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Sexe

« En fait, le clitoris, c'est comme une petite bite »

On a demandé à la créatrice du compte Instagram « T'as joui ? » comment donner – vraiment – du plaisir à une femme.
femme statue
Photos :  Thémis Belkhadra pour Vice FR 

« Alors, t'as joui ? » Lancé le 15 août dernier, le compte Instagram @tasjoui a reçu une avalanche de témoignages et enregistré 120 000 followers. Nouveau-né du féminisme 2.0, ce profil entend « en finir avec les monologues du clito » – comprendre : libérer la parole des femmes sur leur sexualité.

Derrière cette initiative, Dora Moutot, 31 ans, journaliste indépendante qui n’en est pas à son premier buzz sur les réseaux. Dix ans plus tôt, sa Gazette du mauvais goût, célébrant les tendances mode snobées par les branchés car trop « kitchs, freaks, folkloriques ou subculturelles », avait déjà réuni une communauté de 50 000 fidèles. Cette fois, c’est le thème de la jouissance féminine qu’elle explore avec cette décontraction qui la caractérise : « C’est important d’en parler. C’est quand même l’un des rares plaisirs gratuits offerts par la vie », nous a-t-elle lancé, d’entrée de jeu. Avant d’ajouter : « Avec @tasjoui, j’ai l’impression d’avoir ouvert la porte de Pandore. Je n’ai jamais reçu autant de témoignages ». Parce qu’en quelques semaines seulement, elle est devenue l’une des personnes les mieux informées de France sur la libido féminine, on est allé lui demander comment faire jouir une femme. Et on a appris plein de trucs.

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Vice : Alors comme ça, les mecs n’ont rien compris au plaisir des femmes ?
Dora Moutot : Déjà, la majorité d'hommes ne s’y intéresse pas ! Sur @tasjoui, une fille rappelait que, pour taper « double péné » sur un site porno », il y avait du monde – mais plus personne pour taper « clitoris » sur Google… Plus sérieusement, il y a, je crois, un cruel manque d’informations, qui engendre un manque de curiosité chez les hommes. La presse féminine aborde souvent les questions de sexualités – mais ça n’est pas le cas dans les journaux qui s’adressent aux garçons. D’une manière générale, il y a peu d’éducation sur les premiers rapports, comment ça se passe, comment s’y prendre… Du coup, les hommes n'ont pas appris à s'en préoccuper. Et la culture porno n'aide pas. Quand tu vois une femme jouir – enfin, simuler – à longueur de temps et que personne ne t'a expliqué que ce n’est que du show, comment veux-tu apprendre à bien faire ?

On parle souvent des « secrets du plaisir féminin ». Y-a-t-il un « secret » pour faire jouir les femmes ?
Commu-niquer. C'est ça le vrai secret ! On pense souvent que le secret, c'est le point G. Mais c’est absurde : pour faire jouir une femme, il est beaucoup moins important que le clitoris. Il y a finalement peu de femmes qui arrivent à jouir simplement par pénétration vaginale, sans stimulation du clitoris. Certains hommes se mettent en quête du point G avant même d’avoir trouvé le clitoris : c’est absurde ! Beaucoup de femmes ne savent même pas elles-mêmes où se trouve leur point G. Parce que la zone peut varier d’une femme à l’autre – alors que le clito, on le détecte assez vite. À condition de s’être intéressée à son propre corps.

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« Toucher un clito ne se résume pas à mettre son doigt dessus comme un bourrin »

Concrètement, quelles sont les différences entre l'orgasme féminin et masculin ?
Je ne suis pas experte en anatomie, mais le clitoris c'est comme une petite bite, finalement. La grosse différence, selon moi, c'est que la jouissance masculine est liée à la reproduction. C'est pour cette raison qu’on a laissé s’installer l’idée que l’orgasme masculin clôturait le rapport sexuel. Bien sûr, on ne demande pas aux hommes d’avoir une érection trois minutes après l’éjaculation. On sait que ça peut être difficile pour certains. Mais quand le mec a fini, si sa copine n’a pas joui, il peut l’aider à se masturber ou lui faire un cunni.

Pour mieux comprendre, inversons les rôles. Imaginons qu'une femme jouisse en plein milieu du rapport. Elle en a ras-le-cul, elle a eu son ton truc. Alors, elle dit au mec qu’elle est trop fatiguée pour continuer. Il va probablement lui répondre : « T’abuse ! Tu me laisses en galère, je vais avoir les couilles toutes bleues… ». On dit aux femmes qu’elles ne peuvent pas laisser un homme en plan, sinon il va souffrir physiquement. D’accord, mais les femmes méritent la même attention.

L’orgasme est éprouvant pour tout le monde. Certaines femmes ont des contractions après, et continuer le rapport peut leur provoquer des douleurs. Dans cette situation, soit on repart pour un second orgasme, soit on attend que ça se finisse et… on se retrouve au service de l'homme. On dit que les femmes peuvent avoir quinze orgasmes à la suite. Mais premièrement, ce n'est pas vrai pour tout le monde. Et ce n'est pas parce qu'on le peut, qu’on en a envie !

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Quels sont les défauts majeurs des mecs, au lit ?
Je pense que les mecs n'ont pas tous compris la délicatesse qu'il faut avoir avec un vagin. Toucher un clito ne se résume pas à mettre son doigt dessus comme un bourrin. Une femme peut jouir d’un effleurage de culotte ! Après, certaines aiment être griffées ; d’autres caressées avec une plume.

Et je rappelle que les filles peuvent avoir une façon de se masturber qui peut n'avoir rien à voir avec ce qu'on voit dans le porno. Il faut le savoir : on ne se met pas forcément de doigts en se masturbant ! C'est pour ça qu'il ne faut pas hésiter à demander aux femmes ce qu’elles aiment. Et ne pas se vexer quand elles vous prennent la main pour la mettre ailleurs. Et inversement : les mecs ne devraient pas hésiter à dire à leur partenaire comment bien faire les choses.

La pénétration, ça fait surtout kiffer les mecs ?
Non. Les filles aiment ça aussi. Mais c'est moins central que chez les garçons. Les femmes ayant moins accès à l'orgasme biologique, elles adoptent parfois une posture de l'esprit. Elles réagissent en miroir avec les fantasmes de l'homme : elles sont excitées par le fait de correspondre à l'image rêvée d'une femme qui se fait prendre. Ça peut être dangereux de se contenter que de ça. Ces fantasmes peuvent faire partie de la sexualité, pas de soucis avec ça. Mais à trop se dire « l'homme me trouve excitante, donc je suis excitée », on finit par confondre notre plaisir avec celui des mecs.

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Les fantasmes, ça compte beaucoup chez les femmes ?
Je ne sais pas si les femmes ont plus ou moins de fantasmes que les hommes, mais en tout cas, elles en ont. Et ça peut aller du truc ultra-romantique au fantasme de viol. Mais c’est parfois difficile à accepter. Clairement, on a encore du mal à se dire qu’on a le droit d’aimer un truc un peu tordu… sans se sentir comme la plus grosse pute de la Terre.

Un témoignage sur @tasjoui relevait un autre point : lorsqu'une femme s'ouvre sur des fantasmes un peu hors norme, ou perçus comme vulgaires, les hommes répondent souvent : « Je te respecte trop pour faire ça ». Là, on se rend compte que certains hommes ont du mal à tracer une ligne entre ce qui se passe au lit et dans la vie réelle.

On peut être en couple, avoir une relation respectueuse, bienveillante, et avoir des comportements inversés au lit. Un mec macho peut aimer se prendre des doigts dans le cul. Et une féministe ultra-vénère peut avoir envie d'être quasi étranglée quand elle baise. L'aire de jeu sexuelle reste une aire de jeu. Tant que c'est consenti et que la vie d'autrui n'est pas mise en péril, on peut tout s'autoriser.

« Certaines filles n'arrivent pas à jouir parce qu'elles sont dans la performance »

On croit souvent que les femmes ont besoin d'amour pour avoir une vie sexuelle épanouie, est-ce vrai ?
Oui, certaines femmes attendent d’être amoureuses pour coucher. Mais cela n’a rien à voir avec la jouissance. C’est surtout parce qu’elles n’ont pas envie d’avoir un mec qu’elles ne connaissent pas dans leur lit ! Concrètement, inviter un mec que l’on ne connaît pas dans son lit, c’est s’exposer à un risque de viol. S’il y avait moins de violences sexuelles, les femmes auraient peut-être moins d’appréhension à ce niveau-là. Mais pour l’instant, c’est clair, on a besoin d’un minimum de sécurité pour se lâcher.

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C'est aussi parce que la société nous a répété : « Il faut être mince, il faut sucer comme-ci, faire des bruits comme ça, aimer se faire enculer… ». Cette pression fait qu'au lit, on a très peur du jugement. Certaines filles n'arrivent pas à jouir parce qu'elles sont dans la performance. Ou parce qu'elles ont peur de faire une gueule de merde. Et oui, c'est difficile de rester belle quand tu kiffes.

Je crois que les femmes sont parfois trop conscientes au lit. Elles se disent : « Ohlala quand je suis en levrette, il doit voir mes bourrelets… Si je pense penche par-là, me seins vont être moches… ». Plein de filles refusent les cunnilingus parce qu'elles estiment avoir trop de poil, des lèvres différentes des actrices porno ou une odeur trop forte. D’où l’importance d’avoir un mec décomplexant en face de soi.

Et sinon, pourquoi les femmes simulent ?
Je pense que ça vient de la culture porno. On a vu dans les films que c'était le truc à faire, du coup on se transforme en cheerleaders du sexe. On les encourage, en mode : « Tiens le coup, mon gars, tu vas y arriver ! ». En fait, on est juste connes : on cherche à protéger l'ego des mecs comme des mamans ! Pourtant, ne pas se forcer est le meilleur moyen de faire comprendre à son partenaire ce qui marche… et ce qui ne marche pas.

Souvent, aussi, les filles simulent parce qu'elles sont trop gênées pour communiquer. Elles ont du mal à parler de leur plaisir, alors elles préfèrent faire du cinéma pour que le rapport se termine le plus vite possible. La simulation devient une sorte de masturbation mentale et le gémissement un moyen de s'exciter, plus qu'une réelle expression de l'excitation.

Est-ce qu'il ne suffit pas de vouloir faire jouir pour faire jouir ?
C’est un bon début ! Mais attention à ce que ça ne devienne pas un challenge. Quand l'homme veut absolument faire jouir sa partenaire - un peu par ego finalement - ça met une pression sur la femme qui peut bloquer l'orgasme. Il faut comprendre que la sexualité des femmes est parfois moins immédiate. Si une fille ne jouit pas la première fois, elle jouira peut-être à la quatrième ou la cinquième.

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