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complotisme

La Russie rouvre une enquête sur l’un des plus grands mystères du XXe siècle

Tapez « affaire du col Dyatlov » sur Google et vous tomberez sur d’incroyables théories concernant les morts mystérieuses de neuf randonneurs.
La Russie rouvre une enquête sur l’un des plus grands mystères du XXe siècle
L’équipe de recherche à côté de la tente des randonneurs. Photo via Wikimedia Commons.

En février 1959, dans le froid polaire du nord de l’Union soviétique, neuf randonneurs dressèrent le camp pour passer la nuit sur le versant est du mont Kholat Syakhl (la montagne morte) dans l’Oural.

Les membres du groupe se trouvaient sur un col qu’ils venaient de découvrir, mais ils n’étaient pas censés être là. Les sept hommes et les deux femmes s’étaient retrouvés dans ce col parce qu’ils s’étaient perdus en raison des mauvaises conditions climatiques – cela faisait environ une semaine qu’ils s’étaient lancés dans une expédition qui devait durer 16 jours, et ils étaient à environ 10 kilomètres du point où ils devaient faire demi-tour.

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Ils n’allaient pas réussir à passer la nuit. Au bout de cette nuit froide sur le Kholat Syakhl, les neuf randonneurs moururent – la raison de leurs morts demeurant un des mystères les plus populaires des temps modernes.

Et les autorités russes viennent enfin de rouvrir l’enquête – connue familièrement sous le nom d’« affaire du col Dyatlov ». Cela a été annoncé la semaine dernière par le bureau du procureur général russe qui a juré d’en finir avec toutes les théories qui gravitent autour de la mort des randonneurs.

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La tombe des morts. Photo via Wikimedia Commons.

« Toutes les morts sont, d’une manière ou d’une autre, liées à des phénomènes naturels », dit Aleksandr Kourrenoï, porte-parole du procureur de Russie, dans la vidéo de la déclaration. Les Russes disent qu’un groupe d’enquêteurs experts, et tout le tintouin, va être impliqué dans cette nouvelle enquête. Alors que cela fait 60 ans qu’on a retrouvé les corps dans des positions et avec des blessures étranges, Kourrenoï dit que les gens ont toujours soif de réponses. « Les membres des familles, les médias et le public demandent toujours aux procureurs d’établir la vérité et ne cachent pas qu’ils soupçonnent qu’on leur a caché quelque chose. »

Afin de comprendre pourquoi le mystère de ce qu’on connaît sous le nom d’affaire du col Dyatlov réussit à survivre depuis 60 ans, il ne faut pas chercher plus loin que les corps. Toute l’expédition – à l’exception d’un randonneur qui avait arrêté en cours de route à cause de problèmes cardiaques – est morte au cours de la même nuit.

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Même si l’itinéraire était présenté comme extrêmement difficile, le groupe était formé de randonneurs expérimentés et la nuit n’aurait pas dû leur être fatale. C’est pourquoi le 20 février 1959, date maximum à laquelle ils étaient censés revenir, une équipe partit à leur recherche.

Un peu moins d’une semaine plus tard, l’équipe de recherche trouva la tente que le groupe avait plantée – elle avait été abandonnée et déchirée de l’intérieur. Le campement était désert mais les randonneurs avaient laissé leurs affaires et leurs chaussures. Il semble qu’ils soient partis dans l’urgence à travers la neige qui montait jusqu’à la taille, laissant derrière eux huit empreintes différentes de pas, certains en chaussettes, certains pieds nus, et certains ne portant qu’une chaussure. L’équipe de recherche fut déroutée par la découverte du campement.

Ils retrouvèrent les corps quelques jours plus tard.

Les deux premiers corps – ceux de Iouri Dorochenko et de Iouri Krivonichtchenko – furent retrouvés à environ un kilomètre et demi du campement, autour d’un petit feu sous un pin esseulé. Ils n’étaient vêtus que de leurs sous-vêtements. Il semblait que quelqu’un avait grimpé à l’arbre, comme pour tenter de voir quelque chose au loin. Près de cet arbre, l’équipe de recherche trouva les corps de Roustem Slobodine, de Zinaïda Kolmogorova, et du meneur du groupe, Igor Dyatlov – on remarqua que ces trois personnes périrent, semble-t-il, alors qu’elles essayaient de revenir au campement.

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Les quatre autres ne furent retrouvés que deux mois plus tard, après la fonte de la neige – apparaissant en fin de compte à 75 mètres du pin, dans un ravin couvert de neige. Ces quatre-là étaient habillés de vêtements propices au temps – c’est-à-dire pas en sous-vêtements.

Au début, personne n’émit vraiment de folle hypothèse autour de l’incident - si ce n’est que l’expédition avait mal tourné - dans la mesure où la cause de la mort des cinq premiers s’avérait être l’hypothermie. Cependant, concernant la cause de la mort de ceux qu’on a découverts après la fonte de la neige, ce fut une autre histoire. On constata d’importantes blessures sur trois d’entre eux. L’une, Lioudmila Doubinina, fut retrouvée sans ses yeux et sans sa langue. Elle et Semen Zolotarev présentaient de graves fractures à la poitrine, tandis que Nikolaï Thibeaux-Brignolles avait une grosse lésion cérébrale – il s’agissait de blessures semblables à celles causées par un grave accident de voiture. Mais étrangement, malgré les blessures profondes – aucune blessure extérieure sur les corps ne fut signalée – comme s’ils avaient été écrasés par quelque chose.

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Ioudine (le non-partant) embrasse Doubinina avant l’expédition. Photo via Wikimedia Commons.

Au-delà des corps, la quantité de choses bizarres signalées à propos de ces morts – dont certaines sont raisonnables : des traces infimes de radiation sur les vêtements, des corps à la couleur de peau étrange, la découverte de Doubinina dans un ruisseau qui expliquerait l’absence de ses yeux et de sa langue ; et d’autres non : des gens ayant vu des boules orange autour de la montagne lorsque les randonneurs s’y trouvaient, des corps vieillis prématurément, etc. – combinée à la manière dont les Soviétiques ont géré l’affaire (on dit que les morts furent provoqués par la « force spontanée de la nature » et l’affaire fut vite classée), ont mené beaucoup de gens, à ce jour, à spéculer sur les causes réelles de ces morts.

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Une avalanche ? Des ovnis ? Une hypothermie poussant l’équipe à la folie ? Un abominable homme des neiges ? Une tribu indigène qui considérait que la montagne était sacrée ? Il vous suffit de taper « col Dyatlov » sur YouTube, ou sur votre site préféré de théories du complot, et vous allez en prendre plein les mirettes. Il y a une chiée de bouquins, de documentaires, de comités de pseudo-experts, et que sais-je encore, qui ont pris le temps de s’intéresser à ces théories sans que personne ne puisse jamais dire avec certitude ce qui s’est vraiment passé.

Une théorie qui revient souvent est celle selon laquelle les morts auraient été provoquées par les essais des armes soviétiques. Les théories autour de ça sont aussi variées que celles listées précédemment. Certains pensent qu’ils sont tombés sur un site d’essais de bombardements et qu’ils ont dévalé la montagne pour échapper au bombardement. D’autres prétendent que l’armée testait des armes nucléaires et que c’est ce qui a provoqué les blessures étranges et la chaleur qui aurait conduit les randonneurs à se déshabiller.

Notre explication, d’après le best-seller Dead Mountain, est que le vent qui traverse le Kholat Syakhl fouette de telle manière qu’il produit un son qui peut causer des crises de panique chez les êtres humains. Cela aurait poussé les randonneurs à se ruer hors de leur tente et à dégringoler le long de la montagne. En conséquence, les blessures des trois corps seraient survenues à la suite de chutes dans le ravin.

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Avec un peu de chance, nous allons désormais obtenir une réponse officielle.

Le bureau du procureur a déclaré qu’il allait envoyer des agents pour enquêter sur les décès. Vous vous dites donc que les agents ne vont pas chômer - même les Russes reconnaissent qu’il y a environ 75 théories qui gravitent autour de ces morts. Cependant, ils ne vont examiner que trois explications possibles. Le bureau a officiellement écarté toute explication criminelle, Kourrenoï déclarant qu’il « n’y a aucune preuve, même indirecte, qui favorise cette version [criminelle]. Ce fut une avalanche, une plaque de neige, ou un ouragan ».

Je vais être honnête (et surtout ne pas me mentir à moi-même), dire que ces décès sont les fruits « d’une avalanche, d’une plaque de neige, ou d’un ouragan » n’est pas très éloigné de la « force spontanée de la nature ».

Mack Lamoureux est sur Twitter.

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