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Culture

La neutralité du Net aux États-Unis nous concerne tous

Le débat fait rage chez nos voisins du Sud, mais que se passerait-il si le CRTC décidait d’emboîter le pas à la FCC?
Image via Aaron Barksdale La neutralité du Net aux États-Unis nous concerne tous

La neutralité du net est une corde sensible dans notre société, et cet enjeu ne devrait laisser personne indifférent. Pourtant, la Federal Censorship Commission (FCC) — l’équivalent américain du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) — est en voie d’abandonner les règles qui garantissent un accès non discriminatoire à internet. Le tout devrait se conclure le 14 décembre prochain. Et si tout se passe comme prévu, ça pourrait avoir des effets catastrophiques.

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Qu’est-ce que c’est, au juste, la neutralité du net?

La neutralité du Net, c’est la notion que l’internet devrait être accessible dans son intégralité à tous, et ce, sans préférences. L’objection au principe de neutralité du Net vient de certains fournisseurs internet, qui aimeraient être capables de faire comme les compagnies de câblodistribution : offrir des forfaits avec un nombre variable de services auxquels les abonnés ont accès. Vous pourriez donc vous retrouver à payer plus pour avoir accès à certains sites.

Imaginez, par exemple, un forfait médias sociaux, qui donne accès à Facebook, Twitter, Instagram et autres. Si vous voulez aussi regarder des trucs sur Netflix ou YouTube, cela pourrait vous coûter, admettons, 5 $ de plus par mois. Vous lisez les nouvelles? Ajoutez un montant additionnel. La facture grimpe vite.

En plus de ces coûts supplémentaires pour les consommateurs, il y a aussi un risque de monopole. C’est que plusieurs grandes compagnies d’internet sont aussi propriétaires de sites. Elles pourraient donc décider de prioriser leurs sites et services et pénaliser ceux des autres. Verizon pourrait par exemple exiger que ses utilisateurs utilisent Yahoo, dont ils sont propriétaires, et bloquer Google. Aussi exagéré que cela puisse paraître, c’est un peu comme si Vidéotron décidait de bloquer l’accès à Radio-Canada, en vous donnant la seule option de regarder TVA.

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Des scénarios plus alarmistes évoquent le muselage des médias. Selon les plus paranos, l’administration Trump, qui traite les médias qui la critiquent de « fake news », pourrait carrément bloquer l’accès aux sites web de médias comme le New York Times (ou même VICE!).

La loi américaine en place qui assure la neutralité du net avait été adoptée en 2015 par Barack Obama. Elle stipule que les fournisseurs d’internet ne peuvent pas bloquer la connexion ou décélérer la vitesse d’accès à du contenu en ligne. Le nouveau président de la FCC, Ajit Pai (un ancien avocat pour Verizon), a déposé un document de 210 pages de recommandations sur lequel les membres du comité, majoritairement républicains, devront se prononcer par un vote en décembre. Dans le document, on propose par exemple de changer le statut d’internet de « produit » à « service de télécommunications », ce qui donnerait le contrôle total aux fournisseurs sur la manière dont les utilisateurs peuvent utiliser l’internet, et à quelles fins.

Et si ça nous arrivait?

Selon Laura Tribe de OpenMedia, un groupe de pression qui milite pour un plus grand accès à internet, les chances qu’une loi semblable soit adoptée au Canada sont assez minces. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne devrait pas être inquiet.

« Une des grandes différences entre la FCC et le CRTC, c’est que la première est beaucoup plus indépendante et peut prendre ce genre de décision à l’interne. Le Sénat américain conserve un droit de veto, mais en général, la FCC peut faire ce qu’elle veut », m’explique-t-elle.

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Au Canada, il existe une clause pour assurer la neutralité du net dans la Loi sur les télécommunications, mais on est en train de la revoir. Le CRTC pourrait donc décider de mettre la neutralité du net au cœur de la loi – ou de l’enlever complètement. Mais Mme Tribe ne s’en inquiète pas trop. « Le CRTC et le gouvernement en place au Canada ont tous deux insisté sur le fait qu’ils appuient la neutralité du net. Pour que quelque chose comme ce qu’il se passe aux États-Unis puisse arriver ici, il faudrait non seulement que les lois changent, mais aussi un changement de gouvernement », affirme-t-elle.

Au Canada, certains groupes de télécommunications ont été punis par le CRTC pour leur tentative de violer la neutralité du net. Notamment, lorsque Bell a promu son service de streaming sur mobile sans frais ou lorsque Vidéotron a offert à ses clients un plan avec streaming de musique illimitée. Les deux fois, les fournisseurs ont perdu leur cause en appel.

Un futur incertain pour les États-Unis

Laura Tribe pense que les Canadiens devraient tout de même s’inquiéter de ce qui se passe aux États-Unis. Un des enjeux de l’abolition de la loi sur la neutralité du net, dit-elle, est non seulement que les fournisseurs facturent aux clients des frais additionnels pour les services qu’ils utilisent, mais qu’ils décident aussi de facturer les fournisseurs de contenu pour le droit d’offrir leurs services à leurs abonnés.

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Prenons en exemple Netflix. Disons, encore une fois, que les abonnés d’un forfait de médias sociaux doivent payer 5 $ par mois en plus pour avoir accès à Netflix (en plus du prix de l’abonnement). Le fournisseur pourrait aussi exiger des frais additionnels à Netflix pour assurer une qualité et une vitesse suffisante, sans quoi l’accès de ses abonnés serait tellement merdique qu’il vaudrait mieux tout simplement s’abonner au service de streaming du fournisseur. Plusieurs générateurs de contenu pourraient décider que ça ne vaut plus la peine et fermer leurs portes.

Si vous vous inquiétez de l’enjeu de la neutralité du net, vous avez absolument raison. Ce qui se passe chez nos voisins du Sud ne nous affecte peut-être pas directement, mais les effets secondaires pourraient être dévastateurs. Même ceux qui disent se foutre de la politique internationale pourraient décider que toucher à leur internet, c’est la goutte qui fait déborder le vase.

Billy Eff est sur internet ici et .