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Les citoyens spatiaux d'Asgardia violent déjà les lois terriennes

L’organisation prévoit de lancer un satellite d’hébergement de données avant la fin de l’année. Malheureusement, certains de ses “citoyens” uploadent des fichiers protégés par le droit d’auteur sur le site de l’engin.

Lorsque la nation spatiale autoproclamée d'Asgardia a été révélée au monde l'année dernière, l'une de ses ambitions affichées était de "digitaliser et entreposer le précieux savoir de l'humanité dans l'espace". Afin d'atteindre cet objectif, ses responsables ont autorisé les internautes à uploader leurs propres fichiers dans la base de données qui doit être placée dans le premier satellite d'Asgardia. Malheureusement, quelques fâcheux se sont servis du projet pour partager des images, des morceaux et des vidéos piratés.

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Au début du mois, le fondateur d'Asgardia, l'entrepreneur et homme d'affaires russe Igor Ashurbeyli, a encouragé ses 225 000 "citoyens" venus du monde entier à uploader leurs fichiers dans une base de données qui sera mise en orbite à l'aide d'un lanceur Space X. "Vos… Données demeureront à jamais dans la mémoire de la nouvelle humanité spatiale, a expliqué Ashurbeyli lors d'une conférence de presse à Hong Kong. Elles seront ré-installées dans chaque nouveau satellite Asgardia, dans chaque satellite de notre constellation orbitale, pas seulement dans l'espace proche mais aussi sur la Lune et partout où Asgardia se trouvera dans l'Univers."

D'après son site officiel, Asgardia a pour but ultime de devenir la "toute première nation spatiale" établie sur plusieurs satellites, mais aussi sur la Lune et "d'autres corps célestes", citoyens et système juridique compris. Sa constitution affirme qu'elle "respectera les lois et les traités internationaux des États terriens et souhaite être reconnue comme leur égale". Cependant, elle déclare aussi qu'Asgardia "n'interviendra pas dans les affaires des États terrestres et réciproquement" et qu'elle "respectera le secret commercial et bancaire", ce qui pousse certains experts à percevoir le projet comme une tentative de fondation d'un paradis fiscal extraterrestre.

Quelle que soit sa finalité, Asgardia est supposé prendre son envol cette année avec le lancement de son premier petit satellite. L'engin en question, Asgardia-1, un CubeSat doté d'un SSD de 500 gigaoctets, doit être mis en orbite en marge d'une mission de ravitaillement à destination de la Station spatiale internationale. D'après un document remis récemment à la Commission fédérale des communications (FCC) des États-Unis, les données seront transmises à Asgardia-1 grâce au réseau satellite Globalstar.

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Tous ceux qui acceptent de se plier à la constitution d'Asgardia peuvent devenir des citoyens de la nation spatiale et uploader 100Kb de données gratuitement. Pour 10$, les plus riches pourront envoyer 100Kb supplémentaires. "Ça peut être la photographie de votre petit chat, de votre voisin, de votre mère, de votre enfant. Tout ce qui vous passe par la tête", a déclaré Ashurbeyli.

Pour certains aspirants Asgardiens, "tout ce qui vous passe par la tête" semble signifier "des contenus protégés par le droit d'auteur". En parcourant les 7 000 uploads déjà effectués sur le site d'Asgardia, on trouve vite de nombreux fichiers protégés par les lois internationales sur le copyright. Vous pouvez écouter le Voyager de Daft Punk, regarder l'anime Attack on Titan, streamer le documentaire de Freethink sur la vie en orbite et surtout rickroller vos amis depuis le vide spatial. Vous pouvez aussi télécharger n'importe lequel de ces fichiers en un clic.

Capture d'écran du site consacré au satellite d'Asgardia. Image : Capture d'écran Motherboard

La constitution provisoire d'Asgardia a beau affirmer que la nation spatiale "n'intervient pas dans les affaires des États terrestres et réciproquement", ses règles d'utilisation avertissent qu'elle "se réserve le droit de refuser l'accès… à tout utilisateur… [qui violerait]… toute loi sur la propriété intellectuelle des États-Unis, de l'Autriche ou de la Grande-Bretagne."

Les sites Internet - et probablement les nations autoproclamées - qui hébergent des contenus piratés peuvent être poursuivis pour violation de la propriété intellectuelle s'ils n'accèdent pas aux demandes de suppression des données problématiques. Asgardia dispose d'une page de contact pour les individus qui considèrent qu'un upload viole leurs droits. Cette méthode le rapproche de YouTube, d'Imgur et de tous les sites qui hébergent des contenus envoyés par les internautes. Mais contrairement à ces derniers, il prévoit de placer le mécanisme de stockage des données dans l'espace.

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Michael Dodge, un professeur adjoint au Département des Études Spatiales de l'université du Dakota du Nord, explique que le satellite ne sera pas protégé des lois terriennes sur le copyright : "Le fait que ça se passe dans l'espace ne change pas grand chose à l'infraction. Le satellite va être lancé depuis les États-Unis dans une fusée américaine, il apparaîtra donc dans notre registre national." En vertu de l'Outer Space Treaty de l'ONU, cela signifie qu'Asgardia-1 fait partie de la juridiction des États-Unis.

De fait, si la nation spatiale ne règle pas le problème des pirates, sa base de données pourrait empêcher le satellite d'accomplir sa mission, voire entraîner l'annulation de son lancement.

"La FCC aura son mot à dire sur ce qui peut et ne peut pas être diffusé grâce au signal [montant], explique Dodge. Et la licence de lancement qui a été accordée à Space X par la Federal Aviation Administration (FAA) l'oblige à ne pas violer les internationales. Si nécessaire, ils peuvent annuler la mise en orbite."

Asgardia n'a pas immédiatement donné suite à nos demandes d'interview. En ce moment, la nation spatiale tente de se choisir un drapeau, de ratifier sa constitution définitive et d'élire une équipe de direction parmi ses citoyens. Elle se décrit elle-même comme une "future membre" des Nations unies. "Ils peuvent répéter ça autant qu'ils veulent, ça ne fera pas d'eux un état indépendant, affirme Dodge. Jusqu'à ce qu'ils soient reconnus par d'autres états-nations, et peut-être par l'ONU, il sera difficile pour eux de garantir que les autres états ne peuvent pas les atteindre et les forcer à obéir à leurs lois."

Si vous souhaitez rejoindre Asgardia avant que certains de ses citoyens ne soient déchus de leur nationalité, vous pouvez vous inscrire par ici.