Un homme ayant pratiqué la stérilisation
Photos : Joseph Gallix pour VICE FR 

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ecologie

Ces Français qui ont choisi la stérilisation volontaire pour sauver le monde

Pour des raisons écologiques, des hommes et des femmes ont choisi de ne pas procréer, et ont opté pour une contraception irréversible.

« Faire des enfants est devenu un choix égoïste à mon sens ». Florence, 24 ans, s’est fait ligaturer les trompes en avril 2018 pour ne jamais tomber enceinte. Et pour cause, à l’occasion du rapport du GIEC le 8 octobre dernier, l’AFP a spécifié à travers une infographie publiée sur Twitter, qu’« avoir un enfant en moins » réduirait les émissions de CO2. Contactés via les groupes Facebook « Stérilisation volontaire (Ligature, Essure, Vasectomie) » et « VHEMT Francophone (Mouvement pour l’extinction volontaire de l’humanité), les hommes et les femmes que j’ai interrogés ont choisi la stérilisation volontaire pour répondre à l’urgence écologique.

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Florence.

La loi française autorise ce moyen contraceptif depuis le 4 juillet 2001. Néanmoins, il reste marginal en France : d’après l’Institut national d’études démographiques, seules 5% des femmes en union y avaient eu recours en 2010. Sylvain, 34 ans, souhaite recourir à la vasectomie. Pour ce paysan, si la population mondiale est passée de 1,6 milliard d’habitants en 1900 à près de 8 milliards aujourd’hui, c’est « uniquement parce que l’Homme a trouvé comment exploiter des énergies fossiles en masse ». Mais il en est convaincu : « Ces énergies-là auront une fin et il arrivera un moment où on ne pourra plus les extirper du sol à bas prix. »

En 1972 déjà, Dennis Meadows, co-auteur du rapport The Limits To Growth commandé par le Club de Rome, présageait un effondrement de la population en 2030, sous la pression de la croissance démographique et industrielle. Sylvain, qui s’est imposé de vivre sous le seuil de pauvreté, prévient : « On va être obligé de redescendre collectivement nos exigences et revenir à des niveaux de vie pré-industriels. Le déclin démographique en fait partie. » Sereb, childfree de 31 ans qui a bénéficié d’une vasectomie, partage cet avis. « Je me suis rendu compte que l’humanité n’a pas su faire le choix entre vivre à quelques dizaines de millions d’êtres humains avec un haut confort, et vivre à quelques milliards avec un niveau de vie modeste », lance-t-il.

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David.

Pour David, 33 ans, qui s’est fait vasectomiser en février 2018, mettre un bébé au monde joue non seulement sur l’exploitation animale, mais présente également un risque pour le gosse, lui-même. « Depuis janvier, les nouveau-nés reçoivent 11 vaccins obligatoires qui sont testés sur les animaux », s’indigne-t-il avant de poursuivre : « Les enfants sont obligés de boire du lait, de finir leur viande pour être forts et répondre à des normes. On va chercher du soja transgénique pour nourrir les bêtes que les enfants mangeront avant de tomber malades. Cette qualité de vie qu’on leur offre n’est absolument pas digne d’être vécue. » Un élevage qui, comme David tient à le rappeler, est responsable de 14,5 % du gaz à effet de serre. Lou, 27 ans, est vasectomisé depuis octobre dernier, et tient un discours semblable. « On va très rapidement manquer de ressources et je n’ai pas envie d’avoir à gérer l’éducation d’un enfant dans cette situation », déclare-t-il.

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« Le simple fait de vivre, ça pollue » – Florence

En décembre dernier, la Suédoise de 15 ans, Greta Thunberg, appelait les enfants à la grève scolaire pour le climat. Alors, pourquoi ne pas transmettre une éducation écologique à nos mômes, plutôt que de ne pas les voir naître du tout ? Pour Florence, cela relève de l’utopie. « Plus on a envie d’interdire à un enfant de faire quelque chose, plus il aura envie de le faire. Et puis, c’est une belle chose d’éduquer quelqu’un à l’écologie mais le simple fait de vivre aujourd’hui, ça pollue », lâche-t-elle.

Pire encore, cette solution serait bien loin de régler tous les problèmes environnementaux, selon Sereb. « On se rend vite compte que ce que l’on appelle écologie à l’adolescence – tri sélectif, végétalisation d’espaces urbains, bagnole individuelle électrique – ne pèse pas grand-chose face à l’ampleur de l’enjeu », réalise-t-il. Quant à Sylvain qui a décidé de s’installer dans une cabane en pleine forêt et de produire au maximum sa nourriture grâce à l’agriculture et la permaculture, il refuse d’imposer son mode de vie à un gamin. « Elever un enfant dans un cadre aussi décroissant que le mien, c’est trop d’angoisses », explique-t-il.

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Sereb.

Mais, pourquoi ces hommes et ces femmes ont-ils choisi la stérilisation volontaire plutôt qu’un autre moyen de contraception ? Avant d’envisager de se faire ligaturer les trompes, Alexandra, 32 ans, est passée par la pilule, le stérilet et l’implant. « Les conséquences sur le corps sont considérables et j’estime avoir le droit de ne pas avaler des hormones tous les jours ou subir des interventions douloureuses tous les 3 ou 5 ans. Je veux mener ma vie tranquillement », insiste-t-elle. De son côté, Florence a testé 5 ou 6 pilules qu’elle n’a pas supportées. « J’en ai marre d’être un cobaye. Pour moi, la meilleure contraception est celle qu’on choisit », manifeste-t-elle.

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« Quand je discute avec mes potes qui ont des enfants, je me rends compte que beaucoup sont des accidents, que ce soit une capote, un moyen contraceptif féminin qui a merdé ou un retrait qui n’a pas marché » – Sylvain

Pour certains mecs aussi, recourir à la stérilisation volontaire s’inscrit dans un militantisme féministe. David en fait partie : « Il y a un moment où les hommes doivent aussi prendre leurs responsabilités », réagit-il. Lou approuve : « Ce n’est pas un sacrifice pour moi de me faire vasectomiser parce que je ne veux pas d’enfant. Et dans une motivation féministe, je tiens à m’impliquer dans la contraception. » Quant à Sylvain, il estime que la stérilisation volontaire « est beaucoup plus sûre » qu’un autre contraceptif. « Quand je discute avec mes potes qui ont des enfants, je me rends compte que beaucoup sont des accidents, que ce soit une capote, un moyen contraceptif féminin qui a merdé ou un retrait qui n’a pas marché », remarque-t-il.

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Lou.

Alexandra et Florence restent lucides. Elles ont conscience qu’à leur échelle, elles ne sauveront pas la planète. « A mon petit niveau ça ne va rien changer », regrette la première. « Je ne vais pas changer la face du monde à moi toute seule mais pour mes convictions personnelles, c’est important pour moi », assure la seconde. Alexandra prône néanmoins « une politique de stérilisation volontaire ». Car, si la loi autorise ce genre d’opérations, dans les faits, les patients essuient de nombreux refus de la part des médecins. « Ils me disent que je suis célibataire et que si dans quelques années je rencontre quelqu’un et je veux un enfant, je leur ferai un procès », rapporte Alexandra.

David, lui, sait que s’il change d’avis et souhaite un jour élever un gosse, il passera par l’adoption. « Il y a tellement d’enfants qui le veulent, que j’irais en chercher », déclare-t-il. Il en est de même pour Lou .« Même si j’avais envie d’un enfant et que je n’étais pas stérilisé, j’adopterais. Je ne suis pas attaché à cette idée de filiation biologique », explique-t-il. Sereb, lui, n’est pas si convaincu. « L’adoption est moins irresponsable que la pure procréation. Mais ça signifie qu’il faut importer un procréé des pays pauvres pour lui faire embrasser le mode de vie des pays riches. Or, l’écologie telle que je la conçois, c’est réduire l’emprunte de chacun, à commencer par celle des gens les plus aisés », soutient-il.

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