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Société

Des Belges non-binaires nous parlent de la complexité de leur vie sentimentale

« Le plus dur, c'est que mon rencard commence à douter par rapport à sa propre identité et se demande si en sortant avec moi, iel est lesbienne ou hétéro. »
Inke Gieghase
Ghent, BE

« C’est se sentir peu voire pas du tout à l'aise dans la case “homme” ou “femme”. » : c'est ce que je dis quand on me demande ce que cela signifie d'être non-binaire. Mais s'en tenir à une définition unilatérale n’a pas vraiment de sens, puisque la notion de non-binaire cherche justement à s’éloigner de ces catégories. Le genre ne se limite pas au masculin ou au féminin. Au contraire, le genre se situe entre ces extrêmes, voire en dehors.

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Si s’éloigner de cette manière de pensée est déjà une épreuve en soi, aller en date en est une autre — comme si ce n’était pas déjà assez compliqué pour une personne binaire. J’ai donc parlé à trois personnes non-binaires belges afin de discuter de leur vie sentimentale et des obstacles qu’iels rencontrent.

Naomi (27 ans), est appelé·e iel

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Mon dernier rencard remonte à ma dernière relation ; c’était aux Gentse Feesten. Depuis, je suis célibataire et je ne suis pas prêt·e à flirter. Mais le fais que je ne sois pas binaire est quelque chose que je n'ai commencé à dire aux gens que très récemment. C'est indiqué sur mon profil Tinder, mais les gens ne s'y attardent pas trop. Quand je rencontre quelqu'un pour la première fois, je ne vais pas dire : « Salut, je suis Naomi et je suis non-binaire ». J'attends jusqu'à ce que ce soit nécessaire.

« C'est indiqué sur mon profil Tinder, mais les gens ne s'y attardent pas trop. »

Quand on en parle, les gens ne comprennent souvent pas ce qui est juste. Parfois, on me dit : « C’est possible de n’être ni un homme, ni une femme ? ». J'essaie de l'expliquer aussi clairement que possible, si l'intention derrière la question est bonne. Mais il y a des jours où tu n'as pas l'énergie de le faire. Parfois, j'ai juste envie de m'asseoir au bar et parler de la façon dont j’ai cramé ma bouffe ce à midi.

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En plus, j'essaie de faire comprendre que je ne suis pas juste non-binaire. Si quelque chose me définit vraiment, c'est d’être millennial. Mon corps n'est qu'un squelette avec de la chair autour. Je vois mon identité comme celle de « Naomi », pas comme celle d’un homme ou d’une femme. C'est cool quand iels me définissent avec les termes adéquats, et pas comme « fille » par exemple. Si mon rencard fait ça bien, ça va faire battre mon coeur.

Dans notre éducation, presque tout est divisé de manière binaire. Souvent, le plus dur, c'est que mon rencard commence à douter par rapport à sa propre identité et se demande si en sortant avec moi, iel est lesbienne ou hétéro. Ce n'est pas mon rôle de définir leur identité ; c’est une recherche qu'iels doivent entreprendre elleux-mêmes. C'est ainsi que j'ai réussi à me définir comme bi.

Je n'aime pas le fait qu’on mette les gens dans des cases, mais je comprends qu'elles soient là pour donner un nom à l'enfant. Tant que les gens ne seront pas conscients de l'hétéronormativité ambiante, les catégories seront nécessaires. Mais commencer à donner un nom à chaque détail de façon compulsive n’est pas non plus l’intention.

Rowánn (32 ans), est appelé·e il/elle

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Il y a environ cinq ans, j'ai découvert que je n'étais pas binaire. Je me sens bien avec moi-même, sans me définir comme étant un homme ou une femme. Avant d’avoir des rencards, je n'avais jamais vraiment eu peur. J'ai tenu compte du fait que tout le monde ne serait pas d'accord avec ça. Mon attitude a toujours été la suivante : soit tu prends tout, soit tu te casses.

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Pourtant, dans mes relations antérieures, j'ai caché des choses qui me définissaient. Quand j'ai laissé sortir mon côté "féminin", j'ai eu droit à des remarques du genre : « Eh, Barbie est de sortie ? ». C'est difficile parce que tu montres une partie de ce que tu es et qu'à ce moment précis, on te poignarde dans le dos. Parfois aussi, si je me maquillais, on me demandait si je faisais des shows drag. Je me donne pas en spectacle, c'est juste une partie de moi. Tout le monde pense encore trop dans les cases et les stéréotypes. Il faut des gens qui arrivent à se définir elleux-mêmes au lieu d’être défini·es par les autres.

« Mon attitude a toujours été la suivante : soit tu prends tout, soit tu te casses. »

J’ai un copain depuis un an. Avec lui, rien de tel ne s'est jamais produit. Au début, il se demandait s'il aimerait que je porte une jupe, par exemple. Mais quand je l'ai fait pour la première fois, il m'a regardé·e pendant un moment et m'a finalement dit : « Plus tu es toi-même et plus tu as confiance en toi, plus je t'aime ».

Avant ça, j'ai eu un rencard où pendant un massage, le mec s’est approché de mes parties génitales. J'ai commencé à pleurer et je l'ai repoussé. J'ai eu l'impression que ça ne faisait pas partie de moi. Mais avec mon copain actuel, tout est rentré dans l’ordre et maintenant je suis bien avec ça. Je lui en suis très reconnaissant·e.

Le plus important, c'est d'avoir l'esprit ouvert. En chassant les préjugés de votre esprit, vous pouvez simplement vivre et laisser vivre. C'est ce dont on a besoin et j’aimerais que les gens le fassent davantage.

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Ines (29 ans), est appelé·e il/elle

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Si j'ai envie de rencontrer quelqu'un, je ne recherche pas forcément dans le milieu queer ou LGBTQ+. Je laisse cette question ouverte. Mais j'ai remarqué que dans le milieu queer, on rencontre souvent des personnes qui ne voient pas de problème au fait d’être non-binaire. Ou du moins, iels en ont déjà entendu parler. Et c'est cool de ne pas avoir à expliquer sa propre identité.

Dans la communauté LGBTQ+ moins activiste, on en a moins conscience. Mais bon, on ne peut pas reprocher à une personne de ne pas connaître quelque chose. Il y a parfois moins de compréhension à ce sujet. C'est une différence entre la scène queer activiste, plus ouverte, et la scène générale LGBTQ+.

Mais il ne s'agit pas seulement d'être non-binaire. Tout le monde est à la croisée des chemins et, avec moi, cela inclut mon orientation sexuelle, ma bisexualité et mon identité sexuelle. Si quelqu'un ne veut pas sortir avec moi, je ne sais pas si c’est lié à ma non-binarité ou ma bisexualité. Je sais depuis un certain temps qu'il existe des préjugés persistants à l'égard des bisexuel·les. Et on doit y faire face aussi bien au sein du milieu LGBTQ+ qu’à l’extérieur. J'ai même créé une ligne de vêtements à ce sujet. Il y a un T-shirt sur lequel est écrit : « Les seules plans à trois que je veux : pizza, film et canapé. »

« Tinder m'a banni·e de l'application. »

J’ai aussi été confronté·e aux préjugés sur les non-binaires sur Tinder. Une fois, j’avais envie de swiper, et j'ai réalisé que mon compte avait été bloqué. Quelqu'un m'avait probablement signalé·e parce que ma biographie mentionnait le fait que je n'étais pas binaire. Ensuite, Tinder m'a banni·e de l'application. Après avoir envoyé un mail, j'ai reçu une réponse automatique disant qu'iels pensent qu'il est important que leurs utilisateur·ices puissent se trouver dans un environnement sûr. Comme si j'étais en tort. Lorsque j'ai fait d'autres recherches, j’ai découvert que c’était un problème courant chez les personne transgenres. Quand je leur ai envoyé une plainte, iels m'ont dit que je pouvais à nouveau utiliser l'application. Ben merci et au revoir. Je n’y suis plus jamais retourné·e.

Heureusement, au niveau des rencards (de la vie réelle), je n'ai jamais eu de mauvaises expériences. Mais je suis une personne assez franche, tant sur mon identité que sur mon apparence. Je pense que cela rend les gens peu ouverts d'esprit moins susceptibles de sortir avec moi. Un peu comme une sélection naturelle.

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