L’Internet est un truc étrange, une constellation diffuse d’idées affirmées avec aplomb et de souvenirs ancrés dans le granit numérique. Pour cause, j’avais écrit il y a un peu plus d’un an que j’avais pour habitude de « boire quelques verres » quand je sortais. C’est avec un certain amusement que je suis retombée sur ces lignes, amusement lié à mon mensonge de l’époque : en réalité, je suis capable de coucher n’importe quel mec niveau alcool.
En plus, le lendemain, tout roule pour moi, grâce à ma thérapie anti-gueule de bois magique, qui combine café très serré, banane, Alka-Seltzer et trois comprimés de paracétamol. Plus tard dans la journée, j’avale un ou deux Coca Light, puis je me remets à boire sans problème. Évidemment, point important : j’avale autant d’eau que mon corps me le permet.Ceci étant dit, je n’ai aucun moyen d’accéder aux remèdes les plus pointus, tant je suis fauchée. Comme je suis à peu près sûre que la bourgeoisie ne vit pas les mêmes lendemains de cuite que moi, j’ai cherché sur Internet différentes recettes de remise en forme adaptées aux gens dont le compte en banque n’est pas constamment négatif. Voici les plus remarquables.
L’intraveineuse
La cuite
Nous sommes le lendemain du festival de Glastonbury, et pour vous donner une idée de mon état mental, voici les actions qui se sont succédé dans ma journée : gerber dans mes toilettes, écouter « Hero » des Foo Fighters sur le chemin du McDo, faire une pause pour pleurer, renverser tous les produits de beauté de mon armoire, être victime d’une crise d’angoisse après avoir sombré dans des réflexions existentielles sur la solitude des êtres humains. Je suis tellement déprimée que je sens que mon âme sort de mon anus peu à peu. Je suis à deux doigts de sombrer dans la folie, mes synapses ne répondent plus, et je souffre.
Le remède
« Tu as fait subir quoi à ton corps, à Glastonbury ? »
Deux infirmiers très sympas débarquent au bureau de VICE avec un équipement imposant. Deux autres employés, attirés par la perspective d’être guéris de leur gueule de bois, se joignent à nous. Je raconte aux deux spécialistes tous les produits que j’ai ingurgités au cours du festival. Ils hochent la tête et ne me jugent pas. L’un des deux infirmiers me plante une aiguille dans le bras.
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La perfusion contient un mélange de paracétamol, kétorolac, ondansétron et de solution saline. Toutes ces choses sont censées me réhydrater, être anti-inflammatoires, et m’empêcher de vomir. Si les infirmiers sont incapables de m’empêcher de pleurer, ils me précisent tout de même qu’être mieux dans mon corps finira par avoir une influence sur ma tête. Je sens que la solution parcourt mes veines.
Plus tard, les deux infirmiers ajoutent du magnésium – en fait, j’en sais trop rien, vu que je suis occupée sur Instagram. D’un seul coup, j’ai l’impression que ma poitrine est en feu, mais un infirmier me rassure en me disant que je manque cruellement de vitamines et de minéraux.
Efficacité ?
D’un côté, j’ai été chouchoutée par des professionnels durant mes heures de travail. De l’autre, j’ai pu parfaire mes stories Instagram. Le lendemain matin, tout allait beaucoup mieux, et je me sentais en parfaite santé – sensation que je n’avais pas connue depuis un bail. Si j’avais 130 livres à gaspiller tous les week-ends, je le ferais pour ça.9/10
Manger sain, et autres repas morts de l’intérieur
La cuite
Quand vous n’êtes encore qu’un enfant, vous ne vous dites jamais que boire tout seul sera quelque chose que vous pratiquerez avec régularité. Évidemment, en vieillissant, il vous arrive de boire quatre bières un jeudi soir devant des séries, sans rien manger, après avoir vu votre date vous poser un lapin parce qu’il préférait se pinter la gueule avec des copains du rugby. De plus, vous oubliez que votre petit frère est censé débarquer chez vous tout droit rentré de Lituanie, là où vit sa meuf qu’il a rencontrée en jouant à World of Warcraft. Au final, vous vous réveillez avec la bouche pâteuse, le bras de votre frérot sur votre sein. C’est une cuite au goût de honte qui vous attend.
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Le remède
Là, il est question de vous rendre dans le supermarché bio le plus onéreux de la ville, et d’y acheter les produits les plus chers présents dans les rayons – comme ce sachet contenant des fruits secs et coûtant 20 livres. Vous finissez par vous enfiler un smoothie entièrement vert – contenant de l’herbe, des orties, du jus de pomme, et quelques compléments alimentaires –, un bol mêlant müesli au sarrasin et fruits rouges, ainsi qu’un latte au charbon de bois (oui oui, ça existe). En gros, vous boufferez à peine, et vous en aurez pour 40 balles.
Le smoothie était OK, rien à dire. Un peu chiant, certes – comme un film de Claude Lelouch [oui, cet article a été adapté au lectorat français, ndlr], en gros. Après, le müesli avait un goût de bois, ce qui est logique vu qu’il va à rebours de toute notion de plaisir gastronomique pour privilégier l’aridité des Nordiques. Quant au latte… eh bien, il s’agit de la boisson la plus étrange jamais bue de ma vie. En gros, vous buvez quelque chose qui n’a aucun goût. Aucun, walou. C’est l’être et le néant en même temps. De la sorcellerie pure. Au final, vous sortez de votre repas avec un étrange sentiment de vide, de tristesse, comme si le monde était gris, triste, et aux mains des puissances d’argent et des managers médiocres.Imaginez-vous dans Alice au pays des merveilles, mais un pays où les couleurs acidulées auraient été remplacées par du gris anthracite, tandis que les arbres en sucettes auraient été effacés au profit de morceaux de céleri. Voilà, vous y êtes, dans l’enfer que notre monde aseptisé nous promet. Ma gueule de bois n’a absolument pas diminué, et mon bonheur s’est évanoui. C’est un mode de vie (merdique), pas un remède.2/10
Efficacité ?
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Une escapade dans un spa du Pays de Galles
La cuite
Le remède
Malheureusement, je suis incapable d’entrer dans le sauna car la chaleur me rend malade. Du coup, je m’endors sur une table de massage, tandis qu’une jeune femme me malaxe le corps. Je me réveille une heure plus tard, et ma tête me fait deux fois plus mal. Pourtant, je bois de l’eau.
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Efficacité ?
San Pellegrino Limonata
La cuite
Encore une fois, cette cuite commence par quelques bières en solo, confortablement installée dans le fauteuil d’un cinéma. Alors que les images défilent, l’alcool se répand, et je me réconcilie avec le cinéma indépendant contemporain. Rentrée chez moi, je me bourre la gueule, et ne respecte pas l’adage : « Surtout, ne pas mélanger les alcools. » Le lendemain, c’est l’enfer. Un marteau-piqueur entre par ma narine pour ressortir par mon oreille droite, tandis qu’un bébé hurle comme si on venait de lui arracher les ongles de ses pieds (c’est une image, bien sûr).
Le remède
Détrompez-vous, il ne s’agit pas une seule seconde de placement de produit. Et OK, je l’avoue, boire de la San Pellegrino Limonata ne coûte pas non plus des centaines de livres. Avouez tout de même que tous les gens qui en boivent font partie d’une catégorie socioprofessionnelle qui ne vote jamais trop à gauche, ni trop à droite, et qui apprécie les cinémas d’art et d’essai (des gros bourges, en somme). Enfin bref. Du coup, je m’assieds sur l’herbe et me mets à avaler des cannettes à la suite. Pourtant, je déteste la Limonata. Je trouve que ça ressemble à de la limonade hyper sucrée, une sorte de 7UP pour macronistes [oui, cet article a été adapté au lectorat français, ndlr]. En gros, la Limonata est surfaite.
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