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Le maire de Venise ne veut pas de Gay Pride dans « sa » ville

Le mois dernier, le maire avait fait retirer des bibliothèques scolaires des livres sur l’homoparentalité.
Pierre Longeray
Paris, FR
Venise (Image via Wikimedia Commons)

Le maire de Venise, Luigi Brugnaro (centre-droit), a déclaré ce mercredi dans une interview accordée à La Reppublica, que « sa » ville n'accueillera aucune Gay Pride pendant son mandat. Le mois dernier, le maire avait déjà créé la polémique en faisant retirer des bibliothèques scolaires 49 ouvrages, dont certains traitent du sujet de l'homoparentalité.

Se défendant de toute homophobie — assurant qu'il a « des amis gays » — Brugnaro a déclaré, ce mercredi, au quotidien italien, que la Gay Pride est « une bouffonnerie, le summum du kitsch. » Le maire de la ville de l'amour et des costumes (Venise accueillant un des plus grands carnavals du monde) a proposé ensuite « qu'ils aillent la faire à Milan ou plutôt sous vos fenêtres. »

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Contacté par VICE News ce jeudi matin, la mairie de Venise nous a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas faire de commentaire sur cette affaire.

Tous les ans, chaque région italienne organise une Gay Pride — dont la région de la Vénétie où est située Venise. Cette année, en 2015, elle s'est tenue à Vérone et l'année passée à Venise. En 2016, la Gay Pride est censée se tenir de nouveau à Venise.

À propos de l'édition 2016, Flavio Romani, président d'Arcigay, la principale association homosexuelle italienne, a déclaré à l'AFP ce mercredi, « Nous inviterons le maire à défiler au premier rang avec nous, pour qu'il voie ce que c'est vraiment qu'une Gay Pride. […] Venise est une ville cosmopolite où se croisent de multiples cultures, de multiples religions, et M. Brugnaro doit comprendre qu'elle ne lui appartient pas. »

Peu après son arrivée à la tête de la ville, en juin dernier, le nouveau maire s'était déjà fait remarquer en ordonnant le retrait d'une cinquantaine d'ouvrages pour enfants jugés subversifs, dont des livres sur l'homoparentalité. Le maire avait déclaré pendant sa campagne, « Ce sont les parents qui doivent éduquer les enfants sur ces choses, pas l'école. » Une promesse qu'il a souhaité tenir en faisant retirer des livres comme Jean a deux mamans ou Le grand livre des familles. Le site d'information américain Quartz avait fait à l'époque un inventaire des livres concernés par l'interdiction.

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Ecco uno dei libri — Luigi Brugnaro (@LuigiBrugnaro)July 8, 2015

« Voilà l'un des livres retirés des bibliothèques scolaires. » Compte Twitter du maire de Venise.

Cette décision n'avait pas été du goût d'un célèbre habitant de Venise, le chanteur britannique Elton John. Père de deux enfants avec son mari, David Furnish, John avait posté sur Instagram une photo d'un des livres interdits, accompagné d'un commentaire : « La belle Venise est vraiment en train de couler, mais pas aussi vite que ce bigot ennuyeux de Brugnaro. » En réaction à la décision du maire, des associations vénitiennes avaient décidé de faire découvrir les 49 livres interdits en 49 jours à ceux qui le souhaitaient. Suite aux déclarations du maire de ce mercredi, des associations gays italiennes voudraient qu'Elton John ouvre la parade de la Gay Pride de Venise en 2016.

Capture d'écran du compte Instagram d'Elton John. 

Après avoir interdit des livres pour enfants, le maire avait aussi fait « suspendre » à la mi-août une exposition de photos baptisée « Monstres à Venise » — une série de clichés des énormes paquebots de croisière qui traversent le lagon vénitien. Pour Brugnaro, l'exposition du photographe Gianni Berengo Gardin risquait de « donner une image négative de la ville, » et d'apparaître comme une marque d'opposition aux croisières. Venise compte sur les  touristes qui remplissent ces bateaux, mais certains habitants de Venise se plaignent du passage quasi incessant et intrusif de ces mastodontes des mers.

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Le maire de Venise, Luigi Brugnaro, a décidé de censurer l'expo 'les monstres marins' — Kwinten Lambrecht (@kwinlambrecht)August 25, 2015

Tenue par la gauche depuis près de 30 ans, Venise est passée à droite sur fond de scandale de corruption le 15 juin dernier avec l'élection de Brugnaro (53,2 pour cent des voix). En juin 2014, la mairie — alors à gauche — de la Sérénissime s'était trouvée empêtrée dans une affaire de corruption, liée aux travaux de la digue géante qui doit protéger la cité portuaire des grandes marées.

L'ancien maire de la ville, Giorgio Orsini (centre-gauche, Parti démocrate) avait été alors été mis en examen avec une centaine d'autres personnes en juin 2014 pour son implication. Orsini est accusé d'avoir prélevé 400 000 euros du budget alloué à MOSE pour financer sa campagne aux municipales de 2010. Il avait donc du démissionner, laissant la place à une personne nommée par l'État, jusqu'à l'élection de Brugnaro.

Avant de devenir maire, Brugnaro était un businessman à succès. Il est le fondateur d'une agence d'intérim italienne, Umana, qui dégage chaque année un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros. Brugnaro est aussi le propriétaire et président du Reyer Maschile Venezia, le club de basket professionnel de la ville de Venise.

Brugnaro s'était aussi fait remarquer en 2014 quand il a essayé d'acheter l'île de Poveglia, dans la baie de Venise, connue pour être « l'île la plus hantée au monde ». C'est sur cette île que l'on enterrait les malades mis en quarantaine au cours des épidémies. L'île de 7,5 hectares a aussi accueilli, dans les années 1920, un hôpital psychiatrique tenu par un chirurgien qui pratiquait des expériences sur les cerveaux de ses patients.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray