries résistantes aux antibiotiques que l'on trouve habituellement dans les chambres d'hôpital et autres lieux confinés, comme Staphylococcus aureus, désormais résistante à la méticilline, la gonorrhée est absolument partout. Les ISTs constituent un risque pour quiconque a des relations sexuelles ; elles ne discriminent pas en fonction de l'âge, de l'origine ethnique, de la classe sociale ou de la santé de l'individu exposé. Vous pouvez attraper la gonorrhée à cause de gens que vous connaissez bien, en qui vous avez toute confiance, chez vous et après avoir pris toutes les précautions nécessaires.

Parmi les quelques menaces qui pourraient attirer l'attention du grand public sur le sujet de la résistance aux antibiotiques, il y a les « super-IST. » La responsabilité de notre surconsommation d'antibiotiques incombe à de nombreux acteurs, mais nos attentes concernant le pouvoir « miraculeux » de ces médicaments ont certainement engendré une culture de la dépendance qui nous pousse à exiger des antibiotiques en cas de gros rhume.

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Le manque de financement pour la recherche biomédicale et pharmaceutique sur les IST et le manque d'intérêt pour le développement de nouveaux médicaments ont probablement contribué indirectement à la diffusion de l'épidémie. Pourtant, il existe des moyens simples de la limiter et de la ralentir.

Pour commencer, nous ne devrions pas exiger des médecins d'utiliser des antibiotiques « par prudence » alors qu'ils ne les recommandent pas. Le CDC, par exemple, recommande aux patients de demander à leur médecin si des tests (comme des cultures bactériennes) seront menés afin de s'assurer que tel ou tel antibiotique sera efficace pour les soigner. De plus, les patients devraient respecter à la lettre la posologie indiquée par le médecin, et non interrompre leur traitement prématurément afin « de se garder des antibiotiques en stock. »

Vous pensez que prendre quelques antibios de manière saisonnière peut vous éviter d'attraper la grippe quand vous ne pouvez vraiment pas permettre d'être malade ? Très mauvaise idée. Les antibiotiques n'ont aucune influence sur les virus de la grippe et de la bronchite. Une étude récente de l'OMS montre que 64% des gens à travers le monde sont persuadés que les antibiotiques permettent de traiter le rhume et la grippe. Enfin, 34% d'entre eux estiment qu'ils peuvent arrêter de prendre leur traitement antibiotique dès que leurs symptômes ont disparu.

Les opinions dangereuses sur le rôle des antibiotiques contribuent à l'évolution des superbactéries, telles que la forme de gonorrhée incurable. Nous sommes désormais plis vulnérables aux infections, dont les infections de type IST. En prenant des antibiotiques pour la grippe, nous ne risquons pas de tuer le virus de la grippe, nous ne parvenons qu'à détruire les hordes de « bonnes » bactéries qu'abrite notre corps et qui nous aident à lutter contre les pathogènes comme la gonorrhée. Nos microbiomes sont uniques. À chaque fois que nous prenons des antibiotiques, nous risquons d'endommager notre flore intestinale, qui aura de plus en plus de mal à se renouveler à chaque nouvelle prise d'antibiotiques.

Si les super ISTs vous terrifient, tant mieux. La prochaine fois que vous aurez envie de réclamer une ration d'antibiotiques à votre médecin, vous considérerez peut-être l'alternative suivante : rester à la maison, vous reposer, vous hydrater et dormir.