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Noisey : Pourquoi as-tu eu envie de faire cette vidéo ?
Liisa Ladouceur : Il y a deux raisons. Premièrement, je suis fan de la vidéo YouTube « 100 Years of Fashion », et fascinée par la manière dont les autres cultures autour du monde ont profité du concept pour mettre en valeur leurs propres histoires de la beauté. Même si elles restent toutes plutôt conventionnelles. En tant que personne avant évolué dans les milieux punk et goth, je ne me suis reconnu dans aucun style. Je voulais également monter un projet artistique avec mes potes de Toronto, qui ont été ou sont toujours goths, ce qui permettait de célébrer ensemble une vision plus alternative de l’histoire de la mode. Un truc également important : j’en avais marre de lire des titres de journaux type « Telle célébrité vire goth » à chaque fois qu’une actrice ou un mannequin se pointait sur un tapis rouge avec du rouge à lèvres noir. Être goth va bien plus loin que ça, et c’est ce que j’ai voulu montrer.
Les canons goths ont beaucoup changé au fil des années, mais la base dark est restée. C’est quoi ton style goth préféré ?
On a mis en valeur 10 looks goth différents dans la vidéo, et je leur trouve tous quelque chose de beau et de merveilleusement bizarre, même la période pastel, qui a semé la controverse chez beaucoup de goths traditionnels. Personnellement, c’est le style batcave du début des 80’s qui m’a attiré en premier —les coupes de cheveux ébourrifées, les bas résilles déchirés, les accessoires bondage. Il y avait un vrai jeu autour de l’androgynie, de la fabrication de ses propres tenues, parce que personne ne commercialisait encore ce genre de trucs. Mais je pense que l’âge d’or de la mode goth a été le milieu des années 90, quand tout est devenu bien plus somptueux—les jupes en velours, les corsets, les capes, toutes ces influences tirées de l’époque romantique, de l’esthétqiue vempire de la littérature gothique et du cinéma, et le fait que les gens ne s’habillaient pas uniquement comme ça en club mais aussi dans la vie de tous les jours. Ceci étant dit, les styles nu-goth actuels d’inspiration occulte et bohème m’intéressent aussi !
Tu as noté une évolution similiare dans la musique goth, où elle se réfère toujours à Bauhaus ?
Eh bien, un paquet de groupes de goth rock tentent toujours de devenir les nouveaux Bauhaus, que Dieu les garde. Mais la musique goth a toujours été plus qu’un simple genre, et elle a évidemment évolué avec les décennies. Il y a quelques années, j’ai tenté de dresser un arbre généalogique du genre (que vous pouvez voir ici) pour mieux comprendre la trajectoire du goth metal, de la synthpop, de la darkwave ou du psychobilly, et que ces cercles se nourissaient de bien d’autres choses que des groupes britanniques des années 80.
Quelle est la plus grande incompréhension à propos de cette culture selon toi ?
Les fameux : « les goths sont dépresifs et suicidaires », et « ce n’est qu’une passade d’adolescents ». Il existe de nombreux êtres humains équilibrés qui, à l’âge d’adulte, voire même à un âge plus avancé, aiment encore écouter de la musique à la chandelle et s’habiller tout en noir.
Tu peux me parler de la musique que tu as utilisé, et pourquoi ces morceaux en particulier.
Toutes les chansons de « 40 Years of Goth Style » proviennent de petits grouoes de Toronto, qui ont tous des chanteuses ou des musiciennes dans leur formation, deux choses qui étaient importantes pour moi. Je voulais que la musique représente au mieux la vidéo, un bond sonore de la fin des 70’s à aujourd’hui, tout en utilisant des groupes contemporains et actifs. Amy’s Arms est un nouveau groupe goth rock d’ici et leur premier album My Dear Violet avait ce son de guitare tellement typique du post-punk 80’s que j’ai voulu les mettre en premier, une énergie brute sans pour autant effrayer le néophyte d’entrée ; on a utilisé deux de leurs titres, « Breathless Heart » et « Kisses ». Quand on a atteint la fin des années 90, je voulais montrer l’influence de la culture rave et de la musique électronique sur le genre, qui a modifié les clubs goths traditionnels et aussi les vêtements. Le morceau « Devil’s Night » de Johnny Hollow possédait plusieurs remix dans lesquels j’ai pu piocher, ce qui nous a permis de faire une bonne transition, et on a aussi mis le titre « Bloodsuckers », plus bougeant avec cette vibe cabaret-piano, il fait écho à l’évolution plus fun et girlie avec l’arrivée des gothic lolitas et du steampunk. A la fin, je voulais terminer avec quelque chose de moderne, la dreampop dark de For Esme sur le titre « Be a Light » semblait être la meilleure façon de conclure. Il y a aussi pas mal de paroles qui collent avec les mannequins de la vidéo, si vous faites bien attention.
Qu’est ce qui rend la musique « goth » ? Quels sont les groupes, anciens et actuels, les plus représentatifs de cette essence goth selon toi ?
De mon point de vue, la musique goth devrait toujours être sexy, dramatique, et un peu effrayante. Je ne suis pas musicologue, mais je pense aussi que le style donne ce qu’il a de meilleur quand la basse est lourde et en avant, et que beaucoup d’espace est laissé dans les morceaux. Honnêtement, le groupe qui porte encore le flambeau reste Cure, malgré leur âge. Mon nouveau groupe goth favori actuellement, même s’il n’est pas considéré comme tel par la plupart de goths, et c’est dommage, c’est Savages. Savages n’est pas seulement un nouveau Siouxsie & The Banshees mais c’est un des meilleurs groupes rock live, à la fois sombre, rageur, poétique et arty, que des qualités sur lesquelles les goths devraient se jeter comme une nuée de vampires sur un cou de vierge. Des groupes comme Grave Pleasures et Eagulls sont très bons aussi dans un registre post-punk classique, le délire « cholo-goth » de Prayers est très intéressant, et je soutiens évidemment toutes les sorcières nu-goth comme Chelsea Wolfe, Zola Jesus, Bat for Lashes, Austra et les autres.
La musique goth est-elle indissociable du style goth ?
Le goth est une culture qui possède sa propose bande-son. Il y a aussi cet attrait conséquent pour la littérature, l’histoire et l’art, mais à la base, ça provient d’une scène musicale, et la meilleure définition du goth a longtemps été simplement celui qui écoute de la musique goth. Aujourd’hui, le terme goth est plus souvent affilié à la mode – il existe des lolitas ou des steampunks qui n’ont jamais écouté Joy Division ou Marilyn Manson. Et c’est OK, une culture est de toute façon destinée à se transformer.
Est-ce que le goth est cool en 2016 ? Et est-ce que l’intérêt des masses est positif pour la survie de cette culture ?
Il y a une vieille blague qui dit : « les goths ne sont pas morts, ils en ont juste l’air » ! Et en effet, ils n’ont jamais disparu depuis la fin des années 70. Il y a des cycles où ils réapparaissent sur les radars et tu peux à nouveau en voir partout. Actuellement, le Nu-Goth est cool, on en croise partout sur Instagram, sur Etsy, et compagnie. C’est excitant de voir que cette nouvelle génération de stylistes, de mannequins et d’artistes se réapproprient le style avant qu’il ne retombe une nouvelle fois dans l’underground.
Kim Kelly n’est ni goth ni à la mode, mais elle est sur Twitter.