Du Gun Club aux Bad Seeds, de la no wave à Los Angeles, Kid Congo a tout vu, tout bu, tout lu
(c) Martina Fornace

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Du Gun Club aux Bad Seeds, de la no wave à Los Angeles, Kid Congo a tout vu, tout bu, tout lu

Et nous montre qu'on peut encore être un vieux rocker fringant à 60 ans sans foutre complètement la honte à ses idéaux de jeunesse.

Le CV de Kid Congo Powers donne le vertige : pilier des scènes glam et punk de L.A., le Chicano Brian Tristan de son vrai nom a été guitariste du Gun Club, des Cramps et des Bad Seeds de Nick Cave. Ce jeune survivant fête ses soixante ans en tournant en ce moment avec ses excellents Pink Monkeybirds, grimé en Dracula revu et corrigé par Ed Wood. À cette occasion, il nous parle de sex beats, de riffs psychédéliques et de musique d'outre-espace.

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Noisey : Quand tu joues de la guitare chez toi, que joues-tu ?
Kid Congo Powers : Je joue ce que je joue ! [Rires] En fait, je ne suis pas du genre à expérimenter chez moi. Mon style est assez dense, je suis plus dans la rythmique. Chez moi, j'essaie de penser à de nouvelles choses, de nouvelles constructions. J'essaie d'écouter un maximum de musiques différentes : du rhythm and blues, du jazz… Je ne peux pas jouer de jazz, je suis seulement un joueur de rock rudimentaire ! Mais j'aime le jazz, les idées qu'il véhicule. Quand je réfléchis, je m'imagine en train de peindre plus que de construire une chanson.

Tu m'avais dit que Poison Ivy [guitariste des Cramps] t'avait fait découvrir A New Perspective de Donald Byrd…
Oui, c'est un disque fantastique, vraiment magnifique !

C'est assez courant pour les guitaristes rock de s'intéresser au jazz…
Oui, comme le rock vient du blues à douze mesures, tu passes facilement au jazz. C'est assez naturel de penser au jazz. En ce qui me concerne, je ne pense pas trop à la musique en termes de genres. Ce qui m'intéresse, ce sont les sensations qu'elle me procure, les endroits où elle m'emmène. J'aime quand elle m'emmène dans des endroits où je ne suis jamais allé. J'essaie de recréer ce type de sensations en faisant de la musique. Quand tout se passe bien, les gens comprennent que tu cherches à les emmener autre part avec ta musique même si elle est faite avec une seule corde et un seul beat ! En tant que musicien, j'écoute tous les genres de musique et j'ai compris que tous les styles pouvaient m'emmener quelque part.

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Tu as joué dans des groupes légendaires comme les Cramps, le Gun Club, les Bad Seeds de Nick Cave. Quels souvenirs gardes-tu de la vie de tous les jours avec eux ? Les répétitions, ce genre de choses…
C'est clair qu'on répétait avec les Cramps mais c'est marrant tout l'aspect boulot s'est effacé de ma mémoire. Je ne me souviens plus que des concerts et du temps passé en studio à enregistrer des disques. Je pense que je veux juste garder l'aspect magique de la chose. Je me souviens juste des moments où les pièces du puzzle qui constituait notre musique étaient assemblées.

Tu as coutume de dire que Lux Interior et Jeffrey Lee Pierce t'ont appris beaucoup de choses…
Clairement, ils ont été mes professeurs ! Jeffrey m'a appris à jouer de la guitare. Quand on a commencé le Gun Club, je ne savais pas jouer ! Un jour, il m'a dit : il faut qu'on forme un groupe. Je lui ai répondu : OK, j'en suis ! Il m'a alors donné un disque de Bo Diddley en me disant : Essaie de jouer ça, il n'utilise qu'une corde ! Et c'est comme ça que le Gun Club a commencé… Nous étions aussi très influencés par la no wave et ce qu'il se passait à New York à la fin des années 70 : les Cramps, James Chance And The Contortions, Lydia Lunch même. Ils mixaient la musique avec des choses incroyables, la mélangeaient avec des trucs inattendus pour en faire quelque chose de totalement neuf. Aujourd'hui, ça paraît tout à fait normal de mélanger le rockabilly et la musique psychédélique. À la fin des années 70, quand les Cramps l'ont fait, on avait l'impression d'entendre des gens venus d'outre-espace. C'était la même chose avec James Chance, il mixait James Brown avec Albert Ayler… James Brown avec une attitude punk ! Pour moi, qui étais très jeune à cette époque et qui apprenais (il est né en 1958, NdA) c'était une révélation. Pareil avec Pere Ubu, les mecs mélangeaient le garage avec l'avant-garde, il disaient faire de l'avant-garage. Ils mélangeaient le garage avec John Cage, des synthétiseurs, Doctor John même. De cette façon, ils créaient un nouveau langage, de nouveaux mondes. Pareil pour les Cramps, les B-52's, Devo ou Nick Cave and the Bad Seeds.

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La scène de L.A. de la fin des années 70 a été mise en scène par plusieurs films. Je pense entre autres aux Runaways, aux Seigneurs de Dogtown, etc. Que penses-tu de ces films ?
Toutes les histoires sont différentes. Les Runaways étaient là avant le punk, elles sont le chaînon manquant entre le glam rock et le punk rock. Elles ne faisaient pas partie de la scène punk. Elles sont entrées dans le moule du rock business, elles étaient plus rock and roll que punk. Kim Fowley qui les a produites avait compris qu'il pouvait faire quelque chose de neuf avec elles. En fait, chaque personne qui était là a sa vision des choses. En ce qui concerne les films, on peut dire que seulement un sur dix capture bien le truc. J'ai vraiment bien aimé le bouquin de John Doe de X (Under The Big Black Sun : A Personal History Of L.A. Punk, NdA). Le livre d'Alice Bag des Bags (Violence Girl: East L.A. To Hollywood Rage, a Chicana Punk Story, NdA) est aussi très bien. Il est très spécifique. Elle est née de parents mexicains et a grandi dans un foyer où on ne parlait pas anglais… Son histoire est un archétype. À L.A, le punk est né dans les minorités, chez les homos. C'est la grande histoire de L.A, l'aliénation de ce qui est positif et plein d'espoir. La ville est tellement énorme qu'il est facile de s'y perdre. C'est une ville pleine de trous noirs dans lesquels il est facile de tomber. Plus personne ne t'y voit une fois que tu es tombé dedans. Il est parfois impossible d'en sortir… C'est agréable de voir tous ces livres consacrés à cette époque. Terry Graham, le batteur de Gun Club, vient d'en sortir un (Punk Like Me, NdA). Je ne l'ai pas encore lu. Je suis en train de finir le mien. Il sortira chez mon label, In The Red, ça sera leur premier livre.

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Tu habites maintenant sur la Côte est. L.A. ne te manque pas ?
Si, quand j'y vais, à cause du climat et des belles baraques, des palmiers…/ Mais dès que je suis confronté aux embouteillages, je me dis que je ne veux pas passer le restant de mes jours dans ma bagnole ! (LA est la ville la plus embouteillée au monde, NdA).Ces temps-ci, LA est la capitale artistique des US. Il y a une scène très dynamique avec des tas d'expositions excitantes. Il y a aussi une scène underground très active. Je n'ai pas de raison d'y retourner, je n'ai plus de famille là-bas mais si j'y retourne pour une quelconque raison, je sais que j'y serais heureux à cause de tout ce qu'il s'y passe.

Vous avez sorti un single, « Spider Baby », pour Halloween. C'est un teaser pour votre prochain album ?
Nous avons plusieurs nouvelles chansons mais je n'ai pas fait de plans en ce qui concerne le nouvel album, je préfère me concentrer sur mon livre en ce moment. Les gens me disent que le groupe est de mieux en mieux, qu'il est « étonnant » [Rires]. Je continuerai tant que le groupe plaira autant, « Spider Baby » est une reprise de la chanson du générique du film du même nom. Elle était chantée par Lon Chaney, Jr., qui joue dedans. C'est un film de malade, une série Z ultra-cheap. Quand j'étais dans les Cramps, j'étais pote avec Siouxsie. On correspondait. Comme c'était avant Internet, on s'envoyait des cartes postales, des disques, des cassettes. Un jour, elle m'a envoyé une cassette avec cette chanson. Elle pensait qu'elle était bien pour les Cramps. On en a parlé mais finalement on ne l'a pas faite. Trente-six ans plus tard, Larry, le patron d'In The Red m'a dit qu'il avait envie de sortir un single pour Halloween. Je me suis souvenu de cette cassette et on a enregistré une reprise. Il a fallu attendre trente-six ans. Parfois, il faut laisser du temps au temps [Rires].

Tu es toujours en contact avec Poison Ivy ?
Oui, elle est merveilleuse et magnifique ! Mais elle n'a pas de plans dans le rock and roll. Elle vit juste sa vie de merveilleuse personne.

Quand tu entends les gens parler de Lux Interior et Jeffrey Lee Pierce, les reconnais-tu ? Est-ce que leurs images collent à ce qu'ils étaient vraiment ?
Ils étaient très différents… J'étais plus proche de Jeffrey et j'en entends plus parler autour de moi. Lux et Ivy étaient très privés, peu de gens les connaissaient vraiment. Les versions et les avis divergent beaucoup sur Jeffrey : des gens te diront qu'ils connaissaient le gentil Jeffrey, d'autres l'égocentrique. Certains te diront qu'il n'écoutait pas les gens, d'autres diront qu'il savait écouter. J'avais une relation fraternelle avec lui. Lui et moi avons grandi dans une famille ou nous étions les seuls garçons, nous n'avions que des sœurs. Nous étions différents mais complémentaires. J'ai toujours cru en lui et j'ai compris très tôt qu'il voulait changer constamment les choses. Quand les gens nous disaient qu'ils avaient compris qu'on faisait du cowboy punk, il répondait : « Non, on fait du blues, maintenant. » Quand on lui parlait de Gun Club comme d'un groupe de blues, il disait qu'on était branchés jazz, etc. Gun Club devait être un groupe indéfinissable. Je communiquais facilement avec Jeffrey alors que les autres membres n'y arrivaient pas. Ils croyaient en lui mais il n'était pas le genre de leader qui tenait la main des autres. Il était peut-être narcissique. Ceci dit, je ne suis pas un psychologue donc je ne peux pas vraiment dire. Ce que je sais, c'est qu'il était musicien mais qu'il n'était pas très doué pour communiquer.

Vous avez tous les deux été présidents de fan-clubs : toi des Ramones, lui de Blondie.
Oui, on était des nerds de la musique. C'est la base de tout bon musicien, particulièrement de ceux qui veulent explorer la musique. Il faut l'aimer. Pour nous, la musique était vitale. Quand les Ramones sont apparus, je voulais qu'ils deviennent célèbres à tout prix. Je devais les aider en faisant ce fanzine qui ne touchait que quinze personnes ! C'était ma façon de les aider, j'étais à fond. Ces quinze personnes sont toujours en contact avec moi d'ailleurs. J'ai commencé à aimer la musique en voyant mes sœurs et mes cousines surexcitées par la musique quand elles étaient ados. Elles aimaient passionnément Jimi Hendrix. Moi, j'étais encore plus intéressé par l'état d'excitation que déclenchait la musique chez elles que par la musique elle-même ! J'avais un voisin qui était branché rock, comix genre Crumb et cinéma underground. Un jour, il m'a proposé d'aller voir un concert avec lui. J'y suis allé, c'était Frank Zappa, les Doors et Tim Buckley au Hollywood Bowl. Ça a été mon premier concert, j'avais quatorze ans [le 10 septembre 1972, NdA].

Olivier Richard est sur Noisey.