Des bricoleurs de l'extrême utilisent des batteries recyclées pour alimenter leur maison en énergie
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Des bricoleurs de l'extrême utilisent des batteries recyclées pour alimenter leur maison en énergie

Qui a encore besoin de Tesla ?

En mai 2015, Elon Musk a dévoilé la batterie Powerwall de Tesla. Cette batterie domestique permet à son propriétaire de stocker de l’électricité récupérée depuis son réseau électrique ou depuis des panneaux solaires. La technologie avait pour but de séduire un public intéressé par l’énergie alternative, mais son prix de lancement, 3000$, était trop élevé. De plus, la batterie pouvait stocker jusqu’à 10kWh d’électricité seulement, soit un tiers de la quantité journalière consommée par un foyer américain moyen (la nouvelle version peut stocker jusqu’à 14 kWh).

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Pour la plupart des amateurs d’énergie alternative, la proposition de Musk n’était pas vraiment satisfaisante. Plutôt que d’acheter la Powerwall de Tesla, ils ont donc décidé de construire leur propre version du produit en utilisant des batteries recyclées pour une fraction du coût annoncé par Elon Musk, et d'échanger sur Internet pour partager leurs astuces, protocoles et expériences avec d’autres bricoleurs. Les amateurs de powerwall faits maison communiquent via un forum dédié, sur des groupes Facebook et sur YouTube. Ils sont partout dans le monde : j'ai donc contacté ces makers passionnés sur trois continents différents, et une demi-douzaine de fuseaux horaires.

"C’est le futur ! C’est propre, efficace et puissant", me confie Jehu Garcia, l'un des fabricants de powerwall DIY les plus connus. Lui et ses semblables ont convenu de ce à quoi le futur de l’énergie alternative devrait ressembler, et ne souhaitent pas attendre que les géants de la tech le définissent pour eux. "L'idée est de pouvoir s’appuyer sur quelque chose que j’ai construit avec mes propres mains, dont je comprend les tenants et les aboutissants, et qui me permette d'alimenter toute ma maison en électricité. C'est passionnant", ajoute Joe Williams, un autre fabricant de powerwall DIY.

La plupart de mes interlocuteurs construisent des plateformes capables de stocker bien plus d’énergie que le Powerwall de Tesla (un porte-parole pour Tesla a décliné tout commentaire.) Un membre français du forum Diypowerwalls.com, dont le pseudo est Globux, affirme que son powerwall peut stocker 28 kWh. "J’alimente toute la maison avec. J’ai même acheté un four électrique et des plaques à induction pour pouvoir utiliser l’énergie supplémentaire pendant l’été", explique-t-il.

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Peter Matthews, un YouTuber australien et l'une des personnalités centrales de la scène maker, a construit une immense batterie pouvant stocker jusqu’à 40 kWh d’énergie, qu'il obtient grâce à 40 panneaux solaires situés sur le toit de sa maison. Le système alimente pratiquement toute sa maison à l'exception de ses "gros climatiseurs et la production d’eau chaude", me dit-il sur Skype. Matthews a créé DIYpowerwalls.com ainsi que le groupe Facebook de powerwall le plus prisé sur le net.

J'ai également parlé à Daniel Römer, un autre YouTuber, qui a construit les plus gros powerwalls que j'ai pu répertorier jusqu'à présent. Sa batterie contient plus de 22500 éléments et peut stocker, affirme-t-il, plus de 100kWh, c’est à dire 10 fois plus d’énergie que le Powerwall original de Tesla. Ce fabricant suédois l’utilise également pour exploiter l’énergie des panneaux solaires: "Mon système est conçu pour faire tourner ma maison 10 mois sur 12", m’explique-t-il par email.

La plupart des makers me disent avoir été inspirés par Garcia, qui est sans doute le plus connu des amateurs de batteries DIY. Ce YouTuber californien prévoit de construire ce qui pourrait un jour devenir une des plus grosses sources d’énergie privée des États-Unis. Son système de batterie géant pourra stocker 1 megawatt d’énergie, soit 1000 kWh, selon lui. "Nous prévoyons d’alimenter toute une usine de recyclage", me dit-il.

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Devenir un accumulateur de batteries

La plupart des bricoleurs avec lesquels je suis en contact utilisent des batteries 18650 au lithium-ion pour leurs projets. Très communes, elles sont enveloppées d’un revêtement plastique coloré et on les trouve dans de très nombreux appareils électroniques, comme les ordinateurs portables. L'un des grands défis pour la conception d'un powerwall est d’accumuler les centaines ou milliers d’éléments 18650 nécessaires pour construire une batterie capable de stocker une quantité d’énergie suffisante.

En magasin, elles coûtent parfois plus de 6€ l’une, et les tarifs sur les sites de seconde main comme eBay ne sont pas beaucoup plus avantageux. À ce prix, votre powerwall DIY pourrait coûter plus cher que le modèle Tesla.

Les fabricants de powerwall comptent plutôt sur les batteries recyclées qu’ils obtiennent de vieux ordinateurs portables Dell, HP, Lenovo et LG (parmi d’autres). YouTube regorge de vidéos expliquant comment ouvrir une vieille batterie d’ordinateur portable pour en extraire les éléments.

Image : Glubux

Les gens jettent très souvent leurs vieilles batteries d'ordinateur portable, remarque Garcia. "C’est un énorme gaspillage si vous considérez qu'il est tout à fait possible de les récupérer et de les réutiliser."

Il a raison. Les vieilles batteries que lui et d’autres fabricants de powerwall ont récupéré finiraient probablement dans une décharge si elles n’étaient pas réutilisées. "Environ 95% des batteries commerciales vendues aux États-Unis ne sont pas recyclées et sont tout simplement jetées", m'explique Carl E. Smith, PDG et président de Call2Recycle, l'une des principales organisations de recyclage de batteries. "Presque toutes les batteries peuvent être recyclées en produits secondaires utiles, et c’est pour cette raison qu’elles ne devraient pas finir dans des décharges. À l'inverse, elles devraient être recyclées de manière automatique", dit-il.

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Il est souvent long et pénible de rassembler tous les éléments nécessaires à la fabrication d'un powerwall. "Au début, je passais 5 ou 6 heures par semaine au téléphone", m’explique Matthews, le fabricant de powerwall australien. "J’ai fait des milliers de kilomètres de bagnole pour récupérer des batteries."

Une partie du problème est que peu d’ordinateurs portables sont recyclés, m'explique Jason Linnell, le directeur du Centre national pour le recyclage des produits électroniques. Selon lui, la plupart des gens stockent leurs vieux ordinateurs portables chez eux : "En toute honnêteté, nous ne recevons pas énormément d’ordinateurs portables en ce moment."

Garcia ajoute que les batteries d’ordinateurs portables sont si rares que leur prix a augmenté depuis que les premiers powerwalls DIY ont été construits par des particuliers. "Le marché en a bénéficié car beaucoup de personnes s’y intéressent", explique-t-il. "Il est donc devenu difficile pour moi de trouver de bonnes affaires."

Image : Glubux

L’autre problème est que les constructeurs ne fournissent pas de vieilles batteries directement aux consommateurs. "J’espère que nous allons pousser ces entreprises à donner leur accord pour utiliser et récupérer ces batteries", ajoute Garcia. "C’est compliqué à cause de toutes les règles, la législation et les avocats."

Lorsque j'ai contacté des constructeurs de laptops, Dell et HP m’ont informé qu’ils décourageaient les amateurs de réutiliser leurs vieilles batteries. "Les batteries Dell sont conçues pour être utilisées avec des produits Dell uniquement. Nous ne recommandons ni n’approuvons aucune autre utilisation", m'affirme un porte-parole de Dell via email.

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"Les blocs-batteries HP sont conçus pour une utilisation avec les produits HP et nous ne recommandons pas leur utilisation pour des applications que nous n’avons pas conçues et pour lesquelles ils ne sont pas destinés", me dit également une porte-parole de HP par email. Lenovo a décliné tout commentaire et LG n’a pas répondu à notre demande de commentaire à temps pour la publication de cet article.

Construire un powerwall

Rassembler assez de batteries est la première étape pour construire un powerwall maison. Chaque élément doit être testé car certains peuvent être dangereux à utiliser, m’affirment plusieurs makers. Les batteries au lithium-ion ont une durée de vie limitée, et certains possèdent des capacités de stockage trop faibles pour être utilisées.

"En gros, vous récupérez la batterie, vous l’ouvrez, vous testez le voltage pour voir où elle en est et vous la calibrez", explique Garcia.

"Calibrer" une batterie signifie la vider de son énergie, puis la recharger à pleine capacité. "Ces trucs sont vieux…vous devez donc les réveiller en les déchargeant et en les rechargeant", explique-t-il.

Image : Jehu Garcia

Une fois qu’ils ont assez de batteries de qualité, les fabricants arrangent les 18650 éléments en supports ou en "blocs". Des fournisseurs en ligne proposent des supports de batteries prêts à l’emploi, mais de nombreux fabricants de powerwall préfèrent concevoir et construire leurs propres produits. Ils sont souvent pensés de telle façon que si un des éléments se détériore, il peut être remplacé sans avoir à démonter la plateforme entière.

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Ensuite, "des jeux de barre", ou des bandes de métal conductrices sont ajoutés en haut du bloc. Par exemple, Matthews, le fabricant de powerwall australien, a utilisé du cuivre recyclé pour son jeu de barres. Une fois les jeux de barre ajoutés, les éléments individuels sont soudés les uns aux autres.

Quand un nombre suffisant de blocs de batteries a été assemblé, le powerwall terminé est branché sur onduleur et fixé à l’intérieur d’une cabane de jardin ou une autre structure extérieure. La plupart de mes interlocuteurs disent qu’ils ne gardent pas leurs powerwalls dans leur habitation pour des raisons de sécurité ou pour se conformer à la législation locale.

Ne cramez pas la baraque !

L'un des sujets les plus fréquemment abordés dans mes conversations avec les fabricants de powerwall est la sécurité. Fusionner des centaines de batteries au lithium-ion recyclées est dangereux et peut provoquer un incendie si tout n’est pas fait correctement.

Sur le forum DIYpowerwalls, des douzaines de threads sont consacrés à la prévention pour que ces immenses appareils électroniques faits maison ne prennent pas feu. YouTube est également rempli de vidéos avertissant les fabricants de powerwall que leurs projets sont dangereux.

Les bricoleurs de powerwall ne sont en général ni ingénieurs, ni électriciens. Ils n’ont pour la plupart jamais reçu de formation spécifique, mais les risques les laissent impassibles. Il n'en est pas moins que récemment, ils s'encouragent les uns les autres à adopter de bonnes pratiques de sécurité pour la construction de leurs plateformes.

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Image : Glubux

"Il existe beaucoup de vidéos en ligne dont le but est d'informer sur les risques liés aux batteries", explique Garcia. "Mais tout ce que ces mecs font pour démontrer ces risques, c’est scier les batteries en deux et les suralimenter."

"Dès le début, nos activités ont inspiré beaucoup de réactions négatives", explique Williams. "Vous allez faire cramer votre baraque, vous faites n'importe quoi, des trucs dans le genre."

Avec le temps, et comme les powerwalls DIY ont prouvé qu’ils pouvaient stocker de l’énergie en toute sécurité, la communauté est devenue plus positive. Récemment des systèmes de gestion de batterie (BMS) ont été adaptés à la surveillance de powerwall : ils préviennent son propriétaire quand, par exemple, elle est en surchauffe.

"Je recommande d'utiliser un BMS ou un système de surveillance capable de protéger au moins partiellement les éléments du powerwall de sous-charges et surcharges, afin d'éviter les courts-circuits", me dit Römer, le fabricant de powerwall suédois. "Je fais fonctionner mon BMS Batrium avec un logiciel spécialement conçu pour contrôler mes 4 unités, y compris pour déconnecter des bancs de batteries en cas de problème."

Image : Daniel Römer

"Je pense qu’on a pris conscience de notre responsabilité. Quelqu’un va finir par provoquer un incendie si nous n’encourageons pas un bon système de sécurité pour ces batteries", ajoute Garcia.

Tous les fabricants de powerwall DIY avec qui je me suis entretenue m’ont soutenu que développer leur propre source d’énergie alternative valait la peine – en dépit des risques et du temps considérable passé à construire tout le système. Leur récompense, c'est bien plus que quelques dollars économisés sur la facture d’électricité : ils ont le sentiment d'appartenir à une communauté à part entière.

"Je pense que le plus motivant dans le fait de construire un powerwall est de voir tous ces gens se parler depuis les quatre coins du monde, et essayer de trouver des solutions ensemble", conclut Williams.

Image : Peter Matthews