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Les plantes carnivores à l’assaut de l’intolérance au gluten

Ces plantes carnivores liquéfient les insectes avec des enzymes naturelles qui pourraient être utilisées pour casser les protéines de gluten.

Une plante carnivore à piège passif similaire aux spécimens utilisés dans l'étude. Image: Wikipedia

Rien à faire, on se s'habituera pas à l'étrangeté des plantes carnivores, ces curieux végétaux conçus pour attirer des insectes dans des pièges mortels où ils seront digérés lentement par des enzymes pendant des jours et des jours. Plus bizarre encore, ce trait évolutif fascinant pourrait, selon une nouvelle étude, être exploité dans le cadre biomédical afin d'aider les intolérants au gluten.

Soyons clairs : nous ne parlons pas des gens qui essaient de « consommer le moins possible de gluten, » parce qu'ils estiment que c'est « plus sain » (non, ça ne l'est pas). Non, il s'agit ici des personnes dont le corps est incapable de digérer le gluten, ce qui entraine des douleurs d'estomac, des crampes abdominales, et des lésions intestinales. Joanna Schroeder, atteinte de la maladie cœliaque, explique son calvaire quotidien dans le magazine Good Housekeeping.

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« Si j'ingère du gluten par accident, je deviens extrêmement malade ; je peux même finir à l'hôpital, complètement déshydratée à cause des vomissements et de la diarrhée, » explique-t-elle.

Pour ces personnes victimes de la maladie cœliaque ou toute autre variation de l'intolérance au gluten, adopter un régime sans gluten n'est pas un caprice à la mode, mais une nécessité absolue. Un nouveau traitement utilisant des enzymes de plantes carnivores à piège passif (qui piègent les insectes dans un tube en forme de gobelet) pourrait constituer une alternative au régime sans gluten, selon une étude publiée la semaine dernière dans Scientific Reports. L'enzyme qui permet à la plante d'absorber les insectes sans autre forme de procès serait apparemment très douée pour casser les protéines de gluten. Elle pourrait donc, théoriquement, permettre aux intolérants au gluten de s'envoyer une pizza de temps en temps.

« Nous étions stupéfaits. »

Il ne s'agirait donc pas d'un remède à proprement parler, mais d'une astuce permettant de ne pas subir les symptômes de l'intolérance au gluten après avoir consommé de la nourriture qui en contient : les patients se contenteraient d'avaler une capsule remplie d'enzymes avant de consommer leur plat de spaghettis, un peu comme un intolérant au lactose prend son Lactaid avant de céder à une glace deux boules en bord de mer. De fait, la qualité de vie des individus sujets à cette maladie serait grandement améliorée par la prise de ce genre de médicament, qui n'existe pas encore.

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David Schriemer, professeur associé à l'Université de Calgary et l'un des auteurs de l'article, m'a confié que ses collègues et lui ne travaillaient absolument pas sur la maladie cœliaque quand ils ont découvert le potentiel des enzymes de plantes carnivores. Bien au contraire, ils pensaient que ces enzymes pourraient les aider dans leur domaine, la protéomique, à savoir l'étude du rôle biologique des protéines.

« Vous avez besoin de types d'enzymes spécifiques, qui ressemblent à des sortes de ciseaux moléculaires, pour couper les protéines, », déclare Schriemer. Les scientifiques ont identifié une paire d'enzymes secrétées par une espèce spécifique de plante carnivore, et l'a analysée.

« Nous étions stupéfaits, » poursuit-il. « Non seulement les enzymes avaient la forme de ciseaux moléculaires que nous cherchions, mais elles étaient extrêmement actives. Nous nous sommes dit 'tiens, il y a sans doute plein d'applications possibles'. »

Puisque le gluten est constitué d'une collection de protéines, l'intolérance au gluten et la maladie cœliaque semblaient être de bons candidats. Après avoir effectué des tests cliniques en laboratoire et sur des rats, Schriemer et ses collègues ont découvert que les enzymes parvenaient en effet à casser les protéines de gluten très facilement. Ce n'est pas la première fois que des enzymes sont utilisées dans ce cadre, mais celles-ci se sont révélées particulièrement efficaces : leur vigueur et leur agressivité sont telles qu'une toute petite quantité d'enzymes est capable de favoriser la digestion de tout un repas.

Il reste encore beaucoup de travail avant qu'il ne résulte de tout cela un médicament que les intolérants au gluten puissent prendre au quotidien. Schriemer envisage de poursuivre les études sur les animaux et d'améliorer la technique de culture des enzymes (il est plus commode de faire de la culture de laboratoire que de faire pousser des centaines de plantes carnivores afin de récolter leur jus), mais le développement du traitement est en bonne voie.

« Ce qui est bien avec ce genre de stratégies thérapeutiques, c'est que l'on peut les combiner, » explique Schriemer. « Plus besoin d'éviter le gluten, il suffit d'utiliser les outils à disposition pour en minimiser les effets néfastes. » Allez, c'est bientôt l'heure des frites.