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HAITI

Le premier tour des élections législatives en Haïti a eu lieu, dans la violence et avec quatre ans de retard

Plus de 1 800 candidats étaient inscrits dans le cadre de cette élection qui a enfin eu lieu, malgré de nombreuses irrégularités et quelques perturbations violentes.
Image d'illustration — Élections législatives en Haïti en 2006. (Photo via Wikimedia Commons)

Une vingtaine de bureaux de vote ont dû fermer plus tôt que prévu ce dimanche, lors du premier tour des élections législatives en Haïti. En cause, des épisodes de violences qui se succèdent depuis le début de la campagne. Ce scrutin — régulièrement reporté depuis quatre ans, et qui survient après un hiver très tendu sur le plan politique — compte 1 855 candidats pour 139 sièges, un chiffre record pour ce pays très pauvre de l'Océan Atlantique, frappé par un terrible séisme en janvier 2010, où pour beaucoup l'accès à un bureau de vote est aussi difficile que celui à l'eau ou l'électricité.

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Plusieurs individus ont perturbé le premier tour des élections législatives en Haïti ce dimanche, forçant plusieurs bureaux de vote à fermer avant l'heure fixée par les autorités. Dans trois de ces bureaux, d'après le média local Le Nouvelliste, des militants auraient renversé des isoloirs et éparpillé le contenu des urnes sur le sol. D'importants ralentissements sur le plan administratif ont par ailleurs été observés.

En tout, près de « 4 pour cent des bureaux de vote » sur les 1 500 ouverts pour l'occasion ont été « affectés » par des troubles divers, d'après le Conseil électoral provisoire (CEP), en charge de l'élection.

Lors d'une conférence de presse tenue ce dimanche dans la soirée, le président du CEP Pierre-Louis Opont a déclaré que ces heurts auraient empêché 290 000 citoyens de voter, sur six millions d'électeurs. Le CEP devrait se réunir ce mercredi pour décider d'une éventuelle réorganisation du vote dans les zones concernées par les heurts. Malgré tout, le conseil s'est dit « globalement satisfait » de ce premier tour.

La satisfaction était également de mise pour le Premier ministre haïtien Evans Paul, qui avait annoncé la veille de l'élection que 12 000 policiers seraient dépêchés dans le pays pour « sévir contre les fauteurs de trouble. »

En décembre 2010, la ville de Port-au-Prince (capitale de Haïti) s'était déjà embrasée suite à des soupçons de fraude lors du premier tour de l'élection présidentielle, un scénario que les autorités tentent d'éviter à tout prix.

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À lire : Un soldat de l'ONU tué en Haïti dans un contexte politique tendu

Décrite comme « une étape majeure » pour la démocratie en Haïti par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies Ban Ki-moon, cette élection bénéficie du soutien de la communauté internationale ainsi que de l'aide de la MINUSTAH (la mission de stabilisation de l'ONU présente en Haïti depuis 2004). 16 millions de dollars ont pu être mobilisés par le gouvernement haïtien afin de sécuriser les élections et garantir une certaine équité entre les différents partis.

Comme le rappelle l'ONU, ces élections législatives représentent la première étape d'un long processus politique pour les Haïtiens, qui devraient prochainement élire — en plus des 139 parlementaires — « 1 280 représentants locaux, 140 maires, et leur Président,» d'ici décembre prochain. Cette première élection doit tout d'abord repeupler le parlement haïtien, qui a été dissous en janvier dernier.

— MINUSTAH (@MINUSTAH)9 Août 2015

Selon un sondage organisé par le groupe Haiti Press Network (HPN), près de 54 pour cent des personnes interrogées le 28 juillet affirmaient leur intention d'aller « effectuer leur devoir civique » lors du premier tour, le reste se disant « non intéressé par ces élections » (24,55 pour cent) ou ne connaissant pas suffisamment les candidats (20,74 pour cent). Toutefois, malgré les moyens mis en place, de nombreux heurts ont entaché cette campagne.

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« Attaques physiques, assassinats, bastonnades, » c'est ce qu'indique avoir observé le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNNDH) depuis le début de la campagne électorale. D'après cet organisme haïtien, de nombreux responsables politiques de tous bords auraient « dépassé le cadre du fair-play » en alimentant un climat délétère qui a favorisé plusieurs explosions de violence.

D'après un rapport du RNNDH publié le 5 août, trois colleurs d'affiche ont notamment été tués par balles le 22 juillet dernier dans une ville de l'Ouest du pays. Quatre autres militants auraient été blessés lors de cette attaque menée par trois individus non-identifiés qui ont pris la fuite à moto.

Initialement, ce scrutin aurait dû avoir lieu il y a quatre ans, suite à l'investiture du président haïtien Michel Martelly en avril 2011. Mais la situation politique du pays — gangrenée par des pratiques violentes comme en témoigne la tentative d'assassinat du président Martelly en juillet 2011 — n'a jamais permis la tenue de telles élections, qui ont été reportées presque chaque année comme ce fut le cas en octobre 2014.

La campagne électorale a principalement consisté en un affrontement politique entre deux grands partis —le parti Vérité (proche de l'ancien président René Préval) et le parti PHTK (Parti haïtien tet kale) du président en poste Michel Martelly.

À lire : L'opposition haïtienne à nouveau dans la rue

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En janvier 2010, un séisme dévastateur avait frappé Haïti. Le tremblement de terre aurait fait 200 000 victimes et jeté plus d'un million de personnes à la rue, un bilan très lourd qui s'explique notamment par la vétusté des infrastructures et le dénuement des populations.

Haïti fait face depuis plusieurs mois à un afflux de plusieurs milliers d'exilés — sans-papier mais de descendance haïtienne — chassés de la République Dominicaine voisine, et ce alors que Haïti reste le pays le plus pauvre d'Amérique Latine selon la Banque Mondiale.

Les résultats de dimanche dernier devraient être connus d'ici une dizaine de jours, avant la tenue d'un second tour.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Image d'illustration — Élections législatives en Haïti en 2006. (Photo via Wikimedia Commons)